05302023Headline:

À Mayotte, l’ONG Médecins du monde dénonce un blocage de l’accès aux soins

L’accès aux soins est une problématique centrale à Mayotte. En 2019, 45% des habitants de plus de 15 ans déclaraient avoir dû renoncer à des soins. Alors, début mai, les collectifs pro-« Wuambushu » ont utilisé les différents lieux de santé pour se faire entendre et ont organisé des blocages pour réclamer le départ des étrangers en situations irrégulières.

Ces blocages ont été levés au moment où les rotations vers les Comores ont repris. Mais ces manifestantes – des femmes pour l’essentiel – continuent de se rassembler devant certains lieux, comme au dispensaire de Jacaranda (Mamoudzou), où elles affirment soutenir les soignants exerçant leur droit de retrait. En effet, l’intrusion violente dans le dispensaire de Dzoumogné et le caillassage d’un bus où se trouvaient des membres du personnel hospitalier ont entraîné droits de retraits et déclenchement du plan blanc par le Centre Hospitalier de Mamoudzou (CHM).

Un accès aux soins toujours réduit
« On assiste à un blocage de l’accès aux soins, c’est un effet périphérique de ’’Wuambushu’’ », constate Florence Rigal, la présidente de Médecins du monde France, en visite à Mayotte. « Ce qu’on a constaté à Médecins du monde, c’est qu’à un moment, des gens se sont installés. D’autres sont inquiets pour leurs conditions de travail. L’hôpital a été fermé, ça a été annoncé comme tel. Actuellement, il est censé être ouvert, mais les gens ne viennent pas. Soit parce qu’ils n’ont pas l’information, soit parce qu’ils ne se sentent pas en sécurité pour venir se faire soigner », affirme Florence Rigal.

De fait, l’association a suspendu ses maraudes dans les deux bidonvilles de l’île où elle intervient normalement, faute d’accès aux patients qui, craintifs, se cachent. Ces dernières semaines à Mayotte, les ouvertures des différents dispensaires et services de santé sont imprévisibles et mouvants. « C’est un peu la pêche à l’information pour savoir où on va trouver porte close ou non pour suivre les traitements. Les gens ne peuvent plus accéder simplement à l’hôpital pour des soins réguliers », dénonce la présidente de l’ONG.

 

Un manque de soins qui concerne tout le monde
Cette problématique ne concerne pas que les personnes étrangères, martèle l’association. Elle impacte tous les habitants de Mayotte, et cela n’est pas sans conséquence. « À Médecins du monde, on sait qu’il n’y a pas que l’urgence qui compte. Il faut pouvoir accéder à ses traitements. La santé, c’est quelque chose de quotidien », déplore Florence Rigal.

Sans compter que le retard dans la prise en charge risque d’avoir des conséquences lourdes et à long terme : « Il y a des risques d’aggravation des situations, de décompensation, de retards d’accès aux soins. Et on sait que différer ces soins engendre une perte de chance. Et il va falloir rattraper ce retard, ce qui va engendrer des délais d’accès aux soins encore plus longs. »

La nécessité de sanctuariser les lieux de soins
L’association Médecins du monde appelle donc les autorités de santé à affirmer publiquement « la sanctuarisation des lieux de soins et la nécessité de les conserver ». L’ONG demande aussi des mesures pour que « les gens se sentent en sécurité autour des lieux de soins, sans crainte d’interpellation ou d’altercation ». « On a besoin d’un positionnement officiel des autorités sanitaires là-dessus », tranche la présidente de l’ONG.

Pendant ce temps-là, au CHM, la situation se dégrade et un sentiment d’incertitude flotte. « Il y a des situations qui s’aggravent faute d’accès à certains médicaments. Et on a assisté à des tris de patients opérés par des personnes qui n’étaient même pas des soignants, et cela, sur le seul critère de leur nationalité », confie un médecin de l’hôpital. Une autre crainte grandit chez ce même médecin : « On constate une baisse d’activité inquiétante. Mais tout le monde est impacté par cette opération. » Il se demande si cette situation va durer longtemps. « L’offre de soins est déjà misérable sur l’île, mais là, ça va encore s’appauvrir », conclut le soignant, conscient que les actes de délinquance et la violence usent les personnels de santé de l’île. Il craint aussi un embrasement des relations entre communautés dont l’impact pourrait se faire sentir jusque dans l’hôpital.

 

 

What Next?

Recent Articles