Anousheh Ansari n’a qu’une philosophie : vivre pour que ses rêves deviennent réalité. Née en Iran, l’entrepreneuse a marqué l’histoire en 2006 en devenant la première citoyenne de son pays, mais aussi la première femme à financer son voyage dans l’espace, et passer dix jours dans la Station spatiale internationale. Femme d’affaires à succès aux États-Unis, elle veut marquer la société par ses expériences et aider au
Arkalyk, Kazakhstan, 29 septembre 2006. Après dix jours, Soyouz-TMA8 atterrit avec, à son bord, deux astronautes professionnels, et la « participante d’une aventure spatiale », Anousheh Ansari. Une première pour l’éternité, et Anousheh vient d’inscrire son nom dans l’histoire. Mais le chemin entre son Iran natal et la Station spatiale internationale a été marqué par des épreuves qui ont forgé son caractère.
Originaire de Mashhad, à 900 kilomètres de la capitale iranienne, la famille Ansari déménage à Téhéran alors qu’elle n’a que 3 ans. Son enfance est tranquille, mais à 13 ans, sa vie change, et la jeune fille ouvre les yeux sur une dure réalité qui bouleverse son existence. « La révolution de 1979 a été un énorme choc, tout a changé radicalement, ma vision sur mon pays, l’équilibre de la société, j’étais effondrée, se souvient-elle. Voir des hommes et des femmes battus en public, de la violence partout, ça a été une énorme redescente sur terre pour moi, qui commençait déjà à regarder vers les étoiles. » L’adolescente, qui passe déjà une bonne partie de son temps à observer le ciel depuis sa chambre, sait que le départ est inéluctable. La famille s’envole en 1984 pour les États-Unis. Un second choc. « Je ne connaissais quasiment pas un mot d’anglais, quelques paroles de chansons, c’était tout ! », sourit-elle. « Tout n’a pas été facile, mais j’ai vite compris que c’était la meilleure chose pour nous. Et je voulais tout faire pour vivre ma nouvelle vie à fond. »
Elle s’investit dans ses études, apprend l’anglais en un temps record et décroche des bourses universitaires. Elle décide de rejoindre la fac de George Mason, en Virginie, puis valide un Master à George Washington, en ingénierie informatique et télécommunications. Les premières pierres sont posées pour se rapprocher de l’espace. « J’ai toujours eu l’espace en tête. Mes études, mes projets personnels sont liés à cet objectif, et chaque jour, chaque semaine, chaque année sont guidés par cela », précise-t-elle. Elle obtient son premier emploi à MCI en 1991, l’une des entreprises leaders du marché en télécommunication aux États-Unis, et y rencontre son futur mari, Hamid. Deux ans plus tard, en observant que le marché national du secteur se dérégule, elle motive son époux et son frère, Amir, à lancer leur entreprise. Telecom Communication est née. La compagnie grandit, et en 2000, le clan Ansari la revend pour… un demi-milliard de dollars ! « Le business se portait très bien, mais j’avais toujours en tête l’espace, comme obnubilée par cela. Je continuais ma marche en avant avec cette idée de voyage. Et mon rêve commençait à devenir une possibilité », se rappelle-t-elle.
Anousheh poursuit sa carrière à succès et, en 2001, une première mondiale vient ouvrir une porte : Dennis Tito, milliardaire américain, devient le tout premier touriste spatial et passe sept jours dans la Station spatiale internationale. La femme d’affaires se lance à son tour et dépense 20 millions de dollars pour devenir l’une des suivantes sur la liste. « Je suis partie en Russie durant six mois pour suivre le programme d’entraînement. Je n’aime pas le terme “touriste spatial”, ce n’étaient pas des vacances ! C’est une expérience qui vous rapproche de celle que vivent les astronautes », insiste-t-elle. Anousheh apprend le russe, suit une préparation très intense, mais aussi des cours sur les projets en cours dans la Station spatiale internationale, car par obligation, sa présence à bord revêt un objectif de recherche scientifique, sur les thématiques de l’ingénierie et de la santé. Avant son grand départ, elle réalise ce qui lui arrive et pense au chemin parcouru : « Moi, fille d’Iran, je fais aussi cela pour donner de l’espoir à toutes les femmes iraniennes et du Moyen-Orient. Je voulais montrer que tout est possible, que nos rêves ont aussi de l’importance », souligne-t-elle.
Le jour J arrive le 18 septembre 2006, à Baïkonour, avec le décollage de Soyouz TMA-9. Après 48 heures, la capsule s’amarre à la Station spatiale internationale, et Anousheh Ansari réalise son rêve. « J’étais bouche bée, c’était quelque chose d’unique. Quasiment vingt ans après, je n’ai pas tous les mots pour décrire cette aventure », confie-t-elle. Durant dix jours, elle travaille sur des thématiques de santé comme la gestion des problèmes de dos à bord de la station, mais aussi sur la gestion bactériologique dans un espace réduit comme l’ISS. « J’ai appris, vu beaucoup de choses. On prend vraiment conscience de l’immensité de l’espace, mais aussi et surtout de la grandeur de la Terre. On voit les océans, les continents, tout paraît si différent, sans frontières, sans limitations. J’ai gardé des images plein la tête pour le reste de ma vie », précise-t-elle. Ce voyage a aussi eu un impact encore plus fort dans sa conviction d’aider des projets de développement durable. « Les voyages dans l’espace ont pour but, à 90% des cas, d’aider à améliorer la vie sur terre. On va surtout dans l’espace pour mieux comprendre notre bonne vieille planète Terre », souligne-t-elle. Dans cette optique, elle préside, depuis 2014, la fondation XPrize, qui compte des mécènes comme James Cameron et Larry Paige, et qui développe des projets de recherche scientifique visant à améliorer la vie sur terre. Cartographie des mouvements marins depuis l’espace, mais aussi envoi de satellites visant à approfondir la recherche sur l’eau font partie des nombreuses initiatives financées par l’organisation.
À 56 ans, Anousheh Ansari a toujours la tête dans les étoiles, mais les pieds restent sur terre. « Je suis une femme déterminée à aider mon prochain, mais je n’oublie pas d’où je viens », précise-t-elle. « Ce qui se passe dans mon pays depuis bien trop longtemps, et encore plus maintenant avec les événements et la forte répression du pouvoir, j’y pense tout le temps. Je ne suis pas retournée en Iran depuis mon départ il y a 40 ans. Ma terre me manque, j’espère y retourner un jour et continuer à inspirer les Iraniennes », conclut-elle.