Oppression et répression sous la 3ème république de Ouattara: Après 5 heures passées à la préfecture de police, le Pr. Mamadou Koulibaly et Abou Drahmane Sangaré, les leaders du Front du Refus qui s’opposent au coup d’Etat constitutionnel d’Alassane Dramane Ouattara, ont été relâchés au milieu de la nuit.
C’est dans la nuit de vendredi 4 novembre, peu après 21 heures – en dehors des heures légales – que les policiers ont débarqué au domicile de l’opposant Mamadou Koulibaly, Président de LIDER, à la Riviera à Abidjan.
Ils lui présentèrent une convocation du service des enquêtes générales (rédigée à l’attention de Mamadou Coulibaly avec C) ainsi qu’une lettre au préfet signée par le procureur Kanga Yao instruisant que, sur demande du ministre de la justice, il devait être entendu à la préfecture de police à propos de «l’appel au boycott du scrutin référendaire». Le même sort était réservé à Abou Drahmane Sangaré, le président par intérim du Fpi.
Les avocats du Prof. Koulibaly, Me Ericson Dirabou et Me Aliou Niangadou, ont d’abord été refoulés à l’entrée de la préfecture de police, avant de pouvoir avoir enfin accès à leur client, alors que des proches collaborateurs et militants se rassemblaient au Plateau, avant d’en être éloignés sans ménagement par les Crs.
L’audition du Prof. Koulibaly dura un peu plus de 2 heures. Interrogé sur l’appel au boycott qu’il aurait lancé, le Prof. Koulibaly a posément répondu que les mots ayant un sens, il n’avait jamais lancé un appel au boycott. «Un boycott, c’est quand vous dites que vous ne faites pas quelque chose et que vous laissez les autres faire. Moi, je n’ai pas dit que je boycotte. J’ai dit que je refuse cette constitution illégale et que je refuse ce référendum illégal. Je dis que je ne fais pas et qu’il faut empêcher les autres de faire. C’est différent. Cela ne fait pas partie des attributions du président de la République de doter la Côte d’Ivoire d’une nouvelle constitution. Donc c’est d’abord à lui que je me suis adressé pour lui dire de ne pas le faire. Les députés ivoiriens n’ont pas le droit d’adopter une nouvelle constitution pour la Côte d’Ivoire. Cela ne fait pas partie de leurs prérogatives, ni dans le règlement de l’assemblée nationale, ni dans la constitution de Côte d’Ivoire. Réviser une ancienne constitution, oui. Corriger une ancienne constitution, oui. Mais une nouvelle, non ! Alors à eux aussi, j’ai dit de ne pas le faire. Et puis au reste de la population aussi, j’ai dit de ne pas aller voter et d’utiliser tous les moyens légaux à leur disposition pour faire barrage.»
Lorsque le procureur lui a demandé d’expliciter le terme «faire barrage», Mamadou Koulibaly s’est volontiers exécuté : «Faire barrage, c’est soi-même ne pas aller voter. Deuxièmement, dans les populations, il y a des militants de partis politiques qui ont des députés, des membres à la commission électorale. C’est de dire à ces militants, vous-mêmes n’allez pas voter et puis faites pression sur vos députés, sur les membres de la cei pour qu’ils ne fassent pas ce référendum. »
A la question de savoir s’il avait, au regard des derniers événements politiques, le sentiment que son message a été «perçu et bien perçu», le président de Liberté et Démocratie pour la République a répondu : «Selon les chiffres de la Cei qui sont d’ailleurs douteux, et au regard du taux de participation plus faible, 42%, que celui qui a permis d’adopter la constitution de 2000, 56%, je me dis, mon message a été perçu. Quand je vois aussi qu’en 2000, on avait 5 millions d’inscrits sur la liste électorale dont 2.800.000 ont voté alors que dimanche dernier, il y avait 6,3 millions d’inscrits dont seulement 2.600.000 ont voté, je me dis que mon message a été perçu. Mais bien perçu, non ! Parce que quand même, je dois avouer que le texte a été approuvé, sur la base de statistiques douteuses. Le conseil constitutionnel, la commission électorale, le président de la République lui-même disent que tout s’est bien passé et que le scrutin s’est déroulé sans heurts majeurs, sur ce plan-là, j’avoue que ça n’a pas été bien perçu.»
Lorsque le procureur a lui demandé s’il avait le sentiment que la violence et les casses qui ont émaillé le scrutin faisaient partie de ce qu’il avait demandé que les gens fassent, la réponse de Koulibaly a fusé: «Les violences et les casses, je dois être le premier à les déplorer, parce que moi-même, en tant que citoyen, en fonction de mes droits constitutionnel, j’ai voulu aller à l’assemblée nationale faire savoir mon opinion aux députés sur cette loi, j’ai été brutalisé, embarqué et rejeté hors du Plateau. Je suis revenu une seconde fois à l’Indénié avec des amis, pour essayer de faire entendre notre voix. J’ai été brutalisé, gazé et détenu. J’ai voulu marcher pour protester, j’ai été brutalisé, aspergé de gaz lacrymogène, et certains de ceux qui étaient avec moi ont été molestés, parfois même gravement blessés. S’il y a des violences et des casses comme ça, je suis obligé de le déplorer aussi bien pour moi-même que pour ce qui est arrivé. »
Désarçonné par la réponse de l’éminent économiste, le procureur a conclu d’un «comme c’est le début de l’enquête, on prend cela comme ça et on va se revoir », annonçant d’ores et déjà que le harcèlement à l’endroit de Mamadou Koulibaly n’était pas prêt de se terminer.
Il faut noter que la très émergente police de messieurs Ouattara et Bakayoko ne disposant pas de dictaphones ni d’enregistreurs, l’interrogatoire s’est fait très archaïquement, ralenti encore plus par un ordinateur qui a donné du fil à retordre à ses utilisateurs, notamment pendant la mise en page de la déposition, qui a nécessité la venue d’un technicien informatique.
C’est au bout de 5 heures dans les locaux de la préfecture de police, à 2h10 minutes du matin, que le Prof. Mamadou Koulibaly a été autorisé à regagner son domicile, sous escorte policière et suivi de ses partisans qui étaient restés au Plateau pendant toute la durée de sa détention arbitraire. Abou Drahmane Sangaré avait été relâché une heure plus tôt, à 01h10 du matin.
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