04202024Headline:

ASSALE TIEMOKO :Ils nous prennent pour des «imbéciles»

ASSALE-USA

Le chef de l’Etat est un être humain, il n’est donc pas parfait. La preuve, il n’a pu réaliser l’ensemble des promesses que, candidat, il a faites aux Ivoiriens pour changer leur vie. C’est un homme et il est aussi faillible que n’importe lequel des Ivoiriens. Il dit vouloir construire une société de démocratie et de justice, une société dans laquelle tous les enfants ont les mêmes droits, les mêmes chances d’accès aux emplois de la Fonction Publique ; une société dans laquelle les dirigeants sont au service des citoyens, jours et nuits et ne tentent pas de les écraser avec la parcelle de pouvoir que le président leur a délégué, pouvoir qu’il tient lui-même du peuple.

Le président veut que les cadres qui sont recrutés par concours, qu’il soit direct ou professionnel, soient les meilleurs et qu’ils soient de bonne moralité, du moins, aient un minimum de bonne moralité. Ce qui suppose que ceux qui organisent ces concours sont eux-mêmes des cadres au-dessus de tous soupçons (lire page 3). Comment un magistrat qui est lui-même un champion de la corruption, pourrait-il juger quelqu’un pour corruption ?

Depuis quelques semaines, dans le silence, pour le moment, du chef de l’Etat, des événements tragiques se déroulent à l’Ecole Nationale d’Administration. Le 24 décembre, sans enquête préalable, le ministère dirigé par Cissé Bacongo a pondu un communiqué dans lequel il a affirmé que « 23 cas de fraude » avaient été constatés dans les résultats du concours professionnel d’entrée à l’Ena, cycle moyen supérieur. 48 heures plus tôt, sous la supervision des représentants du ministre y compris son directeur de cabinet adjoint, les délibérations pour le cycle supérieur avaient été faites et les résultats affichés. Mais quand survint le problème au niveau du cycle moyen supérieur, le ministère s’arroge les prérogatives du Jury et décide d’annuler, non pas les seuls résultats du cycle moyen supérieur, mais aussi ceux du cycle supérieur, sans aucune justification.

Puis, après avoir décidé d’annuler les deux résultats, met en place une commission d’enquête dont les membres, en grands seigneurs, depuis leur bureau du ministère, mènent l’enquête sans jamais mettre les pieds sur le lieu du « crime » et depuis le quatrième étage de l’immeuble qui abrite ledit ministère, décident, dans des contorsions intellectuelles qui font presqu’envie, de donner quitus au ministre dans sa volonté d’annuler les résultats des concours tout en affirmant qu’« il n’y a eu aucune fraude ni intention de frauder ». Bravo ! Et c’est un professeur d’université, hier bouillant syndicaliste, Traoré Flavien, qui se livre à un tel cinéma. « La formule utilisée par l’opérateur informatique tient compte des notes obtenues par le candidat et non des notes que le candidat devrait obtenir en tenant compte du nombre total des épreuves du concours. Cette formule ne garantit nullement l’équité entre les candidats car elle favorise certains candidats au détriment des autres… » A-t-il affirmé, sans démontrer, exemple à l’appui, comment cette formule favorise certains candidats au détriment des autres. « L’opérateur informatique tient compte des notes obtenues par le candidat et non des notes que le candidat devrait obtenir ». Qu’est-ce que cela signifie ? C’est l’opérateur informatique qui corrige les copies des candidats ? Mais dans quel genre de pays vivons-nous ? La machine additionne les notes obtenues par tous les candidats et les divise par le total des coefficients pour sortir la moyenne et le rang de chaque candidat. En quoi cela favorise-t-il certains au détriment des autres ? Et qui sont ces « autres » ? Les protégés de ceux qui n’ont pas accepté la moyenne d’admissibilité retenue par le jury du cycle supérieur malgré le forcing du directeur de cabinet adjoint? Ce n’est pas le même opérateur informatique qui organise électroniquement et, en ce moment même, tous les concours de la Fonction publique? Et pourquoi le ministre n’annule pas les résultats de ces concours puisque c’est le même procédé que cet opérateur imposé à l’Ena utilise là-bas ?

Mais sans démontrer sa propre affirmation, Traoré Flavien décrète : « En conséquence, les concours dont les résultats ont été obtenus en utilisant cette formule doivent être invalidés. En résumé, cette mission d’inspection justifie pleinement l’annulation des résultats des concours professionnels d’admissibilité au Cycle Moyen Supérieur et au Cycle Supérieur de l’ENA, de l’année 2014, décision prise par Monsieur le Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative ». On annule d’abord et on fait l’enquête, bravo ! Le ministre, quand l’affaire a éclaté, a prétendu dans un communiqué que l’organisation de ces concours est du seul ressort de l’ENA. Dans ce cas, qui lui donne le pouvoir d’annuler un concours qu’il n’a pas organisé ? Pourquoi n’a-t-il pas laissé l’ENA et le jury décider de ce qu’il y avait à faire ?

«Cette enquête a révélé que la procédure de délibération n’a pas été éprouvée et qu’elle était davantage maîtrisée par l’opérateur informatique que par les membres du jury qui l’ont découvert seulement le jour de la délibération ». C’est donc la faute à l’opérateur informatique choisi par le directeur de cabinet adjoint et donc la faute du ministère si l’on devrait raisonner par l’absurde?

En réalité, et on espère que le chef de l’Etat qui a instruit l’un de ses conseillers de suivre cette affaire ne va pas tomber dans le piège qui a été tendu, et cautionner cette injustice qu’on veut créer à l’ENA en sanctionnant des candidats qui n’ont commis aucune faute. Histoire de reprendre les choses en main pour sauver des recalés qui n’auraient pas dû être recalés si le jury avait accédé aux désirs du ministère. L’enjeu de toute cette affaire dont « L’Eléphant » a découvert toutes les subtilités, c’est la récupération de tout le processus d’organisation du concours et dans cette opération, le ministère s’appuie sur des personnes au sein même de l’école et qui ne supportent pas la liberté laissée aux jurés (des journalistes, des notaires, des avocats, des professeurs d’université, des préfets, etc.) de décider seuls sans l’influence de personne et de ne pas soumettre les résultats à la censure de qui que ce soit au préalable avant leur affichage.

Quand, sans enquête, on informe le monde entier qu’il y a des fraudes à l’ENA et qu’après enquête, on découvre « qu’il n’y a eu aucune fraude ni même intention de frauder », on fait profil bas. On ne tente pas de discréditer des gens en nous prenant tous pour des « imbéciles ».

A.T.

L’Eléphant déchaîné

What Next?

Recent Articles