Procès de Simone Gbagbo: Un témoin renvoyé par le juge
Des déclarations contradictoires de la partie civile irritent la cour
Les témoins de l’ex-Première dame entrent en scène, lundi
Simone Gbagbo prendra certainement plaisir à écouter les témoins qui viendront plaider sa cause, lundi.
Une grande phase dans le procès en assises de Simone Gbagbo, accusée de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, à Abidjan, vient de prendre fin.
En effet, les huit derniers témoins-victimes de la partie civile, ont achevé leurs dépositions devant la cour du juge Boiki Kouadio. Mais les déclarations de ces témoins-victimes devant le juge de la cour d’assises, étaient contraires à celles qu’ils avaient faites devant les juges d’instruction dans la procédure contre Simone Gbagbo.
Fofana Kalilou, un jeune homme, la vingtaine révolue, s’est présenté à la barre. Les informations sur sa pièce d’identité montrent qu’il ne s’agit pas de celui que le juge Boiki Kouadio attendait, en l’occurrence Fofana Lamine. De fait, il ne s’agit ni plus ni moins que du fils du vrai témoin-victime. Il n’avait aucun papier dont notamment une procuration l’autorisant à déposer pour son père, en dehors de sa Carte nationale d’identité (Cni). Il disait néanmoins qu’il venait se faire entendre à la place de son père qui est malade. L’avocat du témoin-victime a tenté en vain d’expliquer la situation. Et sur insistance de la défense, le juge a prié le jeune homme de sortir de la salle d’audience, permettant tout de même à l’avocat qui représente les intérêts de Fofana Lamine de se constituer partie civile.
Quand Ben Soumahoro, cet entrepreneur de presque 40 ans est entré dans la salle, il a expliqué à la cour avoir reçu une balle à la cuisse gauche, le jeudi 16 décembre 2016, alors qu’il était à la rue Lepic, au siège du Rassemblement des républicains (Rdr), à Cocody Danga. Selon lui, des hommes armés ont fait irruption au siège de l’actuel parti au pouvoir. Même s’il n’a pas pu identifier le corps d’armes de ses agresseurs. Il a dit avoir vu le visage de celui qui lui a tiré dessus. Affirmant que les hommes qui ont attaqué le siège de son parti, ne parlaient pas français, il a conclu que c’étaient des mercenaires. À l’entendre, c’est quand il escaladait la clôture du siège pour gagner le toit, et ensuite prendre la fuite, qu’il a été atteint par balle. Il a donc accusé Simone Gbagbo d’être responsable de ce qui lui est arrivé parce qu’elle était la Première dame de Côte d’Ivoire au moment des faits. Il a exigé d’être dédommagé.
Mais en fait, à lire sa déposition à un juge d’instruction, en date du 15 octobre 2014, il ressort que la partie civile avait dit qu’il a été blessé par des éléments du Groupement des patriotes pour la paix (Gpp), à son retour dans son quartier, à Adjamé 220 logements. Le témoin-victime insiste, persiste et même signe. « J’ai été blessé à Cocody Danga », a-t-il indiqué au juge. Le juge Boiki Kouadio, insatisfait de ses réponses, lui pose la question de savoir qui de lui et du juge d’instruction dit la vérité. L’homme, bouche bée, n’a pas réagi. « Qu’est-ce qu’on doit faire de vous ? », lui a demandé le juge, irrité, avant de le prier de sortir de la salle.
Avant de faire intervenir Diaby Madoussou, une femme dont le concubin, Soumahoro Mohamed, a été tué le 16 décembre 2010, à Adjamé, au carrefour Macaci. Cette dame donne des détails sur la mort de son mari, mais sera finalement coincée, rattrapée par ses déclarations devant le doyen des juges d’instruction, le 30 octobre 2014. En fait, elle a expliqué à la barre du juge Boiki Kouadio, que lorsqu’elle a appris la mort, par téléphone, elle a entrepris de marcher de la commune de Treichville, où elle était quand le drame est survenu, jusqu’à Abobo. Et, c’est chemin faisant que des éléments des Forces de défense et de sécurité (Fds) l’ont interpellée pour savoir où elle partait en période aussi sensible. Après leur avoir expliqué sa situation, lit-on dans sa déposition initiale, ils l’ont « aidée » à atteindre Adjamé, au niveau du ”black market”, où ils l’ont confiée à un autre équipage qui l’a conduite à Abobo.
Après la lecture de cette version par le juge Boiki Kouadio, dame Diaby a réfuté cette déclaration, assurant qu’elle a marché seule jusqu’à Abobo. Dans la même déclaration, il est indiqué qu’elle n’avait aucune information sur les auteurs du meurtre de son mari. Une fois devant la cour d’assises, elle a déclaré que des témoins lui auraient dit que ce sont des éléments du Gpp et d’autres miliciens qui ont commis cet acte. Un débat s’est engagé alors entre la dame témoin-victime et le juge, avant que celui-ci demande au greffier de noter toutes les contradictions faites par les témoins. « C’était la dernière personne qui intervenait en qualité de partie civile. Nous venons d’épuiser la liste des témoins-victimes », a déclaré le juge, avant de lever la séance. Elle reprendra lundi 24 octobre 2016, avec l’entrée en scène des témoins de la défense.
Hervé KPODION
Soir info