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BET France, une chaîne où « le Noir dérange »

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BET France, une chaîne consacrée à la culture afro où « le Noir dérange »

« Plein de journalistes noirs galèrent à trouver des emplois, ne serait-ce qu’un petit stage. Alors si même BET [Black Entertainment Television], une chaîne noire, s’y met, il y a un problème. » Pour Christian Dzellat, fondateur du portail d’information communautaire Nofi, l’absence d’animateurs noirs sur une chaîne consacrée à la culture afro est une insulte.

Le 21 octobre, après plusieurs jours de contestation, il est parvenu à rencontrer Thierry Cammas, président-directeur général de MTV Networks France (propriétaire de BET France), et Michael D. Armstrong, vice-président de BET US. Le soir même, Christian Dzellat a rapporté sur sa page Facebook que la nouvelle chaîne de télévision s’engageait à commencer une campagne de recrutement de « talents issus de la communauté noire ».

Appel au boycott

Le lendemain, la chaîne a formulé les mêmes engagements auprès du collectif Boycott BET France et du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN). « Ils nous ont expliqué qu’il s’agissait d’une erreur de communication. Nous en doutons un peu, mais au moins ils ont pris en compte nos revendications », souligne Yan Boss, le porte-parole du collectif. Le mouvement a cessé ses actions mais reste vigilant.

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Boycott BET France est à l’origine de la contestation. Le 14 octobre, le groupe a créé une page Facebook pour dénoncer le casting de la chaîne. En quelques jours, la page a rassemblé 5 000 likes, soit 4 000 de plus que la page officielle de la chaîne. L’objectif était d’interpeller la version française de BET et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour leur faire part de leur mécontentement. La presse américaine a également eu vent de la polémique, le magazine Ebony lui a consacré un article. Sollicité par Le Monde Afrique, BET France n’a pas souhaité s’exprimer. « Nous avons envoyé une bonne dizaine de courriers au CSA. Lors de notre entretien, le patron de la chaîne nous a dit qu’il avait eu une réunion avec eux à la suite de cela », explique Yan Boss.

Loin de l’idée initiale

Pour accompagner le lancement de BET France et assurer l’animation d’un des programmes de la chaîne, Hedia Charni, Franco-Tunisienne, et Raphäl Yem, d’origine cambodgienne, ont été recrutés. Des choix que déplore Yan Boss. « Pour faire la promotion de la culture noire, il faut un minimum de Noirs à l’antenne. Vous ne pouvez pas ouvrir un restaurant halal et mettre des chinois à l’intérieur. »

BET est un symbole fort lié à l’histoire des Afro-Américains. Fondée en 1980 par Robert Johnson, BET apparaît à une époque où les Noirs sont peu présents à la télévision américaine. Pour Yan Boss, le contexte français est similaire à celui des Etats-Unis dans les années 1980.

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Hedia Charni et Raphäl Yem ne sont pas les cibles directes de la page appelant au boycott. Mais dans un paysage audiovisuel français qui laisse déjà peu de places aux Noirs, leur mise en avant sur une chaîne dédiée à la culture afro divise. « Il peut y avoir des personnes qui ne sont pas noires mais au moins pour le lancement, envoyez un signal fort pour dire on vous respecte », développait Christian Dzellat avant de rencontrer la direction de BET France.

« Tout se fait sans nous »

Cette absence de Noirs à la télévision, Claudy Siar l’observe depuis de nombreuses années. L’animateur de radio a été délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer entre 2011 et 2012. « Nous sommes tous piégés dans ce concept de la diversité qui n’a fait que marginaliser une frange de la population française. Il y a un peuple de la normalité, français et blanc, et la diversité (asiatiques, noirs, arabes…) », regrette celui qui est aussi l’actuel vice-président du Conseil représentatif des Français de l’outre-mer (Crefom).

A la mi-octobre BET France avait tenté d’étouffer la polémique en affirmant que d’autres présentateurs issus de la « black culture » rejoindraient l’antenne. Seulement, l’emploi du terme « black » n’a pas non plus fait l’unanimité. « Nous sommes des Noirs, il y a des Blancs. Moi, je ne dis pas “white”. J’ai le sentiment qu’en France, le Noir dérange », dénonce Christian Dzellat.

BET France a repris en main sa communication et devrait bientôt annoncer l’arrivée de nouveaux visages à l’antenne. Mais pour Claudy Siar le problème ne s’arrête pas à la question des animateurs. « Y a t-il à la tête de ce média des gens qui peuvent défendre la culture noire ? (…) Tout se fait sans nous, dans notre dos, contre notre volonté. »

Jacques-Alexandre Essosso
contributeur Le Monde Afrique

lemonde.fr

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