Blaise Compaoré
Vingt-sept ans après, Blaise Compaoré (63 ans) semble pourtant avoir commis les mêmes erreurs que son charismatique prédécesseur, anti-impérialiste et panafricaniste. Des erreurs qui l’ont contraint à la démission vendredi 31 octobre, chassé par la rue après seulement trois jours de protestation alimentée par la volonté du président de se maintenir au pouvoir ad vitam æternam.
Petits arrangements entre partis
Depuis quelque temps pourtant, les signaux s’accumulaient qui auraient dû le dissuader de tenter de mener la dernière réforme qui allait lui être fatale. Après avoir longtemps entretenu le suspense – par calcul politique pour les uns, par « hésitation », selon un diplomate occidental – Blaise Compaoré avait finalement décidé, à la mi-octobre, de faire passer une réforme constitutionnelle qui lui aurait permis de briguer en 2015 un nouveau mandat présidentiel, le cinquième depuis son arrivée au pouvoir en 1987.
Peut-être parce que des sondages montraient que cette réforme n’avait pas la faveur de l’opinion, Blaise Compaoré avait opté pour la voie parlementaire plutôt que le référendum, négligeant ainsi les aspirations démocratiques de la population au profit de petits arrangements entre partis. La manœuvre, assez grossière pour un homme politique que l’on disait fin calculateur, n’a pas pris.
Manipulateur ordinaire de Constitution
L’ancien putschiste avait pourtant, en 1991, quitté son uniforme et introduit le multipartisme dans son pays. Il laissait vivoter une presse d’opposition parfois insolente mais marquée par le souvenir de la mort, en 1998, de Norbert Zongo, directeur d’un journal dérangeant, assassiné alors qu’il enquêtait sur un meurtre impliquant le frère du président. Blaise Compaoré – déjà deux fois réélu au terme de scrutins certes quelque peu déséquilibrés et boycottés par les principaux opposants – avait aussi introduit en 2000 une réforme constitutionnelle instaurant le quinquennat et limitant à deux le nombre de mandats.
Mais là, en 2014, le président offrait subitement le visage d’un manipulateur ordinaire de Constitution, comme l’on en rencontre dans d’autres pays africains qui n’affichent pas les standards démocratiques du « Pays des hommes intègres ». « Ces derniers temps, il n’écoutait plus, enfermé dans sa bulle, lâché par une partie des cadres de sa formation mais poussé par ses proches, notamment son frère cadet François, qui ne voulaient pas perdre leurs positions ou s’imaginaient lui succéder », avance un diplomate occidental.