Mangou trahi par cette photo prise le 7 avril 2011
Cette image d’hommes hilares au domicile présidentiel de Laurent Gbagbo, à Cocody, a été prise le 7 avril 2011, soit quatre jours seulement avant l’arrestation du président ivoirien. Elle disqualifie d’emblée les propos du général Philippe Mangou sur son opposition à Gbagbo à qui il dit avoir demandé de démissionner.
Un ex-conseiller de Laurent Gbagbo présent sur cette image raconte que ce 7 avril 2011, le général Phillipe Mangou sortait d’une rencontre avec le président Laurent Gbagbo lorsque ce cliché a été pris. Bien sûr, ils n’ont pas assisté à cette réunion. C’est lorsque le chef de l’Etat raccompagnait les deux généraux, Mangou et Kassaraté, le premier pris à partie au portail par de jeunes soldats, que cette photographie a été prise.
La télévision nationale avait certes diffusé ce reportage pour montrer que le chef d’Etat-major était de retour à la tête de l’armée, après s’être refugié dans les locaux de l’ambassade de l’Afrique du sud pendant plusieurs jours. « Nous étions contents de ce retour. Que vaut une armée dont le chef d’Etatmajor est en fuite ? Cela ne pouvait qu’agir négativement sur le moral des troupes ; c’est pourquoi nous étions contents et hilares. Mon collègue qui est, lui aussi, sur cette photo, a même pleuré de joie », assure ce conseiller qui n’a eu aucun mal à se souvenir.
Au vu des circonstances, son collègue doit certainement regretter aujourd’hui cet excès d’émotion. Car non seulement Philippe Mangou, fait général quatre étoiles par Laurent Gbagbo, notamment général de corps d’armée pour relever son autorité en raison de la qualité des officiers étrangers avec lesquels il discutait, a justifié un jour le président Gbagbo, a non seulement rejoint le camp ennemi mais, pis, s’est engagé à témoigner contre son bienfaiteur écroué à la CPI. La divulgation de son nom, par inadvertance, a provoqué une gros malaise dans le pays , luimême ayant été obligé de produire un droit de réponse pour apaiser ceux qui l’accusent de trahison.
Mangou a écrit dans ce droit de réponse que si demander la démission de Laurent Gbagbo parce qu’il «avait requis mon avis au moment où les Ivoiriens mouraient de faim et ne pouvaient plus sortir est une trahison, alors j’ai trahi », s’est-il défendu, gêné aux entournures. Or en se focalisant sur cette photo, on a du mal à comprendre le retour de Mangou de sa cachette, pris sous l’angle des raisons qu’il avance. Car, et cela va être l’un des éléments qui va réduire à néant ses accusations, cette rencontre avec Laurent Gbagbo à son domicile est une nouvelle forme d’allégeance.
En effet, quelques instants après l’investiture du président Gbagbo, Philippe Mangou faisait partie, en tant que chef d’Etat-major de l’armée, des officiers qui s’étaient rendus au domicile du président pour lui faire officiellement allégeance. Ce 7 avril 2011, à quatre jours de l’arrestation de Gbagbo, comptait donc pour une deuxième allégeance et il va être difficile de prouver que Mangou est sorti de sa cachette pour réclamer le départ de Gbagbo.
A la vérité, et c’est ici que le témoignage, certes sous couvert d’anonymat, de l’officier FRCI pro-RDR comme lui-même se présente, prend une importance historique. Selon lui, c’est à la demande des autorités du Golfe, Henri Konan Bédié, Guillaume Soro et Alassane Dramane Ouattara en l’occurrence, que l’ancien chef d’Etat-major est réapparu sur les conseils des autorités militaires françaises. Car sans sa présence, dit-il, il aurait été difficile d’avoir la maîtrise de ce qui se préparait au sein des forces régulières. Et sur la question spécifique de l’avis de démission, cet officier FRCI affirme deux choses. D’une part qu’il n’a jamais été formulé dans les mêmes termes que ceux voulus par les commanditaires et, d’autre part Mangou a proposé à Gbagbo un auto-coup d’Etat, ce que le président Gbagbo, aurait refusé. A quel moment s’est-il donc mis dans une position radicale contre l’ancien chef de l’Etat ivoirien, pour lui faire comprendre qu’il n’était plus d’accord avec lui ? Il va être difficile de le prouver, cette photo montrant clairement des officiers visiblement en phase avec leur commandant en chef.
En effet, le président Gbagbo les raccompagne au pas de porte et tous échangent quelques amabilités avant de prendre congé. Finalement plus que cette sortie d’ambassade, voulue par ces commanditaires, cette photographie trahit Philippe Mangou qui aura du mal à démontrer qu’il était toujours en rupture de ban avec Gbagbo lorsqu’il signe son retour sans gloire à la tête de l’armée d’un pays qui lui a tout donné.
Par Sévérine Blé