Source : topvisages.net – Date : Hier, à 20:23 |
Angré n’est pas qu’un simple nom de quartier. A l’origine, c’est un patronyme, celui d’un homme appelé Donatien Angré. Comment son nom est-il devenu celui d’un quartier ?
Explications.« Je m’appelle Angré ! » Cette phrase, à chaque fois que Gaudens Angré la prononce devant des inconnus, c’est toujours la même surprise qu’il lit dans les regards. Certains sourient et pensent à une blague. Un jour, quelqu’un lui a même répondu : « Ah, moi c’est Marcory ! »Pourtant, Gaudens n’est pas un plaisantin. Il est l’un des 17 enfants du vieux Donatien Angré, l’homme qui a donné son nom à l’un des quartiers de Cocody. Aujourd’hui, pour lui, comme les nombreux petits enfants de la lignée, c’est une fierté de porter ce patronyme qui ne ressemble à aucun autre. On pourrait même le qualifier de « marque déposée ». Pour comprendre comment cet homme a pu donner son nom à ce quartier, il faut remonter aux fastes des années 80. Là où tout a commencé. Donatien Angré Kangabri est né le 1er janvier 1917, à Abobo-Té, un village Ebrié. Son père, Kangabri Angré et sa mère Yacrébié Bétchan sont nés là, eux aussi. A l’époque, Abobo-Té était encore un petit village isolé d’Abidjan. D’ailleurs, Abidjan, la capitale économique se résumait aux quartiers d’Adjamé, Treichville, Plateau et Cocody-centre… Les autres communes n’étaient encore que des « villes » satellites, séparées du centre-ville par la forêt. Le quartier d’Angré (qui n’existait pas encore) était constitué de vastes plantations de café, de cacao, de palmiers à huile, etc. C’étaient les propriétés des habitants d’Abobo-Té. Dont un certain Donatien Angré. Ses parcelles se situaient aux emplacements actuels de la CNPS et la station de traitement d’eau de la SODECI. Mais bien avant d’être planteur, Angré était d’abord un éleveur de volailles et de bovins. Il avait acquis une belle réputation dans ce domaine, avec un cheptel estimé à une centaine de bœufs. Ce qui faisait de lui un homme prospère. Pour diversifier ses affaires, Angré décide de se lancer dans le transport. Il achète une trentaine de taxis. Ainsi que de nombreux « gbakas » qui assurent la liaison entre Abidjan et des villes de l’intérieur. Mais un jour, Angré va être victime d’une violente agression. Des bandits armés s’introduisent chez lui. Pour l’intimider, l’un des brigands lui tire dessus. Angré reçoit la balle à la hanche. Les bandits font main basse sur la recette de la journée ainsi que tout ce qu’ils peuvent prendre, avant de fondre dans la nature. « Suite à cette agression, notre père a vendu tous ses véhicules et a quitté le milieu du transport », explique Géneviève, une de ses filles. Après cet épisode douloureux, l’homme se consacre à ses élevages, en plus de ses fonctions de notable auprès du chef d’Abobo-Té. Ce n’est qu’a la fin des années 70 qu’il décide de se tourner vers la culture du café et du cacao. Et ça tombe bien ! A ce temps-là, ces deux produits étaient bien vendus, en raison de la forte demande sur le marché mondial. Angré devient propriétaire d’une vingtaine d’hectares. En quelques années, sa production lui permet de participer à la « Coupe nationale du progrès », une compétition instaurée à l’époque par le Président Félix Houphouët-Boigny (lui-même planteur) pour encourager et inciter les agriculteurs au développement économique. Cette année-là, Angré termine 3ème au plan national. Entre-temps, au fil des années, la ville d’Abidjan s’est agrandie au point d’atteindre Abobo-Té et les champs avoisinants. La mairie d’Abidjan et le BNETP (Bureau national d’études techniques et de développement) prévoient un plan d’extension de la capitale. Les « frontières » entre les communes disparaissent. Les zones autrefois inhabitées font place à des constructions. Cocody n’échappe pas à la règle. Les plantations de Donatien Angré et celles d’autres planteurs sont absorbées par le projet. C’était dans les années 80. Après négociations avec les paysans de la zone, les autorités décident d’attribuer le nom de l’un des planteurs au futur quartier, en guise de reconnaissance. Problème : ils sont nombreux. Qui choisir ? Finalement, on trouve une idée toute simple. Ce sera celui qui possède la plus grande parcelle. C’était celle de Donatien Angré ! C’est ainsi que son nom fut retenu officiellement en tant que dénomination de ce quartier. Donatien Angré est décédé le 24 août 2004. Laissant derrière lui son nom à sa progéniture et à tout un quartier. Par François Yéo ______________________________________________________________________________________ La famille Angré veut être indemnisée ! La famille du vieux Angré a introduit une requête auprès des juridictions ivoiriennes, pour se faire indemniser. Selon la famille, l’Etat aurait construit sur les terres du vieux sans rien lui verser, en dédommagement. La plainte remonte aux années 90. « Jusqu’au décès du vieux, l’affaire est restée pendante au niveau de la cour suprême. C’est notre père en personne qui avait entamé la démarche », soutient Gaudens, l’un de ses fils aînés vivant à Créteil (France). « Comme je ne suis pas à Abidjan, de même que certains membres de la famille, on n’a pas le temps de suivre de près la procédure. Nous souhaitons toutefois que l’Etat, les autorités du pays examinent notre demande. Ce ne serait vraiment que justice », ajoute-t-il. A l’en croire, seule la SODECI (qui a implanté une station de traitement d’eau dans le même périmètre) a dédommagé leur père. « Il reste l’autre partie où se trouve actuellement la CNPS, propriété de l’Etat de Côte d’Ivoire. Mais on ne nous a rien donné », fait remarquer Géneviève. Problème, les enfants du vieux Angré ignorent les conditions dans lesquelles leur père a cédé ses plantations à l’Etat ivoirien. Aucun document ou justificatif ne l’atteste. Et le vieux est décédé depuis. Mais ce qu’espère la famille Angré, c’est juste une reconnaissance pécuniaire. A la mémoire de leur père. F. Yéo |