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Côte d’Ivoire : à Bouaké les mutins demande à parler à ouattara « qu’on mette Ouattara sur haut-parleur »

Vendredi 6 janvier, des soldats ont bloqué entièrement la ville de Bouaké, dans le nord de la Côte d’Ivoire, ainsi que d’autres agglomérations, pour réclamer primes et augmentations de salaire. Notre envoyée spéciale était avec eux. Retour sur une journée de tensions.

« Aucun véhicule ne rentre ni ne sort aujourd’hui », disent les hommes en treillis positionnés à l’entrée sud de Bouaké. Assis à l’ombre sur le bas côté, ils sont une vingtaine, en ce début d’après-midi à bloquer l’accès à la deuxième ville de Cote d’Ivoire et à forcer camions, cars et voitures à s’entasser devant un barrage de fortune, fait de pneus et matériaux en tout genre. Un barrage ou plutôt trois successifs devant lesquels il faut à chaque fois âprement négocier pour avancer. « Même les journalistes, personne ne rentre aujourd’hui », s’entend-on dire.

« On a commencé depuis hier, à 22 h en réalité », nous explique l’un d’eux, encagoulé. D’autres ont peint leur visage en noir, ils ne veulent pas être reconnus, ne veulent pas être pris en photos ou filmés et interrogent d’ailleurs tous ceux qui commettent l’erreur de sortir un téléphone devant eux.

Colère contre le pouvoir

Entre soldats, on s’interrompt, on se contredit, la confusion est totale, la nervosité palpable. Tout le contraire de l’atmosphère qui règne à l’intérieur de la ville, où la plupart des commerces, des restaurants et des banques ont fermé. Seuls les deux roues sont autorisés dans les rues. Dans les hôtels, des hommes d’affaires ou des membres d’ONG sont bloqués et ne peuvent pas sortir de la ville. Impossible même de tenter sa chance : à intervalles réguliers, des mutins font des rondes dans leur 4×4 et tirent en l’air, à balles réelles.

En milieu d’après-midi, devant la préfecture de police, une trentaine de soldats très remontés ont rencontré des membres de la sous-préfecture de Bouaké, pour une tentative de dialogue. En vain… Les militaires ne sont pas calmés par le communiqué qui vient d’être publié par le gouvernement et qui leur demande de rentrer dans leurs casernes. Ils demandent qu’on les « paie » et veulent parler au téléphone au Président de la République, Alassane Ouattara. « Qu’on le mette sur haut-parleur », clament-ils. La colère contre le pouvoir en place, dans sa globalité, est palpable. « Est-ce que c’est Ouattara ou Soro Guillaume qui nous donne à manger ici !», s’emporte violemment un mutin à l’évocation desdites personnalités.

Lassitude des habitants

Est-ce une action bien planifiée ? Et si oui, qui en est le leader ? Pour le moment les soldats restent muets, même s’ils avouent que depuis plusieurs jours déjà, tous s’échangeaient déjà des textos pour prévenir « que nous allions nous soulever ».

Au sein de la population, c’est un peu le fatalisme qui l’emporte. « Chaque année, ça recommence, quasiment à la même période », explique cette jeune femme qui attend depuis deux heures un taxi afin de sortir de la ville pour Korhogo, plus au nord encore, et où le mouvement d’humeur des soldats s’est propagé entre temps. Tout comme à Daloa et à Daoukro, au centre du pays.

Jeune Afrique

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