04182024Headline:

Côte d’Ivoire: Ce que cache réellement le discours de Bédié/ Ouattara mijote-t-il un report des élections ?

Côte d’Ivoire: Les non-dits du discours de Bédié, Ouattara mijote-t-il un report des élections pour rester au pouvoir ?

Après un séjour parisien qui a duré près de trois mois, Henri Konan Bédié est rentré au pays dimanche dernier à bord d’un vol spécial aux frais de l’Etat de Côte d’Ivoire. Le confort du voyage n’a cependant pas fait perdre le fil de ses idées à un Konan Bédié concentré sur un morceau qu’il a embouché ces derniers temps : la candidature d’un cadre Pdci à la présidentielle de 2020.

Le président du Pdci à son arrivée s’est fendu d’une déclaration non tonitruante mais qui en dit long sur les intentions du locataire du palais à la forme de tabouret royal, Alassane Ouattara. « Pour ce qui concerne 2020, 2020 n’est pas négociable pour la bonne raison que cette échéance est inscrite dans la loi, dans la constitution. C’est l’année de l’élection présidentielle, par conséquent c’est une date obligatoire », a déclaré l’ancien président à sa descente d’avion.

Jusque-là, le débat était celui d’un candidat Pdci à la présidentielle, c’était également celui du rapprochement Bédié-Soro, c’était également le limogeage des cadres Pdci de l’administration Ouattara. Il était également alimenté par la controverse d’un troisième mandat d’Alassane Ouattara. Rien n’indiquait qu’il y aurait des négociations sur la tenue de l’échéance de 2020. Henri Konan Bédié qui est resté le meilleur allié du chef de l’Etat ces dernières années ne saurait dire des choses au hasard. On peut même dire qu’en raison de leur alliance, il est l’un des mieux informés sur la conduite des affaires de l’Etat. C’est donc un secret qu’il trahit en se fendant de cette déclaration où il fait même référence à la loi fondamentale pourtant taillée sur mesure par Ouattara lui-même.

Qui aurait intérêt à reporter l’échéance de 2020 pour que le président du Pdci prenne le devant de cette question maintenant ?

On le sait, les proches d’Alassane Ouattara ont multiplié les déclarations ces derniers mois sur leur intention de conserver le pouvoir après 2020 pour le compte du Rdr mais rarement ils avaient surfé sur un report de l’échéance. Mais à les lire, tous les scenarii qui rendraient possible la conservation du pouvoir ne sont pas exclus. L’un d’eux, le conseiller spécial, le ministre député Cissé Bacongo ne disait-il pas : « Nous ne voulons pas nous arrêter à deux mandats. Je ne me suis pas battu de 1994 à 2011 pour deux mandats. On s’est battus pour être au pouvoir pendant longtemps ». Avec ces intentions clairement exprimées, l’on pourrait conjecturer sans risque de se tromper qu’en même temps qu’ils préparent l’échéance de 2020, les cadres du Rdr ne seraient pas malheureux de jouir d’un bonus comme en avait bénéficié Laurent Gbagbo de 2005 à 2011 mais dans un contexte différent.

Les expériences politiques d’ailleurs peuvent inspirer. Le scénario congolais dans lequel le président Kabila reste toujours à la tête de l’Etat au-delà du délai constitutionnel est un indicateur. Et la situation ivoirienne qui tend vers le pourrissement viendrait comme un adjuvant pour justifier la thèse d’un report. Les attaques des camps militaires et des brigades de gendarmerie par des inconnus, le retour de l’escalade verbale entre les alliés d’hier, la situation économique difficile en dépit des taux flatteurs de croissance sont les ingrédients d’un cocktail explosif duquel pourrait se saisir en dernier ressort les tenants du pouvoir pour justifier qu’une élection ne pourrait se tenir dans une ambiance pareille. Le vote du sénat dont on vantait les bienfaits n’a-t-il pas été finalement reporté sine die ? Autre détail non moins important, la Côte d’Ivoire accueille la Coupe d’Afrique des Nations (Can) en 2021. Alassane Ouattara ne serait-il pas heureux d’en être le principal artisan après avoir goûté aux fastes de l’organisation des 8e jeux de la francophonie ? Il adore bien les foules, la valse des diplomates au palais, le prestige du pouvoir. Les honneurs aussi. Comme quoi, le pouvoir on y goûte un jour et on s’y accroche toujours.

Mais faut-il pour autant engager notre pays dans une nouvelle aventure incertaine ? Henri Konan Bédié a vendu la mèche. La société civile et la classe politique ivoirienne ne peuvent pas dire qu’ils n’ont pas été avertis.

SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

What Next?

Recent Articles