Le phénomène des microbes, ces bandes de jeunes voyous à peine sortis de l’adolescence, est encore présent dans les esprits.
Armés de couteaux et parfois d’ armes à feu, ces enfants des quartiers précaires agressent, blessent et… tuent sans état d’âme, leurs victimes. Ils ont, pendant des mois, terrorisé les populations de certaines communes comme Abobo, Adjamé, Attécoubé, Cocody et Yopougon.
Les ”microbes” ivoiriens ont certainement été influencés par le film brésilien : ”La Cité de Dieu”, co-réalisé par Fernando Meirelles et Katia Lund. Les auteurs du film ont mis en scène le monde cruel des favelas de Rio de Janeiro, où les gangs de gamins enivrés de drogue, appelés ”microbes”, se livraient une sanglante guerre. Si ce film sorti en 2002 au Brésil, a pu influencer de jeunes Ivoiriens, au point de les transformer en tueurs froids, d’autres causes, notamment des prêcheurs radicaux, des sites jihadistes des réseaux sociaux, sont à même de produire sur ces gamins, exactement les mêmes effets.
Dans sa parution du 22 juillet 2015, le quotidien ivoirien Fraternité Matin donnait la parole au Dr Yacouba Ballo, criminologue, enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouet-Boigny de Cocody. Dans son analyse du phénomène des ”microbes” ivoiriens, il affirmait que ”les études sur le terrorisme ont montré que les personnes que les terroristes conditionnent sont celles qui sont dans des situations de pauvreté”. A l’instar des quartiers violents de Rio de Janeiro, Abidjan a aussi ses favelas nichés dans des quartiers populaires. Ils ont pour nom : Agbékoi, Clouétcha, Derrière rails, Kennedy, Bocabo, dans la commune d’Abobo ou Bori Bana (la course est terminée), un nom bien évocateur, dans la commune d’Attécoubé. Ces quartiers difficiles, où traînent dans les rues à longueur de journée, des jeunes déscolarisés, désœuvrés et addicts à la drogue, sont des fabriques à ciel ouvert de délinquants, de… ”microbes”.
Au moment où la menace jihadiste n’est plus une vue de l’esprit en Côte d’Ivoire, il est urgent pour les autorités d’ouvrir grandement les yeux sur ce phénomène des ”microbes” qui semble avoir pris du recul, après une sévère répression. Mais tant que la pauvreté et l’oisiveté persisteront dans ces bas quartiers, tant que ces jeunes délinquants n’auront pas trouvé de lieu d’accueil dans des salles de classe, ou des ateliers d’apprentissage, dans des plantations ou dans des fermes d’élevage, ils pourraient être des proies faciles à ces recruteurs de combattants pour des groupes terroristes. Si ces jeunes gens désespérés n’avaient pas rechigné à poignarder ou à tuer de sang froid leurs victimes, ce ne sont pas des ceintures qu’ils ne pourraient pas faire exploser, pour régler leurs comptes à une société ”égoïste et méchante”, qu’ils jugeront responsable de leur cruel sort.
Charles D’ALMEIDA
linfodrome.com