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Côte d’Ivoire /France : “Quand l’esclave refuse de se libérer du maître” (’Innocent Gnelbin)

Côte d’Ivoire France : Quand l’esclave refuse de se libérer du maître. A lire la contribution d’Innocent Gnelbin, président de l’Initiative ivoirienne pour la démocratie et le développement.

Avril 2011 ; la France intervient de façon ouverte et peu diplomatique dans une crise militaire née des élections présidentielles de 2010 qui elles-mêmes restent tributaires de la rébellion de septembre 2002.

Cette façon d’intervenir sous le commandement de Monsieur Nicolas Sarkozy, avec pour motif officiel d’éviter une rwandarisation de la Côte d’Ivoire restera à jamais marquée dans l’histoire particulière des relations entre nos deux pays.

A priori de nombreuses questions se posent : Pourquoi une telle audace de la part des autorités françaises? La France Afrique ou en d’autres termes le néocolonialisme français avait-il besoin de pousser aussi fort le bouchon déjà assez enfoncé ? Ces questions pourraient trouver leur fondement dans les faits suivants.

L’implication manifeste de la France dans le choix de nos Présidents de la République, lors de nos refus du jeu démocratique et des crises postes électorales qui s’en suivent. Les accords de défense entre nos deux pays qui lient très souvent questions militaires et questions économiques avec pour corollaire d’énormes intérêts économiques et géostratégiques pour l’un (la France) et de besoins de protection militaire et/ou sécuritaire pour l’autre (le dirigeant en poste).

Le Francs CFA qui reste à ce jour une problématique majeure là où la non maîtrise des moyens de production desquels fait parti la monnaie implique une non maîtrise des dividendes donc de l’économie. La main-mise sur les secteurs stratégiques souverains, notamment la communication et la défense, etc.

Côte d’Ivoire France

Je vais vous décevoir car même si ces questions sont fondées et motivées, il n’en demeure pas moins que les poser en ces termes ; dénote de la naïveté qui reste encore celle de bon nombre d’Ivoiriens et d’Africains. C’est un peu comme si l’on demandait pourquoi un investisseur dans une affaire fait tout pour en contrôler sa gestion et ses orientations.

La France, c’est le pays colonisateur de la Côte d’Ivoire qui y avait établit un système d’administration directe. Les Français visaient l’omniprésence et constituaient les vecteurs essentiels des transformations dans notre société. La Côte d’Ivoire était une colonie d’exploitation dans le cadre de l’AOF (l’Afrique Occidentale Française).

Ainsi la colonie devrait fournir des matières premières à la métropole et l’administration se contentait de construire des infrastructures (voies de chemin de fer, ports…) et la monnaie du colonisateur lui était imposée.

« LE PROBLÈME N’EST PAS LA FRANCE, NI LES PEUPLES FRANÇAIS CAR DE TOUTE FAÇON DANS CE DIFFICILE MONDE FAIT DE LOUPS, CES VÉRITÉS DE GOUVERNANCE FINISSENT PAR S’IMPOSER À TOUS »

Les Pays de l’AOF et de l’AEF (Afrique équatoriale Française) ont contribué substantiellement à la fourniture de matières premières agricoles et plus tard minières à la Métropole. D’ailleurs 70% du commerce extérieur de l’AOF est réalisé essentiellement avec la France. Toute chose qui a représenté un socle économique essentiel pour l’industrie française et donc pour sa puissance économique dans le monde.

Aujourd’hui, 57 ans après les indépendances, nos pays représentent un socle économique essentiel pour la France. Elle a en Côte d’Ivoire de nombreux intérêts. Une forte communauté française en Côte d’Ivoire. La communauté française en Côte d’Ivoire est au 24è rang et connaît une des plus fortes progressions, 16.429 Français sont enregistrés au Consulat au 31 décembre 2015.

Il existe environ 700 entreprises françaises en Côte d’Ivoire, dont près de 200 filiales. Les importations françaises ont progressé de 15%, à 421 M€. Les exportations françaises ont enregistré une performance supérieure à celle du premier semestre 2015 : + 7,8% (567 M€).

La Côte d’Ivoire a consolidé sa place de 3e client de la France en Afrique subsaharienne, avec 10% de part de marché. Les importations françaises depuis la Côte d’Ivoire (421 M€) restent très peu diversifiées : ils sont concentrés à près de 95% sur les produits agricoles (+25,8%, 203 M€) et les produits agroalimentaires (+15%, 209 M€).

La France est le premier investisseur étranger en Côte d’Ivoire avec un stock d’Investissement Direct Etranger (IDE) de 2,6 Mds€ à fin 2015, soit 39% du stock total (environ 7 Mds€) du pays. La Côte d’Ivoire est la troisième destination des IDE français en Afrique de l’Ouest, derrière le Nigéria et le Ghana.

Les entreprises françaises jouent un rôle majeur dans l’économie ivoirienne. Elles contribuent à hauteur de près de 50 % aux recettes de l’Etat en matière de TVA, de redevances et d’impôts sur les sociétés. Leur chiffre d’affaires cumulé représente environ 30 % du PIB du pays.

La Côte d’Ivoire est la principale porte d’entrée et de sortie de la France sur la zone UEMOA (Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest) avec 40% du PIB. Porte d’entrée sur une superficie de 3 506 126 km2 et 112 millions d’habitants. Avec une monnaie dans la zone dont le dépôt de 50 % de ces réserves (65 % pour les Comores) est réalisé auprès du Trésor français par les comptes d’opérations.

Ayons un autre regard

Ce sont de ces intérêts énormes qui fondent en partie l’influence de la France dans le monde, dont nous parlons. Et quand un Etat a de tels intérêts, il ne peut que travailler dans le sens de leur sécurisation. Toute chose qui passe par tous ces faits que beaucoup dénoncent.

Les Etats n’ont pas d’amis mais des intérêts comme très souvent et malheureusement c’est le cas au niveau de nos différents services. Nous n’avons qu’un intérêt, celui de gravir des échelons et bien malheureusement cela se fait souvent au détriment des collègues. A l’échelle d’un Etat cela est encore plus vérifié.

Il nous faut regarder ces faits avec assez de tiédeur et de réalisme. Non pas pour en appeler au fatalisme, mais pour indiquer que de la même manière cette réalité fait partie du jeu d’influence et d’hégémonie dans le monde, de la même manière la dynamique de l’histoire nous montre que les peuple qui comprennent leurs conditions et acceptent intelligemment d’y apporter une solution peuvent réussir.

Et d’autres avant nous, ont pu le faire (la Chine, le Brasil, l’Inde et bien d’autres). Le problème n’est pas la France, ni les peuples français car de toute façon dans ce difficile monde fait de loups, ces vérités de gouvernance finissent par s’imposer à tous. Le véritable problème se situe à notre niveau et à notre niveau essentiellement.

Accepter d’abord la vérité des rapports entre Etats et ensuite travailler à sortir de cet état de dominé et d’exploité. Cela, non pas par l’invective ou la condamnation systématique de la politique d’autrui, mais par un travail politique, économique de planification stratégique intelligible.

Acceptons de travailler et de faire travailler nos méninges et nos membres. Il n’y a qu’a ce prix que nous réussirons à imposer une nouvelle Côte d’Ivoire et une nouvelle Afrique émancipée, démocratique et prospère dans l’intérêt de ses enfants.

Concernant les dirigeants, les nôtres qui très souvent font le jeu des intérêts de la France, il y a deux réalités à prendre en compte. La première c’est qu’ils doivent bien souvent leur carrière politique et leur arrivée au pouvoir à la France.

.andresilverkonan.

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