Quatre officiers français, le Général Palasset responsableà l’époque des renseignements généraux français, lecolonel Hintzy, le colonel Pierre Héry et le colonelGeoffroy Lavoizière tous présents en Côte d’Ivoire au momentde la crise postélectorale, racontent comment la France a installé Alassane Dramane Ouattara dans le document évoqué . Ce qui est a priori assez intéressant au moment où le rôle de la France est régulièrement mis en lumière dansle procès des anciens dirigeants ivoiriens à la CPI.
On a sorti Gbagbo et installé Alassane Ouattara », avait dit Nicolas Sarkozy pour décrire ce que tout le monde sait, à part ceux qui refusent de savoir.
Mais audelà de ce type de slogans qui font mouche, il ya la réalité des détails et leur brutalité.
C’est ce que racontent quatre officiers français qui ont participé au renversement de l’ancien chef de l’Etat ivoirien et à l’installation de son adversaire.
Le journaliste français dont nous avons évoqué le livre,
« le crocodile et le scorpion » évoque leurs souvenirs
avec force détails. Ceux-ci vont au-delà des trahisons internes
que nous avons évoquées, là aussi, hier et les complicités de
pays de la sous-région. Ce que racontent en effet ces officiers français n’est rien d’autre que la façon dont leur pays est intervenu dans le renversement de l’ancien président.
Pour cela, la France a mis dans la balance toute la force de sa diplomatie.
Car si la règle est de faire officiellement en sorte que Paris
ne soit pas en première ligne, dans les faits c’est la France qui
fournit tous les moyens qui vont permettre à Ouattara de s’imposer.
Tout, jusqu’au payement des factures du golfe hôtel au point
de faire rire le narrateur sur la consistance réelle de Ouattara.
Le colonel Geoffroy de Larouzière-Montlosier, commandant
le 16 BC, raconte les préparatifs sur le terrain et, notamment, la
priorité de donner de la visibilité à Alassane Ouattara reclus dans
son QG de l’hôtel du golfe.
« Nous devions nous préparer à vivre des moments difficiles »,
reconnaît son chef, le général Castres qui admet que Licorne
« n’a pas anticipé que Gbagbo nous coupe l’accès au carburant ou nous
fasse des difficultés avec le dédouanement ».
Cela dit, pour le gouvernement français, la priorité absolue est la création d’une télévision pour Alassane Dramane Ouattara. Pour cela, Paris va intervenir auprès du diffuseur satellite canal+Horizon ainsi que de l’opérateur du satellite
lui-même, l’Américain Intelsat.
Voir « Ouattara sur les ondes devient
une priorité stratégique »,
témoigne le général Castre. « Il importait, explique un conseiller
à l’Elysée, que Ouattara puisse s’afficher avec ses pairs en
Afrique et à l’international ». La première étape a donc été la
création d’une station radio,”Radio Côte d’Ivoire”, qui ne nécessita
guère de moyens. Mais c’est surtout le petit écran qui est
à conquérir ». Télévision Côte d’Ivoire” (TCI) voit le jour le 22
janvier 2011. Elle est diffusée en ondes hertziennes. « La France
prend donc l’affaire en main et, comme elle ne peut l’assumer officiellement,c’est la DGSE qui est chargée d’acheminer le matériel nécessaire à une émission satellitaire.
En particulier, une antenne parabolique de grande
taille est livrée à Bouaké, posant quelques soucis aux hélicoptères ayant mission de la rapatrier à Abidjan. Elle arrive en pièces détachées et est transportée jusqu’à
l’hôtel Ivoire où les techniciens de la ” DG” s’occupent de la mettre en service. TCI sera ainsi relayée
à partir du 17 février par Eutelsat. Le décodeur Strong est
nécessaire, du matériel standard, mais encore faut-il le trouver. En huit jours, la capitale en est miraculeusement
pourvue », racontent les officiers. Même la préparation de la voix du président du RDR est l’affaire des français, notamment « un officier de la DGSE qui participe au Golf hôtel à la rédaction de ses
discours ». Caméras et prompteurs sont également fournis par
les Français, de même que la facture de l’hôtel elle-même, largement prise en charge par le budget français.
Quant à Nicolas Sarkozy, il coache directement le président
du RDR. « Il l’avait au moins une ou deux fois tous les deux jours
au téléphone, pour prendre le pouls de la situation, pour le
conseiller, en rien pour lui dire quoi faire », reconnait le colonel
Hintzy. Le président français veille aussi à ce que l’Union Africaine, la Cedeao et le secrétaire général des Nations unies, ne
change pas de discours. Il reçoit même Jacob Zuma pour lui faire
changer d’avis et fait en sorte de ne pas trop effaroucher Dos Santos qui soutient Laurent Gbagbo. Car à la vérité, l’Union Africaine ne réclame plus le départ de Laurent Gbagbo et son président de commission, le Gabonais Jean Ping, ne se dit « plus sûr qu’il faille présenter les choses ainsi ».
Le Quai d’Orsay le soupçonne automatiquement d’être
pro- Gbagbo en raison des origines ivoiriennes de sa femme.
Pis,Gbagbo ne rompt toujours pas. Au contraire, les acheteurs de
cacao s’impatientent et veulenttraiter avec lui. On s’achemine
alors vers l’option militaire. Sarkozy jette ses généraux dans la…