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Côte d’Ivoire: l’APDH dit non à la nouvelle loi sur la Cei. Le Communiqué

Conférence de presse de L’action pour la protection des droits de l’homme( l’APDH) relative à la loi sur la Cei du 07 novembre 2019.

PROPOS LIMINAIRES

L’APDH note qu’en adoptant la loi N° 2019-708 du 05 août 2019 sur la nouvelle CEI, l’Etat de Côte d’Ivoire n’a pas exécuté son obligation de créer un organe électoral indépendant et impartial, prévu par l’article 17 de la charte africaine sur la démocratie, et l’article 3 du protocole de la CEDEAO sur la démocratie. Notre analyse se fonde d’une part sur le processus ayant abouti à l’adoption de la loi, d’autre part sur le fond de la loi adoptée. Pour rappel, par requête en date du 07 juillet 2014, l’APDH a saisi la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples pour entendre celle-ci enjoindre l’Etat de Côte d’Ivoire de reformer sa loi N° 2014 -335 du 05 juin 2014 relative à l’organisation, la composition, les attributions et le fonctionnement de la commission électorale indépendante. La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a ordonnée en son arrêt du 18 novembre 2016 à l’Etat de Côte d’Ivoire de modifier la loi n° 2014-335 du 18 juin 2014 relative à la Commission Electorale Indépendante pour la rendre conforme aux instruments ci-dessus mentionnés auxquels il est partie; L’Etat de Côte d’Ivoire, à la notification de cet arrêt a introduit une requête le 04 mai 2017 aux fins d’interprétation dudit. Par arrêt en date du 28 septembre 2017, la Cour a déclaré la requête de l’Etat de Côte d’Ivoire irrecevable comme ne s’agissant pas de questions liées à l’interprétation. L’Etat de Côte d’Ivoire s’est donc engagé à exécuter l’arrêt en date du 18 novembre 2016. Ainsi, la loi N° 2019-708 du 05 août 2019 a été adoptée.

Par courrier en date du 09 octobre 2019, la Cour a transmis à l’APDH, le rapport de l’Etat de Côte d’Ivoire sur l’exécution de l’arrêt de la Cour et différents documents annexes pour obtenir les observations de celle-ci.

1- Sur le processus ayant abouti à l’adoption de la loi

a- Sur le délai de reforme

L’APDH note que le gouvernement qui disposait d’un an, soit en novembre 2017 ne s’est finalement engagé à reformer la loi querellée qu’en 2019.

b- Sur l’inclusivité de la procédure

L’APDH attendait que le gouvernement crée la confiance nécessaire pour permettre à l’ensemble des acteurs électoraux de participer aux discussions. L’APDH note que l’opposition parlementaire qui réclamait des termes de références clairs n’a pas pu participer aux discussions. Ce qui est un handicap quant à l’inclusivité de la commission, puisque finalement, l’on retrouve aux lieu et place de cette opposition, des parties politiques dits de l’opposition mais ne disposant pas de groupe parlementaire à l’assemblée. Et la rapidité de la promulgation de la loi n’a pas pu permettre au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur le fond de celle-ci. En ce qui concerne la société civile, si le gouvernement a associé certaines organisations de la société civile aux discussions, l’APDH regrette que la synthèse faite par le gouvernement ne soit pas consensuelle puisque le gouvernement après avoir recueilli les observations desdites organisations, a produit une loi qui contient des points qui n’ont pas fait l’objet de discussion. Sur les personnalités proposées par la société civile, le gouvernement a procédé discrétionnairement quant aux organisations ayant vocation à désigner lesdites personnalités, là où un processus transparent d’appel à candidature aurait satisfait l’égalité de tous et l’inclusivité. Au total, la nouvelle loi adoptée par l’Etat de Côte d’Ivoire n’est pas inclusive.

2- Sur le fond de la loi adoptée

Pour exécuter l’arrêt du 18 novembre 2016, il s’agissait pour l’Etat de Côte d’Ivoire de créer un organe électoral indépendant et impartial, prévu par l’article 17 de la charte africaine sur la démocratie, et l’article 3 du protocole de la CEDEAO sur la démocratie.

Aussi, l’arrêt de la Cour du 18 novembre 2016 est éloquent en son point 118 qui donne les caractéristiques de ce que la Cour attendait de l’Etat de Côte d’Ivoire. Ce point 118 est ainsi libellé : « La Cour considère qu’un organe électoral est indépendant quand il jouit d’une autonomie administrative et financière et qu’il offre des garanties suffisantes quant à l’indépendance et l’impartialité de ses membres ».

Il ressort de ce point les caractéristiques attendues de la nouvelle commission: une commission dotée d’une autonomie administrative et financière et une commission qui offre des garanties suffisantes quant à l’indépendance et à l’impartialité de ses membres.

➢ Sur l’autonomie administrative et financière

En ce qui concerne l’autonomie administrative, elle désigne la capacité d’un organe à se gouverner lui-même, à décider par lui-même. En l’espèce, l’article 49 de la loi querellée accorde essentiellement un pouvoir de proposition à la commission électorale pour l’exécution de ses attributions prévues à l’article 2 de la même loi. Relativement à l’autonomie financière, l’article 41 nouveau de la loi sur la CEI indique que le projet de budget est élaboré par le bureau qui le transmet au Ministre de l’Economie et des Finances en vue de son inscription en Conseil des Ministres dans le projet de loi de finances de l’exercice budgétaire concerné. Ensuite, le calendrier de décaissement du budget qui est l’un des problèmes essentiels du processus électoral, n’a pas fait l’objet d’une règlementation de sorte que la commission demeurera tributaire de la volonté du gouvernement dans l’accès à ses ressources.

➢ L’indépendance et l’impartialité de ses membres:

L’indépendance et l’impartialité des membres de la commission doivent être examinées au regard des entités ayant vocation à proposer et de la procédure de sélection de celles-ci.

❖ Les entités ayant vocation à proposer

▪ Les entités administratives : Une présence injustifiée

La Cour dans son raisonnement au point 128 assimile, à bon droit, les représentants du parti au pouvoir et ceux issus des entités administratives. Et qu’à supposer l’équilibre entre les acteurs politiques comme facteur d’indépendance, le pouvoir se trouverait dans cette hypothèse surreprésenté. Dans la nouvelle loi, cette surreprésentation est encore avérée en raison de la présence, en plus des personnalités proposées par le parti au pouvoir, des entités administratives suivantes : Le CNDH, Le Chef de l’Etat et le Ministre de l’intérieur, Le Conseil Supérieur de la Magistrature.

▪ Les partis politiques

L’APDH note que le gouvernement a maintenu dans la loi, la présence des partis politiques au titre des entités ayant vocation à proposer des personnalités. Une telle présence est de nature à violer l’égalité des acteurs devant la loi électorale. En effet, certains partis ont le privilège de proposer des personnalités au sein de l’organe électorale alors que d’autres en sont privés. C’est le cas des nouvelles formations et des candidats indépendants.

L’APDH avait fait observer que les partis politiques, s’ils devaient proposer des personnalités, celles-ci ne devraient pas avoir voix délibérative, de sorte à laisser l’essentiel du processus électoral entre les mains de personnalités neutres.

▪ La société civile

Il faut noter que pour les discussions, le gouvernement a invité en plus de l’APDH qui a porté l’initiative sur la question depuis 2013, trois autres plateformes d’ONG. Or, d’autres organisations professionnelles telles que les syndicats d’enseignants du supérieur, l’ordre des Avocats et les syndicats de la magistrature ont été ignorés dans les discussions impliquant la société civile. Notre organisation conclut qu’une bonne partie de la société civile dont l’indépendance est avérée, a été exclue des discussions.

En plus, et le rapport de l’Etat le montre, des organisations n’ayant pas participé directement aux discussions se sont retrouvées finalement à être invitées à proposer une personnalité. Il s’agit des plateformes PEACE et 2PFJ. En revanche, d’autres organisations ayant participé aux discussions ont été exclues des entités ayant vocation à proposer. Il s’agit de la plateforme TOURNONS LA PAGE.

La société civile est exclue à la base du processus, c’est à dire des commissions locales alors même que c’est cette base qui a en charge les opérations électorales. Une composition par les parties accorde à celles-ci un privilège par rapport aux candidats indépendants. L’idée de privilège est incompatible avec celle d’égalité devant la loi.

❖ La procédure de sélection des personnalités issues de la société civile

La société civile est définie comme l’ensemble de citoyens organisés ou individuels qui poursuivent un but non commercial et non politique et dont l’action est fondée sur un ensemble de valeurs sociales. Cette définition communément admise distingue la société civile du monde des affaires et de la société politique. Elle va également au-delà d’ONG formelles pour viser l’ensemble des initiatives citoyennes.

Pour assurer l’égalité de tous au sein de la société civile, l’APDH et ses organisations partenaires avaient souhaité que la sélection des personnalités issues de celle-ci soit faite par voie d’appel à candidature organisé par les ONG travaillant sur la question de la réforme de la commission. En l’espèce le Ministère de l’Intérieur a pris sur lui d’inviter des ONG discrétionnairement sélectionnée à proposer des personnalités.

❖ La question spécifique des Commissions Locales

L’APDH note avec inquiétude que cette question mise à l’ordre du jour par le Premier Ministre a été expressément éludée lors des discussions par le Ministre de l’Intérieur au sein du comité restreint.

Le gouvernement ayant pris l’initiative juste de réduire de quatre à trois, les représentants des partis politiques avec la présence d’une personnalité issue de l’administration territoriale. L’APDH avait pourtant proposé que les personnes en charge des élections sur le plan local soient des personnes neutres sélectionnées par la commission centrale sur appel à candidature dans chaque localité.
Pour l’APDH Mme KONE NONTIHES 1ère Vice-Présidente

Avec Abidjantv.net

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