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Côte d’Ivoire : “Mme Simone Gbagbo sera libérée”Me Rodrigue Dadjé son avocat persiste et signe..

Me Rodrigue Dadjé est l’ avocat de l’ex-première dame de Côte d’Ivoire, Mme Simone Gbagbo. Lors de l’Interview exclusive qu’il a accordée à Afrique-sur7 l’avocat de plusieurs personnalités de l’ancien pouvoir d’Abidjan a affiché sa certitude d’une libération prochaine de sa cliente.

Me Rodrigue Dadjé, où en êtes-vous avec le dossier de Mme Simone Gbagbo ?

Déjà, il faut savoir qu’il n’y a pas un seul dossier, mais plusieurs. Le plus important pour nous était la procédure de “crimes contre l’humanité, crimes de guerre” pour laquelle elle a été acquittée. Il y en avait une autre pour “atteinte à la sureté de l’État” pour laquelle elle a été condamnée à 20 ans de prison. Il y a une troisième procédure toujours en instruction pour crime économique.

Malgré la condamnation de Mme Simone Gbagbo, ses partisans espèrent toujours sa libération. Ne se bercent-ils pas d’illusions ?

Espérer une liberté de Mme Simone Gbagboprisonnière, c’est raisonnable. Elle n’a pas été condamnée à vie et donc à l’issue de sa peine, elle peut déjà recouvrer sa liberté. Deuxième chose, elle peut bénéficier d’un aménagement de peine, ce qui peut réduire la durée de sa peine. Troisième point, il peut avoir des procédures judiciaires qui peuvent réduire ou annuler sa condamnation.

Donc oui, je confirme que les personnes qui aiment bien Mme Simone Gbagbo, pour ne pas dire partisans, un terme que je n’aime pas beaucoup, ont raison d’espérer qu’elle soit mise en liberté.

Moi, en tant qu’avocat, je peux vous confirmer que Mme Simone Gbagbo sera effectivement en liberté, mais à l’issue d’un certain nombre de procédures qui sont en cours.

L’éventualité d’une grâce présidentielle avait été évoquée par les médias. Qu’en est-il ?

Objectivement, je n’ai pas entendu parler de “grâce présidentielle”. Cet aspect-là qui revêt un ton juridique et judiciaire a un fond purement politique qui tient compte de la discrétion de celui qui accorde la grâce. Et cet aspect politique, je ne le maitrise pas du tout. Ce que je maitrise, ce sont les aspects purement judiciaires. En cas de grâce, celui qui la délivre appréciera et le bénéficiaire l’appréciera également.

Ce que je peux dire, c’est que notre équipe d’avocat est à pied d’oeuvre pour obtenir sa libération sur le plan judiciaire. Et nous croyons qu’elle sera effectivement libérée.

Dans quel état d’esprit se trouve présentement votre cliente ?

Quand vous avez été poursuivi pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et dont vous obtenez un acquittement, dans quel état d’esprit pouvez-vous être ?

Mme Simone Gbagbo est rassurée et contente d’avoir été acquittée. Évidemment qu’elle n’avait pas commis ces crimes-là à l’égard de la population ivoirienne. Elle ne pouvait accepter qu’on puisse penser qu’elle ait pu les commettre.

Le site français Mediapart a récemment fait une série de graves révélations sur la CPI. Que vous inspirent ces révélations ?

Les révélations de Mediapart ne se limitent pas qu’au procès Laurent Gbagbo. Ces révélations touchent à toutes les crises en Côte d’Ivoire. Elles touchent aux principes fondamentaux qui régissent la CPI. En termes de principes, les Statuts de Rome, pour nous, n’ont pas été bien rédigés.

On nous dit que les Statuts de Rome ont été rédigés pour prévenir de graves crises et pour protéger les victimes. Paradoxe des choses, dans ces statuts, il n’est pas permis à la victime de porter plainte et de saisir la CPI. C’est absurde, parce que seul le Conseil de Sécurité (de l’ONU) peut saisir la CPI ou seul le procureur peut s’autosaisir pour engager une requête qui va déboucher sur des procédures judiciaires.

Si maintenant, le procureur qui a l’opportunité des poursuites et des enquêtes est soupçonné de partialité, c’est extrêmement grave. Concernant les allégations de Mediapart, elles n’ont, pour l’instant, fait l’objet d’aucune procédure en diffamation. Car, si ces révélations étaient fausses, il revenait au bureau du procureur, Mme Bensouda, ou tout du moins à M. Luis Moreno Ocampo de poursuivre ce média en diffamation.

Pour Me Rodrigue Dadjé, les révélations de Mediapart sont crédibles ?

Pour moi, tant que Mediapart n’est pas poursuivi en diffamation, condamnée par une décision de justice qui prouverait le contraire, je considère que ces informations sont avérées. (…)

L’autre problème, c’est que le bureau du procureur prend un mois pratiquement pour boucler son enquête et faire extrader le président Laurent Gbagbo. Waouh!!! Un mois pour faire cela, c’est extraordinaire. Le bureau du procureur est «vraiment très efficace».

Non sérieusement, j’estime qu’une telle enquête ne peut se faire en un mois. C’est à croire que le bureau du procureur avait déjà commencé à se fabriquer un dossier sur mesure avant même l’éclatement de la crise postélectorale.

Alors, on boucle le dossier Gbagbo en un mois, et durant plus de 6 ans après, aucun mandat n’est délivré contre ses adversaires qui ont commis des crimes contre l’humanité en masse en Côte d’Ivoire, selon plusieurs ONG, principalement dans l’ouest où il y a eu un véritable génocide. Six ans après, aucun mandat n’est délivré contre eux.

Sur la base des éléments de Mediapart, on peut penser que le bureau du procureur est entré dans une combine pour protéger des personnes suspectées de graves crises en Côte d’Ivoire. Parce que, quand deux forces s’opposent et que des crimes allégués sont apparemment commis de part et d’autre, on poursuit les deux camps.

Avec ces révélations de Médiapart, quelle procédure est possible contre la CPI ou le Bureau du Procureur ?

Les révélations de Médiapart n’ont pas pour conséquence de demander la liberté provisoire du Président Laurent Gbagbo si c’est à cela que vous pensez. Si elles sont avérées, la conséquence serait l’annulation pure et simple de la procédure.

Comme je le disais plutôt, comme le statut de Rome a été très mal rédigé, il reviendra aux États partis, s’ils veulent prendre leurs responsabilités, surtout les États africains, de poser leurs réclamations à l’Assemblée générale de la CPI qui va se tenir à New York, début décembre, pour demander qu’on puisse modifier le statut de Rome et poursuivre le bureau du procureur.

Et quand je dis le bureau du procureur, ce n’est pas que M. Ocampo, c’est aussi Mme Fatou Bensouda qui était son étroite collaboratrice du temps où M. Ocampo était aux affaires.

Et pendant l’enquête, la logique aurait voulu qu’elle et ses collaborateurs soient suspendus, le temps de clarifier la situation. Et si les faits sont avérés, on pourrait purement et simplement poursuivre la CPI, parce que les actes qu’elle aurait posés là constitueraient de graves crimes.

Me Rodrigue Dadjé, vous êtes considéré en Côte d’Ivoire comme l’avocat des causes perdues ou alors des causes très difficiles. Que pensez-vous de cette réputation ?

Je ne me vois pas en avocat de causes perdues. J’ai quand même obtenu l’acquittement de Mme Gbagbo dans l’accusation de crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

En Côte d’Ivoire, la procédure la plus importante qui existe sur le plan pénal depuis l’existence de ce pays, c’est bien ce chef d’accusation contre Mme Simone Gbagbo.

Et Me Rodrigue Dadjé qui est son avocat principal, accompagné d’une équipe d’avocats, tant en Côte d’Ivoire qu’en France, une équipe absolument courageuse émérite, nous avons obtenu son acquittement. C’est historique dans l’histoire de la Côte d’Ivoire.

Amnesty International regrette la dernière décision de la CPI qui a refusé la liberté provisoire à Laurent Gbagbo. Un nouvel allié ?

Amnesty International n’est pas mon ennemi, mais il n’est pas mon allié non plus. Je me bats pour les droits de la défense. Si à certains moments la position d’Amnesty International rejoint la nôtre, je dis tant mieux. Mais je vous fais remarquer que cela n’a pas toujours été le cas. Mais ce commentaire de cette ONG est tout à fait juste.

La CPI est en train de montrer à la face du monde qu’elle n’est pas une justice équitable et impartiale. Elle, au regard de ce que nous voyons là, gère les intérêts de certaines personnes, et donc elle n’est pas là pour nous rassurer sur l’équité de la justice.

Comment considérez-vous ces différents procès ?

Certains vous diront qu’il n’y a pas de procès politique, parce que c’est facile pour ces personnes-là de dire qu’on est dans une procédure judiciaire. Seulement, elle a des causes et des intérêts politiques. C’est pour des raisons politiques que ces personnes ont été traduites devant les différentes juridictions.

Donc effectivement, si c’est pour des intérêts politiques que ces personnes sont poursuivies, on peut conclure que ce sont des procès politiques. Je peux dire tout haut et fort que Mme Simone Gbagbo et M. Laurent Gbagbo font l’objet de procès politiques. Si on était dans le droit pur, ces procédures-là auraient pris fin depuis bien longtemps et ces deux personnalités auraient été libérées.

Quel est votre sentiment concernant l’absence de poursuites contre les pro-Ouattara ?

Je reviens sur la partialité du bureau du procureur. Parce que lorsque vous décidez de poursuivre des personnalités en Côte d’Ivoire et que la chambre préliminaire vous autorise à enquêter sur une période allant jusqu’en 2002, vous devez faire preuve d’objectivité dans les poursuites que vous engagez.

Quels sont les critères qui permettent à la CPI d’émettre un mandat d’arrêt contre le président Laurent Gbagbo et pas contre les responsables des forces pros- Ouattara ? Si on prend le seul critère de l’antériorité des crimes, les crimes commis par les pro-Ouattara sont antérieurs à ceux pour lesquels le président Gbagbo est soupçonné.

Les forces pro-Ouattara ont commencé à commettre leurs crimes depuis 2002. Si on prend le critère du nombre de crimes commis, les forces pro-Ouattara sont suspectées d’avoirs commis cent fois plus de crimes que le camp du président Laurent Gbagbo. La crise postélectorale a fait 3000 morts. Mais dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, en une seule journée, les forces pro-Ouattara ont pratiquement tué 1000 personnes, selon tous les rapports des ONG.

Il y a plus de 40.000 victimes dans l’ouest de la Côte d’Ivoire depuis 2002. Donc si c’est le critère du nombre qui devait jouer pour le choix des camps à poursuivre, ce sont les forces pro-Ouattara qui auraient dû faire l’objet de poursuites. Les atrocités qui ont été commises dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, je ne peux pas comprendre qu’elles soient passées sous silence par le bureau du procureur.

Je ne comprends pas que le génocide d’Anonkoua Kouté soit passé sous silence. Je ne comprends pas non plus que des personnes malinké se soient fait massacrer au nord de la Côte d’Ivoire pour avoir soutenu Laurent Gbagbo et que cela soit passé sous silence. Comment peut-on passer sous silence tous ces crimes commis par les forces pro-Ouattara et venir dire devant la place de la nation qu’on se soucie du cas des victimes et que c’est pour cela que le bureau du procureur ne dort pratiquement pas ?

Avez-vous entrepris des démarches de sorte à amener la CPI à poursuivre ces personnes-là ?

Mon associée Me Habiba Touré et moi avons déjà déposé à la CPI des dénonciations de victimes de plus de 4000 personnes. Nous continuons de travailler sur près de 15.000 dossiers que nous allons progressivement déposer à la CPI. La Cour va se retrouver avec plus de 20.000 à 30.000 victimes de crimes pour lesquels les hommes de Ouattara sont suspectés.

À un moment donné, je pense que la CPI n’aura pas d’autre choix que de lancer des mandats d’arrêt contre les suspects. Le président Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont poursuivis pour moins de 700 victimes. Vous imaginez la différence ? Nous sommes déjà à 4000 victimes et d’autres cas sont encore à l’étude.

 Afrique-sur7

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