Parti unifié, Rhdp/ Voici la vision secrète de Ouattara
Les raisons de la désignation d’un chef de l’opposition
Loin des échauffourées verbales entre son parti, le Rdr et le Pdci, le président de la République, Alassane Ouattara a sa vision du parti unifié. Et il compte bien la mettre en œuvre, contre vents et marées.
Pour lui, le parti unifié signifie simplement la disparition des partis membres de l’alliance des houphouétistes que sont le Rdr, le Pdci, l’Udpci et le Mfa. Certes, l’idée a du mal à prospérer au Pdci ainsi qu’au Rdr, dont des cadres la combattent avec hargne. Mais Alassane Ouattara veut réussir ”cette mission”.
Le premier signal qui a montré sa détermination a été la dissolution du premier gouvernement du Premier ministre Jeannot Ahoussou-Kouadio, le mercredi 14 novembre 2012. Suite au blocage, par des députés du Pdci, d’un projet de loi du gouvernement, le mardi 13 novembre 2014, le président de la République a dissous le gouvernement. Cela a permis de tempérer les ardeurs de ses alliés et de leur faire comprendre qu’il ne badine pas avec la question de l’alliance.
Cet acte a également eu pour avantage de renforcer les liens entre les houphouétistes et d’éviter d’autres incidents au sein de la coalition. En privé, il n’hésite pas à partager sa vision avec ses proches. Certains parmi eux, avec qui nous avons échangé, sont catégoriques. « Le président n’est plus au niveau de la polémique. Il a dit qu’il compte mettre en place le parti unifié, avant la fin de l’année 2016. Tous les schémas de fusion sont à l’étude. Il a demandé à des cadres sur lesquels il compte de vendre son idée à la base », nous a révélé un proche de Ouattara.
Le chef de l’État, dit-il, est d’autant plus convaincu qu’il pense que sans un parti unifié, les acquis de la lutte du Rhdp s’effondreront comme un château de carte. D’abord, les acquis de la coalition au plan économique. A ses yeux, la prise du pouvoir par le Rhdp a permis à la Côte d’Ivoire d’être aujourd’hui un pays performant (Construction et réhabilitation d’infrastructures, fort taux de croissance, etc.).
Les acquis du Rhdp en lumière
Au plan social, l’amélioration des conditions de vie des populations, surtout en zone rurale. En ce qui concerne le volet politique, le chef de l’État compte, avec le référendum, redessiner la configuration politique dans son pays. S’inspirant des grandes démocraties, il veut faire en sorte qu’en Côte d’Ivoire, il n’y ait que deux grands blocs idéologiques qui s’affrontent.
C’est d’ailleurs ce qui a conduit son gouvernement, confient nos sources, a adopté un projet de loi relatif au statut du chef de file de l’opposition. Son prédécesseur au Palais présidentiel, Laurent Gbagbo, avait également la même ambition. Cela s’est démontré aux élections présidentielles de 2010 où il y avait d’un côté, La majorité présidentielle (Lmp), et de l’autre, le Rhdp.
Ouattara compte réussir ce pari. C’est cela qu’il tente d’expliquer à son aîné Bédié. La tâche ne fut pas aisée, apprend on. Il a fallu qu’il mette en avant les acquis démocratiques de la lutte du Rhdp pour la prise du pouvoir. Ensuite, le principe de la reconstitution de l’héritage du premier président Félix Houphouët Boigny.
Enfin, la stabilité de la Côte d’Ivoire, après leur retrait de la scène politique ivoirienne. Sachant que sa succession aiguise les appétits et pourrait diviser les houphouétistes, il a indiqué au président Bédié les conséquences de plusieurs candidatures au sein de la coalition face à une opposition qui peut se reconstituer à tout moment.
Alassane Ouattara a expliqué les risques de rechute de la Côte d’Ivoire et de la perte du pouvoir si une solution à long terme n’était pas envisagée maintenant. Il a aussi indiqué, toujours selon nos sources, que ce serait un déshonneur pour son grand-frère et lui, si après eux, la Côte d’Ivoire replongeait dans le chaos. Toute chose qui a amené Henri Konan Bédié à adhérer pleinement au projet.
L’équation la plus difficile était la dénomination du futur parti unifié. Le chef de l’État n’aurait pas vu d’inconvénients à accepter le retour de son parti au Pdci, comme le lui recommandait Henri Konan Bédié. Mais il en a été dissuadé par certains de ses collaborateurs, qui lui ont demandé de ne pas perdre de vue les années de lutte du Rdr et surtout les ”mauvais souvenirs” au temps de Bédié avec le concept mal interprété de ”l’ivoirité”.
Il a été conseillé au chef de l’État d’opter pour le Rhdp, une coalition qui a déjà fait ses preuves en 2010 et qui continue de faire avancer la Côte d’Ivoire. Le chef de l’État en parle encore à son aîné. Il fut convenu de donner une existence juridique au Rhdp à la veille des élections présidentielles d’octobre 2015.
Pour cela, il fallait d’abord qu’il se fasse investir candidat de cette coalition. Ce qui a été fait le samedi 25 avril 2015 au stade Félix Houphouët-Boigny. Ensuite, le lundi 3 août 2015, le Rhdp est reconnu comme une formation politique à part entière.
Enfin le mercredi 5 août, Ouattara fait acte de candidature à la Commission électorale indépendante (Cei) sous la bannière Rhdp. Un pas venait donc d’être franchi, même si les militants de la coalition n’y ont pas prêté sérieusement attention.
Les manœuvres de deux leaders
Après sa réélection, Ouattara n’abandonne pas pour autant son idée. Il rencontre son aîné Henri Konan Bédié, avec lequel il arrête définitivement le nom du parti en question, le 15 février 2016. Sans surprise, c’est le Rhdp qui est retenu.
Mais pour contenter la base, une clause est introduite dans le communiqué final. Elle laisse la liberté à tous les partis de se fondre ou d’être dans le Rhdp en tant qu’entité autonome. « Comme ils savent qu’ils marchent sur un terrain difficile, les deux leaders ont convenu d’introduire une clause dans le communiqué pour contenter la base », indique un membre de l’entourage de Ouattara.
Ayant senti le piège, de hauts cadres du Pdci ont embouché la trompette de l’alternance. Ils réclamaient, presque tous les jours, le fauteuil présidentiel à leur allié du Rdr en 2020. Agacé, Alassane Ouattara, selon une source bien introduite, passe un coup de fil à son aîné, afin que celui-ci modère l’ardeur de ”ses lieutenants”. Vrai ou faux ? Toujours est-il que les barons du Pdci ont mis de l’eau dans leur vin, depuis quelques temps.
Les questions de l’alternance ont été quelque peu reléguées au second plan. Toutes ces actions discrètes de Ouattara visent l’obtention, à moyen terme, d’un bloc homogène. « Il ne faut pas s’attendre à voir tous les partis politiques disparaître immédiatement. Il y a un processus. Ouattara et son aîné vont pas à pas », confie un autre proche du chef de l’Etat, qui poursuit pour dire qu’une fois que le Rhdp sera véritablement fonctionnel, le chef de l’État passera à la dernière phase de son plan, celle qui consistera à amener les partis réticents à rentrer dans les rangs.
Pendant ce temps, nos sources confient qu’une opération de ramollissement des ”durs” sera entreprise pour accélérer le processus de dissolution des partis. Tout cela devrait être facilité par l’adhésion des militants de tous les partis au Rhdp et par la disparition progressive des noms des partis traditionnels de leur quotidien. « C’est un projet qui pourrait être finalisé vers fin 2017 », révèle un membre de l’entourage du patron de l’exécutif ivoirien. Mais le premier test du Rhdp sera les élections législatives.
Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié réussiront-ils à faire plier leurs cadres ? L’avenir nous le dira.
Y.DOUMBIA
l’inter