La politique autrement : le Comité Politique de Guillaume Soro prend le Lead de l’opposition ivoirienne
L’Editorial du Professeur Franklin Nyamsi Wa Kamerun
La politique est davantage un art qu’une science. Voilà pourquoi il n’y a d’ailleurs pas de science politique au singulier, mais plutôt des sciences politiques au pluriel, car pour comprendre l’agir de l’Homme dans la cité, il faut croiser les perspectives sur les aspects multiformes de l’Homme : la biologie, l’Histoire, la psychologie, la sociologie, l’économie, la géographie, l’anthropologie, la linguistique, et mêmes les mathématiques participent à la compréhension de l’art de gérer la chose publique. Voilà sans doute pourquoi il n’y a rien de pire qu’un régime où tous sont contraints de se soumettre à la pensée d’un seul, fût-il le plus éclairé de ses contemporains. IL n’est pas seulement vrai qu’un homme tout seul n’est rien, car « L’homme n’est rien sans les hommes », comme le disait Birago Diop, il est aussi vrai que penser sans les autres, c’est délirer. Le plus éclairé des penseurs, isolé de la critique sociale n’est qu’un brillant fou. Or dans la Côte d’Ivoire contemporaine, un parti s’illustre par sa défaite intellectuelle : le RHDP d’Alassane Ouattara. Des cadres aux alliés, tous semblent avoir abdiqué leur capacité de pensée à l’ado-ration d’un seul, celui qui est par nature puissance –pissanci, disent-ils-, celui qui est par nature brave, celui qui sait tout en tout et à qui nul n’a rien à apprendre ; celui qui décide de tout pour tous, y compris du nom du premier prisonnier politique de Côte d’Ivoire : Alassane Dramane Ouattara. Qui donc offre aux Ivoiriens, une autre manière de penser et de faire la politique que celle du dirigisme patrimonial, du centralisme narcissique du RHDP au pouvoir ? Je consacre la présente tribune à montrer que l’innovateur de la place politique de Côte d’Ivoire est résolument Guillaume Kigbafori Soro, à partir de quatre arguments essentiels : 1) L’anticipation politique sur les préoccupations profondes des Ivoiriens ; 2) L’Humilité du pas sincère vers les Autres ; 3) Le Courage de risquer son confort et sa vie pour ses convictions éthico-politiques ; 4) La construction des réponses aux problèmes du Peuple ivoirien avec le Peuple Ivoirien. Je montrerai justement en quoi cette quadruple manière de faire la politique a conféré, moins de deux mois après sa démission historique du 8 février 2019, le Lead de l’Opposition Politique ivoirienne à Guillaume Kigbafori Soro, le Président du Comité Politique.
1)Anticipations politiques de Guillaume Soro : réconciliation, Etat de droit, Nation
Dès sa démission de ses fonctions de Premier Ministre en mars 2012, Guillaume Soro, sur les traces fraîches de la terrible crise postélectorale ivoirienne de 2010-2011, avait déclaré que le pardon et la réconciliation seraient les pierres angulaires du redressement global de ce pays. Certains y virent un discours de circonstances. Mais aujourd’hui l’état de division de la classe politique ivoirienne lui donne rétrospectivement raison : le FPI, longtemps principal parti de l’opposition ivoirienne, a été livré aux dissensions internes, non seulement du fait des règlements de comptes entre ses membres, mais aussi en raison de l’OPA du régime Ouattara sur bon nombre de ses cadres, tels par exemple un Alcide Djédjé ; le PDCI-RDA, longtemps allié du RDR dans l’ancien RHDP Groupement de partis politiques, fait l’objet depuis deux ans de tentatives d’OPA d’un RDR décidé à emporter dans son hubris, un morceau du parti de l’indépendance ivoirienne, comme faire-valoir de son ambition de permanence au pouvoir ; le RDR lui-même, privé de l’engagement historique des ex-Forces Nouvelles de Guillaume Soro, caracole aujourd’hui apparemment en tête de l’échiquier politique national, alors même que ses bases le désertent par grappes entières, comme ces congressistes du 26 janvier 2019 abandonnant le président Ouattara en plein discours au Félicia d’Abidjan. C’est donc un champ politique fortement déchiqueté, friable et cassable, qu’offre aujourd’hui la Côte d’Ivoire. La réconciliation et le pardon, prônés depuis 2012 par Guillaume Soro n’en sont-ils pas plus urgents aujourd’hui ? Sans aucun doute.
Mais sur quoi mettre d’accord tous les Ivoiriens ? Loin de vouloir forcer ceux qui ne veulent pas pardonner à la faire, ou de forcer ceux qui ne veulent pas se réconcilier à s’y mettre, Guillaume Soro, encore Président de l’Assemblée Nationale, avait pris le bâton du pèlerin pour défendre ce rassemblement par le haut, par l’idéal de la Nation : dans l’Ouest, l’Est, le Nord, le Centre et le Sud ivoiriens, Guillaume Soro a crapahuté depuis lors, malgré les menaces, incompréhensions, suspicions de campagne présidentielle anticipée, faux complots, que les esprits retors de tous les camps lui auront fait souffrir. Loin de vouloir imposer aux revanchards de faire table rase, Guillaume Soro a promu une idée encore plus opérationnelle, en bon pionnier du changement : la consolidation de l’Etat de droit en Côte d’Ivoire, par la défense des libertés fondamentales, de la séparation des trois pouvoirs et des droits de l’opposition. Depuis le Discours du 3 avril 2017, c’est Guillaume Soro qui s’est installé dans le rôle de critique objectif des dérives du pouvoir : appel à la libération des prisonniers politiques, appel au retour de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé chez eux, demandes de pardon à la famille de la gauche ivoirienne en général, volonté d’aller vers l’ancienne classe politique de tous bords pour obtenir un apaisement collectif propice à la préparation d’une nation prospère, etc.
Enfin, dans sa relation aux Ivoiriens, nul ne niera que c’est Guillaume Soro qui a anticipé la révolution cybernétique de la communication dans son pays. Présent avant tous les autres hommes d’Etat ivoiriens sur les réseaux sociaux, Guillaume Soro est le principal acteur d’une réduction claire et nette du fossé entre les citoyens et leurs dirigeants à travers l’Afrique francophone notamment. IL a montré la voie à tous les hommes et femmes politiques de son rang, qui tentent aujourd’hui seulement de rattraper un retard accumulé au rendez-vous de la révolution de l’information et du débat sociopolitiques. Mû par un désir d’écoute et une empathie forte envers ses concitoyens, Guillaume Soro a pris et gagné, c’est incontestable, le pari de la proximité et de la simplicité avec son peuple et avec des millions d’autres internautes africains et du monde. Soro fait corps avec son peuple. Et voilà précisément comment il a pu imposer, avec grâce, l’idée que rien de grand ne s’accomplirait dans son pays sans le passage de l’écrasante majorité des Ivoiriens de la conscience ethno-tribale à la conscience citoyenne-nationale, qu’il faut justement bâtir et penser dans le creuset du pardon, de la…