La bataille pour le fauteuil présidentiel est-elle en train de se jouer sous nos yeux ? C’est du moins ce qu’il paraît, après le pathétique plaidoyer fait par le conseiller de Guillaume Soro, Mamadou Traoré, en faveur de celui-ci dans la perspective de la présidentielle de 2020.
Invité à présenter une communication, mercredi 25 avril 2015, à un colloque, ce proche de Soro a conclu son intervention par des propos tendant à désigner le président de l’Assemblée nationale comme le putatif dauphin de Ouattara. Mamadou Traoré n’a pas voulu rater l’occasion de cette tribune, par trop solennelle, pour « vendre » la candidature de Soro comme le meilleur profil pour assurer l’alternance en 2020. Alors que nombre des participants s’y attendaient le moins, il a conclu son propos par une ouverture sur l’alternance en 2020.
Après avoir déploré les conditions sociales désastreuses dans lesquelles les Ivoiriens étaient tenus sous Laurent Gbagbo, et salué l’amélioration du cadre de vie sous Ouattara, il a appelé au maintien d’un climat de stabilité, seul gage de la préservation des acquis de l’ère Ouattara. « Il faudra tout faire pour préserver la stabilité de la Côte d’Ivoire après 2020. La stabilité politique n’est possible que si une bonne succession est faite. Et pour cela, le président Ouattara doit préparer avec le président Bédié un dauphin réel, un dauphin légal et légitime », a-t-il commencé par dire, avant d’ajouter : « Le meilleur dauphin pour lui( Ouattara, ndlr), c’est celui qui sera capable de réconcilier les Ivoiriens. Et cet homme existe ; il n’est pas loin du président Ouattara et de Bédié. La personne n’est pas loin de cette salle( la Rotonde l’Assemblé nationale, ndlr) ». Puis le conférencier de lancer comme une mise en garde : « Ne pas prendre cette décision avant la fin de son mandat serait entraîner la Côte d’Ivoire dans le gouffre ». Plus tard, au cours des échanges, il reviendra sur le sujet en soutenant qu’Alassane Ouattara est dans la posture d’un père de famille qui a plusieurs épouses. « S’il n’a pas réglé les problèmes entre les épouses, à sa mort( sous-entendu : la fin de son mandat, ndlr), la famille va s’éclater », a-t-il imagé.
Saisissant au bond ces propos du conseiller de Soro, le ministre Alain Lobognon, qui venait de faire son entrée dans la salle peu avant, va s’inviter au débat en saluant les propos de Mamadou Traoré. « Je voudrais saluer le courage avec lequel il s’est exprimé. Il faut que les Ivoiriens sachent d’où nous venons », a-t-il déclaré, s’offusquant de certains discours insultants à l’égard des ex-rebelles. « Le moment venu, nous parlerons », a-t-il lâché.
Avant ces intervenants, l’universitaire marocain, Samir Patrice El-Maarouf a présenté un tableau comparatif de la diplomatie sous Gbagbo et sous l’ère Ouattara. Pour lui, la diplomatie sous l’ex-chef de l’État était une « diplomatie de l’orphelin », une « diplomatie du seul contre tous », une diplomatie fondée sur l’ultranationalisme. A contrario, celle de Ouattara est basée sur l’ouverture à l’autre, et revêt une dimension économique. « La présidence Ouattara définit le diplomate comme un agent de développement », dira-t-il. D’où la notion d’éco-diplomatie. Et l’universitaire de conclure : « On est passé de l’âge de la pierre, de la dogmatie Gbagboiste, à l’âge d’or de l’ère Ouattara ».
La deuxième et dernière journée de ce colloque, organisé par le Club international de conférence de l’Assemblé nationale, s’est achevée par le discours de clôture du président de l’Assemblée nationale. Dans cette adresse, lue par la 1ère vice-présidente du Parlement, Sarah Sako Fadiga, Guillaume Soro a réaffirmé qu’il a dû prendre les armes en réaction à « l’exclusion et au repli identitaire » qui avait cours sous le régime Gbagbo. « C’était une question de vie ou de mort », a-t-il soutenu.
Les intellectuels pro-Gbagbo, les grands absents
Le colloque organisé par le conseiller du président de l’Assemblée nationale, Franklin Nyamsi et son équipe, aura été fort instructif. On en a appris sur l’idéologie sur laquelle étaient fondés les faits et actes des tenants du régime Laurent Gbagbo. Dépeignant la gouvernance Gbagbo, les universitaires, triés sur le volet, se sont attachés à démontrer que, sous la refondation, c’était la dérive identitaire, l’ultranationalisme taxé « d’idéologie ivoiritaire ». On a même parlé de « nuit ivoiritaire ».
Sous l’ère Gbagbo, l’école, le système sanitaire, la diplomatie, tout marchait à l’envers. L’on a dénoncé la « diplomatie de la paranoïa », qui conduisait à voir dans la France, et plus généralement dans l’extérieur, une menace pour le régime Gbagbo. Le hic, c’est qu’aucun intellectuel ou universitaire, reconnu pro-Gbagbo, n’a été invité à exposer leur lecture de l’idéologie, qui sous-tendait leur mode de gouvernement. Cela aurait eu l’avantage de rendre plus crédible le regard critique porté par les intellectuels de l’autre bord sur les années Gbagbo. On n’aurait pas eu l’impression d’entendre un seul son de cloche. Fut-il pertinent.
Assane NIADA
linfodrome.com