Le phénomène d’enlèvement d’enfants est bien réel en Côte d’Ivoire. On ne saurait en douter, après les événements tragiques qui avaient commencé à semer la psychose au sein de la population depuis quelques semaines.
Excédé par l’ampleur qu’a commencé à prendre ce phénomène macabre, un officier de la police a décidé de rompre le silence. Membre de la cellule qui enquête sur les faits, cet officier, qui a décidé formellement de garder l’anonymat pour des raisons évidentes de sécurité, fait des révélations à couper le souffle. Il dévoile un réseau puissamment assis, dont le démantèlement devra nécessiter de grands moyens. «C’est compliqué. Le réseau est trop bien assis pour qu’il soit démantelé facilement», révèle-t-il. L’homme est persuadé que ces actes violents et tragiques vont se poursuivre encore avec les échéances électorales à venir. «Le mal est profond et persistera jusqu’aux prochaines échéances électorales, les législatives et même les municipales», soutient-il.
Le policier-enquêteur révèle que de hautes personnalités de l’État seraient impliquées dans le phénomène. Notamment des élus, de hauts cadres de l’administration publique, voire des ministres. Selon l’officier de police, les sacrificateurs travaillent pour le compte de ces personnalités. A l’en croire, la quête de nomination dans l’administration publique, le maintien ou la course effrénée au pouvoir et aux postes électifs, l’enrichissement rapide et illicite, sont les principales motivations des auteurs de ces actes criminels. Notre informateur soutient, par ailleurs, que 4 prêtres sacrificateurs Vaudou, qui seraient venus du Bénin et du Gabon, seraient logés et entretenus dans des villas insoupçonnées à Koumassi et à Cocody. L’un au service des cybercriminels communément appelés ”brouteurs”, et les trois autres ayant pour mission de consolider les pouvoirs politiques de leurs clients. L’officier de police confie qu’un de ces prêtres Vaudou aurait même revendiqué la suspension du probable remaniement ministériel (qui a fait grand bruit vers la fin de l’année), après qu’il eut été contacté par un ministre pour faire avorter ce projet alors imminent.
De gros sous en jeu
L’enquêteur soutient qu’un organe humain peut coûter entre 5 et 25 millions de Fcfa. L’organe saignant, explique-t-il, est le plus cher, car il aurait un effet rapide. «L’organe saignant est utilisé dans des cas d’intervention d’urgence. Les ravisseurs tranchent la tête de leurs victimes lorsque ces personnes ne sont pas encore mortes. La tête coupée reste vivante pendant un bon moment. Le sacrificateur peut donc parler à cette tête qui l’entend, pour lui soumettre sa requête et avoir l’effet escompté», révèle notre source. Les victimes n’ayant pas encore atteint l’âge de la puberté ont les organes les plus recherchés par les malfaiteurs. Généralement, c’est un budget compris entre 50 et 300 millions de Fcfa qui est débloqué par le bénéficiaire pour une opération. Cette somme est utilisée pour satisfaire le collecteur, celui qui est commis au crime, le livreur qui réceptionne les organes et le sacrificateur qui fait le rituel.
A propos des forces de l’ordre mobilisées en grand nombre par le gouvernement pour freiner le phénomène des enlèvements d’enfants, notre confident ne pense pas que cela puisse servir à grand-chose. Quoique les bruits aient cessé un peu depuis quelques jours. «Certaines autorités n’ont pas intérêt à ce que ces pratiques prennent fin. S’il n’y a plus d’enleveurs, les commanditaires, généralement des hommes politiques, ne pourront plus assouvir leur funeste dessein. Quand on les envoie (les ravisseurs, ndlr) à la Maca (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan), le lendemain, ils sont libérés et poursuivent leurs activités en toute tranquillité. Les criminels continueront donc d’opérer dans la sérénité», dénonce-t-il.
Un autre phénomène, la cybercriminalité. Sur cette question, notre source indique que les vrais cybercriminels opèrent en toute quiétude. «Les redoutables cybercriminels ne sont pas ceux qui sont dans les cybercafés de quartiers. Fermer tous les cybercafés de quartiers ne mettra nullement fin à la cybercriminalité. C’est juste de la poudre aux yeux. Les vrais ”brouteurs” sont entretenus et bien organisés. Ils sont logés dans des villas. Ils ont même réussi à pomper les fonds de plusieurs banques installées en Côte d’Ivoire. Et, ils continueront aussi de sévir tant qu’ils auront la protection de hautes personnalités », déplore notre informateur, qui révèle plusieurs autres phénomènes ayant également cours dans le pays et dont on parle très peu. Il s’agit, par exemple, de la collecte de poils ou d’ongles de jeunes filles que des sacrificateurs demandent à leurs clients de leur apporter après qu’ils aient fait l’amour avec ces dernières. Après usage de ces organes, ces innocentes filles, au bout de quelques semaines, a-t-il indiqué, perdent la vie de façon mystérieuse. Sans remords pour ces adeptes des pratiques occultes, auprès de qui le policier semble avoir beaucoup appris dans ses investigations.
F.D.BONY
L’INTER