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CPI /ce qu’il faut retenir du 20 Fevrier, Quatrième jour de prétoire pour le temoin Brédou M’Bia

34e témoin de l’accusation dans l’affaire Gbagbo-Blé Goudé, l’ex-chef de la police ivoirienne a poursuivi sa déposition ce lundi à la Cour Pénale internationale (CPI). A la barre depuis le 15 février, il aurait déjà bien renseigné la Chambre.

Par Anne Leray

Quatrième jour de prétoire pour Brédou M’Bia. Comme pour beaucoup de témoins, la personnalité de cet ancien responsable de la police ivoirienne durant la crise 2010-2011, se révèle au fil des heures et des questions. Calmement campé sur sa table de déposition, ce haut-gradé dont on découvre qu’il a parfois exprimé des avis divergents à ceux de sa hiérarchie, ne paraît pas faire montre d’une docilité aveugle. Ne disait-il pas vendredi qu’on lui avait forcé la main en décembre 2010 pour prêter allégeance à Laurent Gbagbo ?

Limogeages et débarquements

On a appris ce matin qu’il avait, avec trois de ses homologues hiérarchiques (1), sollicité une entrevue auprès de l’ancien président pour lui demander « à l’unanimité » de se retirer du jeu début 2011. « Ce jour-là, il y avait le ministre de la Jeunesse, des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la Défense. Nous lui avons dit que nous ne souhaitions pas qu’il continue à exercer ses fonctions et demandé si possible de se retirer », explique M’Bia. « Quelle a été la réponse de Laurent Gbagbo ? » demande le procureur Eric McDonald. « Il n’a pas répondu, mais il a dit j’ai compris ».

Dans le fil des mouvements au sein des appareils d’Etat, il a été question lors de l’interrogatoire de la défense, du limogeage de Youssouf Kouyaté en janvier 2011, alors adjoint du préfet de police d’Abidjan. La raison de cette démission intimée par Laurent Gbagbo et ses proches ? Le fait que Youssouf Kouyaté aurait été représenté par le rebelle Chérif Ousmane lors des obsèques de son père auxquelles il ne pouvait assister. « Ils ont établi une relation entre eux » relate M’Bia en précisant que selon lui, il n’avait « commis aucune faute ».

Emmanuel Altit est également revenu sur le fait que M’Bia lui-même ait récemment été démis de ses fonctions, le 11 janvier 2017 après neuf ans de service, pour éclaircir les raisons de son départ. Un départ qui fait suite, selon l’intéressé, « au mouvement d’humeur des soldats ivoiriens et à leurs revendications quant à la prime réclamée, ce que je ne souhaite pas commenter » (2).

 

« Nous n’avions plus de munitions »

Les questions d’Emmanuel Altit concernant les moyens de la police ont à nouveau fait surgir un état des lieux peu luxueux. « Le ratio police-population était très faible et ne nous permettait pas de lutter efficacement contre la criminalité » avance le témoin qui aurait fait plusieurs requêtes à ce sujet, les moyens alloués étant restés inchangés entre 2005 et la crise. Il décrit par exemple pour la brigade anti-émeute des chars aux « pneus ordinaires et vulnérables dont le faible blindage sert juste au maintien de l’ordre ». L’inventaire ne s’améliore pas pour les armes. « La police ne dispose pas d’armes létales. En pleine crise nous étions sous embargo et nous n’avions plus de munitions. Nous n’avions pas non plus suffisamment de pistolets et c’était un grand handicap ». Même son de cloche pour les communications radio. « Nous manquions de moyens or un élément sans radio sur le terrain ne sait pas ce qui se passe ». Un état des lieux correspondant à celui dressé par le témoin P-560 quelques jours plus tôt, qui avait évoqué des moyens « peu reluisants ».

Décrivant de « nombreuses attaques de commissariats disposant de quelques kalaches pour se défendre », M’Bia déplore à plusieurs reprises la perte d’une quarantaine de policiers pendant la crise. « Je ne peux pas dire si ces attaques étaient menées par des rebelles mais quand la crise s’est finie, les masques sont tombés, et il semble que IB en soit à l’origine » a-t-il lancé. Ibrahim Coulibaly, dit IB, était le chef du Commando Invisible.

 

Livré à lui-même dans la brousse

Lorsque Brédou M’Bia est invité à parler du 31 mars 2011, après l’entrée des rebelles à Yopougon, son récit est épique. Ce jour-là, il est amené à fuir « car la police n’avait plus les moyens de se protéger et tous les commandants ont dû quitter leur poste ». Il explique que ne parvenant pas à joindre son chef d’État-major, il contacte le responsable de la DCI (direction de la coopération internationale), responsable des forces françaises installées à Port Bouët au 43e BIMA (un des corps de marine). Il passe alors trois jours dans ce camp militaire, assigné dans une chambre, avançant ainsi qu’il ne peut affirmer « si les forces militaires françaises ont bombardé les forces militaires ivoiriennes ».

Emmanuel Altit cherche ensuite à lui faire dire qu’il a rallié l’Hôtel du Golf (lieu de retranchement du camp Ouattara, ndlr). « Non, le 4e jour, on m’a proposé d’aller à l’Hôtel du Golf et j’ai refusé ». Le patron de la police aurait alors été déposé par les forces françaises « dans la brousse derrière l’aéroport d’Abidjan », livré à lui-même avant de rejoindre un village non loin de là…

Cette nouvelle journée de déposition, menée par l’accusation puis par la défense, a comporté plusieurs autres informations que les huis-clos ont rendues confidentielles. Elle s’est achevée sur le contact qui avait pu s’établir entre l’ex-DGPN et les enquêteurs de la CPI. « Qui vous a dit de coopérer ? » a demandé Me Altit. « Ma hiérarchie ». Plus tôt dans l’après-midi, l’avocat de Laurent Gbagbo lui avait demandé au débotté : « Et vous-même, de quel parti êtes-vous ? ». « Je suis policier, je n’ai pas de parti » avait répondu P-46 sans ciller.

(1) Guiai Bi Poin chef du CECOS, Philippe Mangou chef de l’armée et Edouard Kassaraté patron de la gendarmerie

(2) Des primes promises à environ 8000 militaires mutins par l’actuel gouvernement et dont il a été fait mention dans l’actualité ivoirienne. La réclamation de ces primes en janvier a créé de nouveaux troubles dans le pays.

—Ivoire Justice

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