Le juge-président, Cuno Tarfusser, a décidé de mettre fin à « la publicité des débats pour tous les témoins », le 16 juin 2016 à La Haye. (…) « A partir de la reprise du procès prévue le 27 juin 2016, la diffusion publique du procès sera retardée jusqu’à la fin de la déposition du témoin »…
Ces mesures vont restreindre la possibilité pour le public de suivre « le procès en direct ». Aussi, le juge-président avance que « les tentatives visant à découvrir le nom des témoins s’exprimant à visage caché, persistent et qu’elles viennent perturber de façon importante la procédure », ajoutant que la « publicité des débats n’est pas absolue ». Il justifie donc ces mesures « strictes » en raison d’un « risque très grave pour l’intégrité du procès » et la protection des témoins.
Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé seront donc, dorénavant, jugés à huis clos. Ils seront, pour ainsi dire, isolés du monde extérieur au prétoire de la Cpi. Bien que valablement motivée, cette décision de tenir « au noir » le procès de Laurent Gbagbo, premier chef d’État à comparaître devant cette juridiction internationale, pourrait, néanmoins, faire tomber le crédit dont jouissait la Cpi. Cette décision peu aussi couvrir de suspicion toutes les actions et décisions qui vont être prises à leur encontre. Mais, lorsqu’on fait abstraction de certaines considérations, la décision du huis clos pourrait grandement profiter à Laurent Gbagbo. Son capital sympathie, au seul motif qu’on lui fait souffrir le martyre, voire de grands tourments, pourrait accroître, au détriment, forcément de la Cpi.
Depuis quelque temps, la Cpi, fait l’objet de virulentes critiques de la part de certains dirigeants et d’intellectuels africains, au motif que les procédures en cours devant elle et qui ne visent que des Africains, obéissent à des considérations politiques. Aux yeux de nombreux africains, l’institution judiciaire est politisée. C’est pourquoi les juges, avant de prendre des décisions comme celle du 16 juin 2016, devraient réfléchir aux conséquences de chaque alternative.
En privant le public d’un débat public, alors que les accusés ont droit à une audience publique, les juges font peser, sur les éventuelles décisions qu’ils vont prendre, de graves soupçons. Il sera loisible à certaines personnes de dire ou de penser que des manœuvres se préparent contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé en vue de leur condamnation. C’est pourquoi, dira-t-on, « les juges ont choisi le huis clos ». Pour ne pas donner foi à cette thèse, il appartient à la Cour de prendre des dispositions draconiennes pour éviter des fuites des identités des témoins. La décision du huis clos apparaît, dès lors, comme une option de facilité, voire de fuite en avant pour masquer une carence ou une défaillance structurelle au niveau de la Cpi.
Le devoir de proteger les témoins imcombe à la Cpi… Ceux qui voyaient dans cette juridiction pénale internationale le meilleur moyen de lutter contre l’impunité avec équité, conformément au droit et à la raison pourraient reconsidérer leur position à partir de cette décision de juger Gbagbo et Blé Goudé à huis clos. Les critiques vont donc s’amplifier contre la Cpi et c’est Laurent Gbagbo qui tirera les marrons du feu. A tort ou à raison, Laurent Gbagbo et à un degré moindre Charles Blé Goudé sont présentés comme «des otages », voire des « prisonniers de guerre » de la communauté internationale. Qui doivent être anéantis par la machine judiciaire, nommée Cpi.
Aujourd’hui, le fait, pour les juges de chercher à les juger à huis clos, pourrait accréditer la thèse selon laquelle, l’issue du procès est connue à l’avance. Au demeurant, si nous en sommes à une telle situation, les activistes pro-Gbagbo, en portent l’entière responsabilité. Les actes d’agression perpétrés contre de présumés témoins, les vaines tentatives de démasquer des témoins ont conduit à cette grave décision. En se démarquant de ces activistes, par un communiqué rendu public le 14 juin 2016, l’équipe de défense de Charles Blé Goudé, a mis ces activistes devant leur responsabilité historique. Il est donc impérieux que «ces faux procès qui sont faits aux témoins » s’arrêtent et que «tous ceux qui se reconnaissent dans les valeurs communes de démocratie et de légalité à faire preuve de discernement et à s’abstenir de poser des actes » qui ont eu pour conséquences, aujourd’hui, de les priver de « ce qui demeure leur procès », a écrit le conseil de Blé Goudé.
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