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CPI-Témoin de l’Accusation/ Sam l’Africain a crée la confusion et a embarrassé le procureur

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Le procès conjoint de l’ex-président Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, ex-leader des jeunes patriotes, a repris,lundi, à la Cour pénale internationale, avec l’un des 138 témoins de l’accusation : Sam Mohamed Jichi, connu sous le pseudonyme de Sam l’Africain.

Le témoin, un ancien leader de la galaxie patriotique, âgé aujourd’hui de 53 ans, et bénéficiant de la double nationalité (ivoiro-libanaise), a choisi de faire sa déposition à visage découvert. « Je n’ai rien à cacher », se justifiait-il dès sa première prise de parole. Sam l’Africain, vêtu d’un grand boubou, avait d’entrée, de la faconde, évoquant, avec une relative facilité, sa naissance, un jour de 1963 au Libéria, ses origines nordistes (Séguéla et Mankono) ou encore son activité de commerçant.

Mais, à l’image d’un témoin débordant d’assurance, a vite succédé celle d’un homme qui, entre dérobades et dénégations, est passé champion de l’oubli. « Je suis faible de mémoire », avançait-il à la Cour. Au milieu de ses trous de mémoire, il arrivait tout de même à se souvenir de sa relation avec Laurent Gbagbo (« il est un père pour moi ») ou de celle avec Charles Blé Goudé (« c’est mon petit-frère »). Sam Jichi se souvenait encore d’une France, « père fondateur (sic) de la crise » ivoirienne et se voulait incisif à l’encontre des adversaires de Laurent Gbagbo.

Le témoin, président-fondateur d’un parti politique, la Nouvelle alliance de la Côte d’Ivoire pour la patrie (Nacip), a juré n’avoir jamais été financé par le pouvoir Gbagbo. « Moi, j’avais mes propres moyens pour faire la politique. Je l’ai fait avec mes propres moyens, M. le procureur », a prononcé Sam Jichi. Peu coopératif, en partie à cause de ses problèmes de « mémoire », l’ex-allié de Laurent Gbagbo au sein de la Majorité présidentielle, a conduit le juge-président à une suspension d’audience. Retour sur quelques temps forts des débats avec le procureur, la Défense…et le juge-président.

Discussion autour de la galaxie patriotique

Embarrassé par le témoin qui, longtemps, l’a fait tourner en rond, le substitut du procureur, Eric Mc Donald, entreprenait de l’interroger sur la galaxie patriotique. « Combien de groupes composaient la galaxie patriotique ? », demande Mc Donald. « Je ne peux pas te donner des chiffres exacts. Mais, on était nombreux », répond Sam Jichi. Eric Mc Donald reprend sa question : « Vous rappelez-vous combien vous étiez approximativement ? ». Sam Jichi réplique : « M. le procureur, je ne peux pas vous donner les chiffres exacts. Mais on était nombreux ». Mc Donald, insatisfait, revient à la charge : « M. le témoin, je comprends que vous ne pouvez pas nous donner des chiffres exacts mais vous pouvez nous donner des approximations sans avoir peur de vous tromper ? On a droit aussi à l’erreur, M. le témoin ».

Sam Jichi apprécie modérément la tournure de l’interrogatoire : « Bien sûr, M. le procureur, mais il faut que les choses soient claires. Je l’ai déjà dit, je ne suis pas venu ici pour faire de l’amusement. Je suis venu dire ce que je sais (…) Quand je te parle de la galaxie patriotique, je ne te parle pas de tous les patriotes de la Côte d’Ivoire. Je te parle des leaders. Vous pouvez les estimer à 100, 150, 200, je crois ». La discussion autour du nombre des leaders de la galaxie patriotique se poursuit. Eric Mc Donald se résout à « rafraîchir » la mémoire à son témoin : « Vous avez mentionné dans votre déclaration (déposition initiale, ndlr) que vous étiez plus de 300. Est-ce que vous vous rappelez avoir dit cela ? ». Le fondateur de la Nacip donne cette réponse gênée : « C’est possible. Si, c’est que j’ai dit… ».

Le substitut du procureur relance son interrogatoire. Il demande à Sam Jichi quel leader, au sein de la galaxie patriotique, dirigeait le Cojep ; ce à quoi le témoin répond : « C’est le ministre Blé Goudé Charles ». Il se veut plus précis : « Il était le président du Cojep et chef de la galaxie patriotique ». Mc Donald souhaite que Sam Jichi cite quelques noms de membres de la galaxie patriotique. Le témoin propose ces identités : Blé Goudé, Dacoury Richard, Konaté Navigué…Anoi Castro.

L’exercice a l’air d’ennuyer Sam Jichi, qui lance au substitut du procureur : « Il y en a plusieurs. Vous avez la liste ». Eric Mc Donald interroge : « Quand vous dites : ”vous avez la liste”, vous faites référence à quoi ? ». Le témoin lâche : « Pendant ma déposition, j’ai mentionné des noms des leaders de la galaxie patriotique ». Mc Donald souhaite présenter la liste à Sam Jichi pour, une fois de plus, lui « rafraîchir » la mémoire.

La Défense de Laurent Gbagbo s’y oppose. Me O’Shea estime que soumettre la liste au témoin serait une façon de lui demander de confirmer les noms qui y figurent. Sur invitation du juge-président Cuno Tarfusser, Eric Mc Donald questionne le témoin sur les circonstances dans lesquelles la liste des membres de la galaxie patriotique a été dressée. Sam Jichi indique avoir établi sa liste à Abidjan, entre deux entretiens avec les enquêteurs. « Qui a écrit la liste ?», veut savoir Mc Donald. « J’ai demandé à un ami de l’écrire », rétorque le patron de la Nacip.

Eric Mc Donald demande s’il est possible d’avoir le nom de cet « ami », en audience publique ou dans un huis clos partiel. Sam Jichi ne voit pas l’intérêt de balancer son ami. Il s’emporte : « Mais à quoi ça va servir puisqu’il ne savait même pas de quoi il s’agissait ». La séance est suspendue sans que le témoin de l’Accusation ne dise le nom de cet « ami » qui l’a aidé à confectionner la liste des leaders de la galaxie patriotique.

Slogans de campagne

Plus tôt, Eric Mc Donald cuisinait le témoin sur les deux slogans de l’ex Majorité présidentielle : « on gagne ou on gagne » et « y a rien en face, c’est maïs ! ». « On gagne ou on gagne n’est pas un slogan violent », avançait Sam Jichi. « Avec Gbagbo, on gagne ou on gagne, ça ne veut pas dire qu’on doit forcément rester, ou on doit forcément gagner. Ça se fait partout dans le monde. On choisit des slogans de campagne », a étayé le témoin.

Mc Donald a voulu comprendre pourquoi Sam Jichi prenait la peine de préciser qu’il ne s’agissait pas de slogans « violents ». « Je voulais attirer votre attention en disant que ce ne sont pas des mots pour inciter à la violence parce que nous sommes ici pour des raisons de violence », s’est défendu Sam Jichi. Le substitut du procureur a demandé au témoin s’il se souvenait avoir été questionné, du temps des enquêtes, sur le slogan « on gagne ou gagne ». « Vous savez les auditions ont commencé depuis le 4 octobre 2011. Tout le temps, il y avait des auditions. Ça a duré quatre ans. Je ne peux pas me souvenir de tout. Si vous voulez m’aider pour qu’on puisse avancer, il n’y a pas de problème », réagissait Sam Jichi.

Le juge-président a finalement interpellé le substitut du procureur : « Les choses deviennent confuses. Je ne souhaite pas que les choses soient confuses. Je vous demande de passer à autre chose. Laissez le slogan ”on gagne ou on gagne”. Poursuivez avec un autre thème jusqu’à ce que nous ayons rendu notre décision ». Ce mardi, la décision du juge-président Cuno Tarfusser est attendue.

Kisselminan COULIBALY

L’inter

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