Suite et fin de l’interrogatoire de Monsieur Saydou Zouon ce jeudi 1er décembre à la Cour pénale internationale (CPI). Les questions de la défense de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont principalement porté sur des incidents survenus dans le quartier où habitait le témoin en 2010/2011.
Par Camille Dubruelh
C’est à Yopougon Koweit que Saydou Zouon a vécu la crise postélectorale. Arrivé dans le quartier fin 2009, le jeune homme y résidait à l’époque avec sa mère, ses frères et ses sœurs. Questionné par les équipes de défense de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, le témoin est revenu sur plusieurs faits qu’il avait décrits aux enquêteurs du bureau de la procureure en 2012. Ainsi, il a évoqué l’installation de barrages par des « jeunes patriotes » au niveau d’un carrefour de son quartier, juste après les élections. Selon ses dires, l’objectif était de contrôler « qui est étranger, qui est Dioula ».
Pour sa part, le témoin s’en tenait à distance. Il assure que les gens du quartier ne le« connaissaient pas » et ne savaient pas qu’il était de l’ethnie Dioula. « Vous avez simplement vu des jeunes rassemblés avec des tables au carrefour ? » a voulu savoir l’avocat de Laurent Gbagbo, sans obtenir de réponse exacte à sa question. Dans un second temps, à l’aide de croquis et de cartes, le témoin a été prié par l’équipe de Charles Blé Goudé de placer les différents lieux évoqués. Un exercice périlleux, qui a presque fait perdre patience au président de la Chambre. « Je ne vois pas où vous voulez en venir », a fini par dire le juge Cuno Tarfusser à l’avocat de l’accusé.
Check point et « article 125 »
Il a également été question d’un incident, survenu à ce même carrefour. Saydou Zouon a raconté avoir été témoin de l’arrestation d’un homme. Selon ses dires, après avoir contrôlé son identité, les jeunes auraient crié « Burkina, Burkina ! ». Ils l’auraient ensuite battu avant de l’asperger d’essence. « Ils voulaient le brûler. Je suis reparti à la maison, je ne pouvais pas supporter ça », a assuré le témoin. Selon ses dires, c’est cet événement qui l’aurait poussé à quitter pour un temps le quartier et à s’installer à Abobo. Revenant sur ce récit, la défense a relu au jeune homme sa déposition antérieure, dans laquelle il était question d’un « Malien ». « Je n’ai pas parlé de Malien, ils ont parlé de Burkinabé », s’est-il défendu.
Incohérences dans le récit du témoin
Tout au long de la journée, la défense a cherché à démêler ce qu’avait vu le témoin de ce qu’il avait entendu, non sans difficultés. En effet, témoin répondait souvent à côté des questions, et ce malgré les rappels à l’ordre du juge président. Ainsi, l’équipe de Laurent Gbagbo a voulu savoir pourquoi le témoin affirmait que les jeunes avaient de l’essence, sachant qu’à plusieurs reprises, il avait expliqué qu’il ne pouvait les entendre de là où il se trouvait. Incompréhension ou mauvaise foi, en tout état de cause, l’avocat n’a pas obtenu de réponse à cette question. Le témoin s’est contenté d’expliquer qu’il s’agissait de « l’article 125 », 100 FCFA pour l’essence, 25 pour la boîte d’allumettes.
En fin de journée, la défense s’est une nouvelle fois penchée sur la marche du 16 décembre 2010, lors de laquelle le témoin a été blessé. Mais là encore, il a été difficile pour le jeune homme de retracer son itinéraire sur une carte. Ainsi, l’équipe de Charles Blé Goudé n’a pas manqué de relever des incohérences dans son récit. « Avez-vous appris que des que des FDS ont été tués ce jour-là ? » a finalement demandé l’avocat. « Oui », a répondu Saydou Zouon.
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Ivoire Justice