Élisabeth Borne est apparue tout en sobriété lors de sa prise de parole dans la matinée. Elle a présenté sa feuille de route de manière assez technique, avec un déroulé de mesures et un calendrier, en rappelant chaque fois que c’était possible qu’il s’agissait de tenir les engagements du président de la République, avec la volonté « d’accélérer » leur mise en œuvre, de répondre aux attentes des Français et d’apporter des solutions concrètes sur les problèmes du quotidien.
Cela a donné pour résultat une intervention assez plate sur la forme. Mais c’était certainement l’objectif recherché par une Première ministre qui sait que son avenir à Matignon est entre les mains du président de la République.
Priorité au travail
La cheffe du gouvernement a présenté les quatre piliers de son action pour les prochains mois, les fameux 100 jours annoncés par Emmanuel Macron qui a fixé la date de l’évaluation de cette politique au 14 juillet. Le premier pilier, c’est sans surprise le travail. Élisabeth Borne présentera un projet de loi sur cette question début juin. Après la réforme des retraites, c’est un axe prioritaire pour le gouvernement qui veut réengager sur ces questions le dialogue avec les syndicats. La Première ministre a manifesté le désir de construire avec eux, d’ici au 14 juillet, un agenda social pour un nouveau pacte de la vie au travail, qu’Emmanuel Macron avait évoqué lors de son allocution télévisée.
Élisabeth Borne a aussi insisté sur la question du pouvoir d’achat, très importante pour les Français. Elle a annoncé notamment le maintien des boucliers tarifaires sur les prix de l’énergie dans les prochains mois et a pointé la question de la nécessaire revalorisation des salaires, en demandant notamment des négociations de branches sur les grilles salariales. La Première ministre a aussi confirmé que l’accord trouvé par les partenaires sociaux sur le partage de la valeur dans les entreprises serait transposé dans la loi.
Sur le deuxième pilier, celui de la transition écologique, Élisabeth Borne a annoncé le lancement d’une offre de location de véhicules propres à des prix « accessibles » dès l’automne, des mesures en matière de transports ferroviaires et un plan d’action dans le secteur aérien, qui sera présenté en juin au salon du Bourget.
Le troisième pilier, ce sont les services publics avec la question de l’accès aux soins et des déserts médicaux. Le Parlement débattra en juin d’une proposition de loi « pour garantir un accès aux soins à chacun ». Et d’ici fin 2024, 6 000 assistants médicaux seront recrutés.
Concernant l’éducation, la Première ministre a annoncé que les remplacements des professeurs absents pour de courtes durées seraient effectués au sein des établissements scolaires dès la prochaine rentrée. Une réponse à une forte préoccupation des parents d’élèves.
La loi immigration reportée
Et c’est dans le cadre du quatrième pilier, la justice et l’ordre républicain, qu’Élisabeth Borne a abordé le sort du projet de loi sur l’immigration pour annoncer qu’il était reporté. La cheffe du gouvernement a fait le constat de son incapacité à trouver pour le moment une majorité pour faire passer ce texte sensible qui comporte deux volets : l’un plus sécuritaire, sur le contrôle des flux de clandestins, et l’autre plus humanitaire, sur la régularisation dans les secteurs sous tension.
L’hypothèse de saucissonner ce projet en plusieurs textes pour essayer de chercher des compromis avec la droite et la gauche avait été émise, avant qu’Emmanuel Macron ne réaffirme sa volonté qu’il soit examiné en conservant les deux volets.
Élisabeth Borne fait par ailleurs un autre constat politique qui justifie ce report. Après la crise provoquée par la réforme des retraites, elle estime que ce n’est pas le moment de lancer un débat qui pourrait diviser.
Trouver des majorités
La Première ministre est aussi revenue un peu en arrière par rapport à sa précédente déclaration concernant son refus d’utiliser désormais l’article 49.3 de la Constitution, hors textes budgétaires. Il ne s’agit plus, à l’entendre aujourd’hui, d’un engagement mais simplement d’un objectif.
La cheffe du gouvernement a néanmoins essayé de faire preuve d’optimisme en affirmant qu’elle était « confiante » sur sa capacité à trouver des majorités « sans regarder nécessairement toujours du même côté », pour tenter de sortir du tête-à-tête avec les Républicains. Mais à ce stade, cela relève encore du vœu pieux.
Élisabeth Borne a présenté une feuille de route sous contraintes. Celles des objectifs et du délai fixés par Emmanuel Macron et celles d’une situation politique qui ne lui offre aucune garantie de pouvoir trouver des majorités texte par texte. Avec une question : pourra-t-elle dans ces conditions rester à Matignon au-delà du 14 juillet ?