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Haut-Karabakh : les clés pour comprendre le blocus azerbaïdjanais

Des Azerbaïdjanais, prétendant être des militants écologistes, bloquent depuis lundi la seule route qui relie l’enclave du Haut-Karabakh au reste de l’Arménie. Les habitants, qui ont été privés de gaz pendant plusieurs jours, dénoncent un blocus. Le point sur ce que l’on sait de la situation.

C’est un blocus qui entre dans son sixième jour. Le corridor de Latchine, une route vitale entre l’enclave séparatiste du Haut-Karabakh et l’Arménie, est bloqué depuis le 12 décembre au matin par des Azerbaïdjanais. Officiellement, ces manifestants protesteraient contre “l’exploitation illégale” de minerais dans la région qui, selon eux, ont des conséquences écologiques néfastes. Deux ans après une guerre meurtrière, voici ce que l’on sait de ce regain de tension entre les deux pays voisins.

Quelle est la situation humanitaire sur place ?
Depuis lundi, impossible pour les 120 000 Arméniens résidant dans le Haut-Karabakh d’emprunter l’unique route permettant de quitter l’enclave. Concrètement, un rationnement en gaz au “goutte-à-goutte”, et en nourriture, a été mis en place pour les jours suivants par les autorités dans la capitale Stepanakert, “puisque personne ne sait quand cette situation prendra fin”

Dans les établissements de santé, la situation est très critique, selon la chercheuse. “Les hôpitaux, notamment ceux qui accueillent des patients en état critique, sont dans une situation très difficile”, a-t-elle précisé. “Ces patients risquent de mourir, faute de pouvoir être transportés vers [la capitale arménienne] Erevan rapidement.” De nombreuses écoles ont également été fermées. Après avoir été coupé trois jours, l’approvisionnement en gaz a été rétabli vendredi matin, a annoncé le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, cité par le média Nouvelles d’Arménie Magazine.

L’administratrice de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), Samantha Power, a appelé l’Azerbaïdjan à rouvrir le corridor de Lachine “immédiatement”, considéré comme une “voie essentielle pour l’acheminement des vivres et des fournitures médicales indispensables”.
La circulation des biens et des marchandises étant rendue impossible, le Parlement arménien a voté, mercredi 14 décembre, une résolution accusant l’Azerbaïdjan de “couper le Haut-Karabakh du reste du monde”.

Qui sont ces militants “écologistes” ?
Sur les photos diffusées sur les réseaux sociaux, des dizaines de personnes brandissent des pancartes aux messages écologistes, ainsi que le drapeau de l’Azerbaïdjan. Officiellement, ces manifestants sont venus protester contre des activités minières illégales et se relaient chaque jour pour bloquer le corridor de Latchine. Du côté de Bakou, les responsables politiques parlent de manifestations “spontanées”. Un conseiller du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, Hikmet Hajiïev, a ainsi évoqué des “représentants de la société civile” qui “tentent de stopper le transport illégal de ressources naturelles”.

La sincérité de l’engagement écologiste de ces manifestants est cependant remis en cause par de nombreux experts.

“On a du mal à croire que des défenseurs de l’environnement soient obligés de bloquer un corridor humanitaire (…) afin de parvenir à solutionner des problèmes sur des mines qui se trouvent à plusieurs dizaines de kilomètres de là où, eux-mêmes, ont planté leurs tentes”, avance la chercheuse Taline Papazian.

Un rapport, publié par la défenseuse des droits de l’Homme d’Arménie, Kristinne Grigoryan, le 16 décembre, présente des preuves confirmant la nature falsifiée des “écologistes” azerbaïdjanais et le lien direct des “militants” avec le gouvernement et les services spéciaux azerbaïdjanais.

“Nous avons recueilli des informations indéniables sur le caractère factice de cet événement et montré qu’il est clairement organisé et orchestré par le gouvernement azerbaïdjanais”, a expliqué Kristinne Grigoryan au site d’information en ligne EVN Report.

Quel impact ce blocus pourrait-il avoir ?
Une crise humanitaire prolongée pourrait déclencher un exode des Arméniens habitant au Haut-Karabakh. Il s’agit même d’une stratégie délibérée des autorités azerbaïdjanaises, selon Claire Mouradian, historienne spécialiste de l’Arménie au CNRS. L’Azerbaïdjan “fait des coups de pression pour encercler la région et essayer d’éliminer la présence arménienne au Haut-Karabakh (…) afin de terroriser les habitants et de les faire fuir”.

Le blocus pourrait aussi avoir un impact sur les forces d’interposition russes chargées du maintien de la paix sur cette route stratégique. L’Azerbaïdjan, qui nie toute responsabilité dans ce blocus, a ouvertement accusé les troupes russes d’être responsable de ces blocages.

Taline Papazian parle de “bras de fer” entre l’Azerbaïdjan et la Russie sur le territoire : “Comme la Russie est affaiblie sur le front ukrainien, l’Azerbaïdjan tente de mettre la pression sur les forces d’interposition russe”, analyse la chercheuse. Une brusque flambée de tension qui pourrait au final relancer les hostilités. En septembre dernier, des combats à la frontière directe entre l’Arménie et l’Azerbaijian, et non pas dans le Haut-Karabakh, avaient fait près de 300 morts et suscité la crainte d’une nouvelle guerre d’ampleur.

 

 

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