Les jours passent et se ressemblent pour les populations vivant à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Cette ville, autrefois paisible et l’une des plus festives d’Afrique, sombre désormais dans un climat d’insécurité sans précédent.
Dans notre publication en date du 16 Octobre dernier, nous attirions l’attention sur le vent de mécontentement qui s’était emparé des unités de la police nationale ivoirienne du fait des méthodes jugées inefficaces du directeur Youssouf Kouyaté.
Moins de 10 jours après cette publication, et les nombreux appels menaçants reçus à notre Rédaction émanant de proches de M. Kouyaté, les faits semblent nous donner raison. De source crédible et proche de la présidence ivoirienne, on apprend que le Chef suprême des armées, le président Alassane Ouattara, est ulcéré par les nombreux événements de ces derniers jours, et demande désormais la tête du directeur de la police nationale.
Youssouf Kouyaté, entre enfumage et échec
Depuis la publication de notre enquête, le directeur de la police, Youssou Kouyaté a multiplié les sorties médiatiques pour tenter de convaincre l’opinion et les autorités ivoiriennes sur l’efficacité de sa stratégie de lutte contre la criminalité et l’insécurité à Abidjan mais, la mayonnaise n’a jamais pris. Très vite, celui qui aime se faire appeler, le bâtisseur, aura déchanté, puisque les braquages et agressions ont repris de plus belle. Toutes ses actions concourent à révéler malheureusement les carences de la politique sécuritaire du gouvernement ivoirien. Et pourtant, jamais la police et le ministère de l’intérieur et de la sécurité publique n’ont eu autant d’équipements dans l’histoire de la Côte d’Ivoire.
Attaques et braquages au menu de la semaine
Depuis le début de cette semaine, les populations d’Abidjan vivent dans la psychose permanente.
– Lundi 23 Octobre, attaque d’un fourgon de la Sotra à Port Bouet. Plusieurs dizaines de millions de francs CFA emportés par les malfrats. Au cours de cette même journée des individus armés de pistolets automatiques ont tenté d’attaquer le commissariat du 3è arrondissement d’Adjamé. On pensait que c’était fini, mais dans la nuit du 23 Octobre aux environs de 23h, 2 malfrats armés de pistolets ont attaqué la clinique Lymania à Abobo N’Dotré, 300.000 FCFA ont été emportés et une femme violée.
– Mardi 24 Octobre, braquage spectaculaire devant une agence de la NSIA banque, à Marcory. Deux opérateurs économiques venant déposer de l’argent lorsqu’ils ont été encerclés par deux hommes armés à leur arrivée. Les bandits sont repartis avec 15 millions de Francs CFA.
– Mercredi 25 Octobre, braquage au Centre commercial Carrefour de Marcory, plus de 7.000.000CFA emportés par les malfrats….Peut-on continuer à dire que la ville d’Abidjan est sécurisée?
Une dizaine d’unités équipées et entraînées en manque total d’efficacité
Le directeur de la police ivoirienne dispose à ce jour d’une dizaine d’unités avec des équipements de dernière génération et pourtant les résultats peinent à se faire sentir sur le terrain et les hommes ne se reconnaissent plus en leur chef. Au cours de notre enquête nous avons essayé de recenser ces unités qui sont sous la responsabilité de Youssouf Kouyaté: Brigade antiterroriste (BAT) – La Force de recherche et d’assistance de police (FRAP) – Brigade anti-émeute (BAE) – Direction de la police criminelle (DPC) – Direction d’identification des traces technologiques (DITT) – Direction de la police qui lutte contre les stupéfiants ( DPSD) – 4 Compagnies républicaines de sécurité (CRS1, CRS2, CRS3, CRS4) – La préfecture de police – District de Police, Unité de régulation de la circulation, URC ( qui restent désormais un peu plus tard pour réguler la circulation, curieusement depuis notre précédente publication) – Brigade de surveillance des personnalités (BSP) -sans oublier le Centre de coordination des décisions opérationnelles de Côte d’Ivoire (CCDO) pour ne citer que celles là. Mais malgré tout ça, les populations vivent constamment dans l’angoisse et la peur.
Les confidences surréalistes d’un officier de haut rang
S’il est vrai que le personnel policier est prié de rester loin des micros conformément au code de déontologie, à Abidjan, au sein de la police, les langues commencent à se délier. Le fait rare que nous a confié notre interlocuteur qui requiert l’anonymat est assez déconcertant: “messieurs prenons l’exemple de la gestion de la sécurité du domicile privé du président Alassane Ouattara. Il est connu de tous que le PR dispose d’éléments de la garde républicaine pour son domicile mais aussi et surtout, du GSPR ( Groupement de sécurité du président de la république). Mais pour plaire à l’autorité, notre DGPN demande que nous envoyons deux cargos de CRS ( 18 hommes par cargo) et qu’ils se mettent d’une part entre le Golf Hotel et le domicile du PR, et d’autre part au niveau de la sortie du 3è pont. Vous imaginez ce que peuvent faire ces 36 éléments en cas d’attaque de commissariat ou de vols et braquages ? Ce n’est pas l’homme que nous combattons mais la méthode, qui aujourd’hui est incontestablement un échec”, a lâché vigoureusement cet officier de haut rang. À cela s’ajoutent les rafles incessantes de ces dernières semaines pour les contrôles de pièces d’identité que les policiers eux-mêmes ne comprennent pas. Puisqu’il est connu de tous les ivoiriens que l’office national d’identification (ONI) est confronté à des soucis techniques et ne délivrent plus les cartes d’identités nationales. Malaise !
Le président Alassane Ouattara réclame la “tête de Kouyaté”
Face à ce constat d’échec cuisant, et à moins de six semaines de la tenue à Abidjan du 5e sommet UE-Afrique qui réunira plus de 60 dirigeants africains et européens, les 29 et 30 novembre 2017, le président ivoirien veut aller vite et surtout en finir avec la recrudescence de la criminalité et de l’insécurité galopante. Alassane Ouattara ulcéré par les derniers braquages aurait sondé ces derniers jours le ministre de l’intérieur et de la sécurité publique pour le changement du patron des policiers ivoiriens dans les meilleurs délais. Mais la vérité c’est que le ministre Sidiki Diakité et le directeur de la police sont tous deux originaires de Odienné ( ville du nord-ouest de la Côte d’Ivoire) et sont donc très liés; tellement liés que le DGPN passerait la majeure partie de son temps non pas auprès de ses hommes mais plutôt au ministère de l’intérieur et de la sécurité.
Le commissaire divisionnaire-major Youssou Kouyaté, alias le bâtisseur, survivra-t-il à la colère du président ivoirien ?
Le mystère reste entier !