J’ai commencé comme journaliste à Radio Côte d’Ivoire avec 78.000FCFA et fini avec un salaire de 130.000FCFA
Ivoirien d’origine congolaise, Thomas Makaya, près de la soixantaine, a exercé comme journaliste pendant une trentaine d’année à Radio Côte d’Ivoire, Nostalgie, Onuci-Fm en passant et aussi à la Mairie de Cocody comme resposanble de la communication avec Mel EG Théodore. A côté de ce parcours professionnel, il a mené d’autres activités annexes, liées au show-business. Depuis bientôt un an et quatre mois, Thomas Makaya a pris sa retraite anticipée. Dans cette interview, « monsieur Bonjour », qui s’essaie à la littérature, parle de son premier livre intitulé « Un Bonjour de Légende ». Il prépare « African People Magazine » un projet d’une émission télé talk show truffé de plusieurs rubriques thématiques consacrées à l’actu et aux faits de société. Malgré son âge, l’ex-vedette du ‘’journal-parlé’’ de Radio Côte d’Ivoire a conçu en compagnie de l’agence Compétences « Bodiel Cyber Champion », un jeu interactif sur le bon usage de l’internet et la sensibilisation contre la cyber criminalité. Un jeu panafricain dont le lancement se fera à partir de la Côte d’Ivoire le 31 octobre 2014.
Comment s’est passé votre intégration à la Radio nationale ? Et comment avez-vous été adopté par le peuple ivoirien ?
Je suis arrivé en Côte d’Ivoire en 1981 nanti de mon Baccalauréat et de mon diplôme de journaliste issu de l’Institut de technologie dans les métiers de la communication de Bordeaux. Je n’ai pas travaillé tout de suite à la radio. Il a fallu que je fasse autres choses. Je me suis exercé dans le domaine de l’animation. Je fus Disc Jockey, les gens ne le savent peut-être pas, au Colombo, l’ancien Bleue Note. J’ai été animateur culturel grâce à Mel Théodore qui m’avait ouvert ses portes. A l’époque, il était le Maire Adjoint de Cocody, avant que je ne le retrouve comme Maire à part entière quelques années plus tard. Donc, fort de cela, je suis tombé sur des gens qui m’ont adopté tout de suite. Des gens qui m’ont aimé et qui ont voulu intervenir en ma faveur. J’ai pu animer grâce à Mel Théodore une émission de vacances qui s’appelait Hakili (connaissance ou savoir en langue malinké), un peu l’ancêtre de génie en herbe. J’ai présenté cette émission à la télévision en 1982 à un moment où on n’accordait pas la possibilité à un collaborateur extérieur de produire des émissions en direct. Mais, j’ai pu le faire grâce à Monsieur Ben Soumahoro et d’autres dirigeants de la télévision de l’époque avec le parrainage de Mel Théodore qui était maire Adjoint de Cocody. Hakili était une activité de vacances instruite par la Mairie de Cocody. Et c’est à partir de là, que j’ai été remarqué. Le ministre de l’information de cette époque Amadou Thiam, m’a appelé, nous avons échangé. Il m’a dit qu’il y avait des opportunités à saisir pour moi. Il m’a dit que j’avais une certaine expertise qu’il fallait mettre à contribution au niveau de la radio ou de la télé. J’ai choisi la radio dans un premier temps et c’est de là-bas que j’ai pu évoluer d’ailleurs. C’est la confiance et le travail bien fait qui m’ont valu cette ouverture des portes.
Vous avez marqué l’auditoire de Radio Côte d’Ivoire avec ce fameux « Bonjour ». Comment cela vous est-il venu à l’idée ?
C’est une très bonne question. Il faut dire que « Bonjour » est ma marque de fabrique, mais elle ne m’appartient pas totalement. Parce qu’ayant étudié et vécu en France pendant longtemps, j’ai été séduit par un bonjour fracassant d’un certain Yves Mourousi grand journaliste et star de la télévision française, disparu il y a quelques années. Et c’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai eu le beguin du journalisme. Il m’a marqué jusqu’à ce que je puisse exercer le même métier que le sien. Puisque j’ai aussi fait du journalisme. J’ai repris son bonjour, en le réadaptant à la sauce ivoirienne et j’avoue que ça m’a porté chance, bien qu’au départ, il y a eu des auditeurs qui avaient été surpris par cette manière un peu cavalière de les saluer. Mais par la suite, très vite, la chose s’est imposée et c’était devenu le signe distinctif, la référence « Makaya ». Et les auditeurs jusqu’aujourd’hui, se souviennent de mon passage à Radio Côte d’Ivoire, dès qu’on parle de moi. Et l’énonciation de « Bonjour » me fait rappeler les beaux souvenirs de Radio Côte d’Ivoire.
Après Radio Côte d’Ivoire, vous êtes reparti encore chez votre parrain Mel Théodore à l’Hôtel Communal ?
Mon cher Villard, onze ans venaient de s’écouler. J’avais commencé avec un salaire de soixante dix huit mille francs Cfa à radio Côte d’Ivoire. Je suis parti de la maison de la radio avec un salaire de cent trente mille francs. J’avais un statut de célibataire avec deux enfants. Et on me proposait davantage de l’autre côté. En plus avec des avantages sociaux et matériels. Vu cela, j’ai dû arrêter à radio Côte d’Ivoire. Je n’ai pas été chassé. Je n’ai pas eu de problème, bien au contraire, elle m’a ouvert les portes de la popularité. Donc je suis parti de moi-même pour des raisons pécuniaires. J’avais deux enfants. Il fallait que je m’en occupe et Mel Théodore voulait quelqu’un au niveau de la communication, et voulait amplifier la communication. Il s’est trouvé que j’étais cette personne idoine. J’y suis allé. J’ai travaillé pendant deux ans et demi. Vous étiez payé à cent trente mille francs Cfa, lorsque vous quittiez Radio Côte d’Ivoire.
Pour un journaliste de votre rang, est-ce que vous étiez payé en dessous de votre valeur quand on sait que cent trente mille francs, c’est le salaire d’un petit Disc Jockey ?
Allez poser la question aux responsables de l’époque. A dire vrai, j’avais un statut de collaborateur extérieur pendant les onze ans passés à Radio Côte d’ Ivoire.
Après l’aventure de Radio Côte d’Ivoire, comment êtes-vous arrivé à Radio Nostalgie ? Après la Mairie de Cocody, je suis revenu à mes premières amours à la Radio en l’occurrence Nostalgie. Hamed Bakayoko et Yves Zogbo m’ont appelé pour que je puisse produire des émissions susceptibles de de donner du poids à l’information sur cette chaine connue au départ comme étant une chaine de musique en particulier. J’ai donc déposé mes valises au plateau. J’ai créé le magazine Micro vision. J’ai réalisé des reportages, des interviews mémorables avec Bernard Tapie, avec l’équipe de TV5 Afrique qui était venue faire une émission spéciale de 24 heures sur la Côte d’Ivoire. J’ai réalisé une interview avec le patron de TV5 qui m’a valu même un voyage en France, invité par ce groupe de media international.
Pensez- vous avoir apporté une plus-value à Nostalgie ?
Je le pense, parce qu’à un moment donné, je me souviens qu’Hamed Bakayoko qui était le patron de cette Radio, m’a appelé pour m’en féliciter en me disant : « Thomas tu es un journaliste aguerri, continue dans ce sens et un jour ou l’autre, tu deviendras quelqu’un dans ce pays ». Je pense l’avoir fait, parce que j’ai encadré aussi un certain nombre de personnes qui exercent actuellement dans le journalisme. Valérie Boni qui est la correspondante de la BBC, Aby Diouf qui fut un moment collaboratrice à RFI, Christian De Medeiros qui est à Ivoire-fm. Autant de monde qui pourrait témoigner de ce que j’ai apporté comme résultats.
Si tel est que vous vous sentiez bien à Nostalgie, pourquoi l’avoir quittée pour Onuci Fm ?
Je suis parti de Nostalgie parce qu’à un moment donné, vous vous rappelez, il y a eu le fameux coup d’Etat de Robert Guei dont les conséquences ont touché la radio. On avait tout détruit là-bas, à telle enseigne que la Direction de cette Radio a jugé bon de nous mettre en chômage. On avait en fait une alternative : Etre en chômage et ne pas être payé ou alors accepter de partir de soi-même en bénéficiant des droits de départ. Ayant des enfants et des besoins j’ai préféré démissionner pour avoir droit à ce qui devrait m’être reversé. Malheureusement, je n’ai pas eu à travailler aussitôt. J’ai chômé et galéré pendant un bon moment.
Votre départ n’est-il pas dû au fait que vous aviez offert le plateau de Nostalgie à des putschistes ?
C’est la première fois qu’on me pose cette question. Mon départ n’était pas le résultat d’une quelconque sanction en rapport avec ce coup de force. Animé par la conscience professionnelle, il est vrai que j’ai pour soucis de donner le micro à tout le monde mais Personne ne vient me payer pour se faire entendre ou pour ne pas que je prenne quelqu’un d’autre que j’aurais souhaité interviewer.
Etiez-vous présent à l’antenne lorsque les putschistes sont venus annoncer le coup d’Etat ?
J’ai eu de la chance de ne pas y être. Je ne me trouvais même pas à Abidjan. Ce n’est pas par rapport à Makaya que des gens sont allés casser la radio. C’est le lendemain que nous l’avons appris. D’ailleurs nous ne sommes repartis au travail que le sur lendemain. Ce n’était pas un coup, dirigé contre la personne de Makaya. Je n’étais pas le patron de cette Entreprise. Je n’étais que le rédacteur en chef. J’ai ouvert mon micro à toutes les entités de la société. Pour la première fois grâce à moi, on a parlé de prostitution, on a parlé d’homo sexualité sur cette chaine. Donc ma foi, je faisais mon travail avec conviction, avec toujours amour et passion.
Vous êtes arrivé à Onuci Fm et là encore, vous avez fait long feu. Pourquoi ? Qu’est-ce qui vous fait tant courir ?
D’abord, je suis un passionné de l’audiovisuel. C’est vrai qu’on m’a connu à la Radio, mais je cultive la même passion de travail avec la télévision. Quand je vais quelque part et que je fais mes preuves et qu’à un moment donné, j’ai le sentiment de tourner un tout petit peu en rond, parce que je me sens à l’étroit ou parce que les promesses ont été non tenues à mon égard, je m’arrête un moment, je réfléchis et s’il faut que je parte, je vais ailleurs pour faire autre chose. Je suis un homme qui a des besoins, qui a des ambitions comme tout le monde. A la différence que mon départ de l’Onuci n’est pas forcement dû à des raisons pécuniaires. Je suis parti de là-bas, pour des raisons personnelles. Du point de vue de la santé, il fallait que je prenne le temps de bien me traiter et puis je suis animé par d’autres ambitions en matière de communication. Comme vous le savez, un journaliste ne prend jamais de retraite parce qu’il y a l’écriture, la création et la production audiovisuelle. Il y a l’encadrement, la formation des jeunes brefs, il y a plein de choses à faire. C’est pourquoi, j’ai jugé bon qu’il était opportun pour moi d’arrêter en juin 2013 et de penser à autre chose.
Malgré votre départ d’Onuci Fm, vous continuez toujours d’avoir des démêlés avec les responsables de cette radio. De quoi s’agit-il ?
Je n’ai pas de démêlés avec les responsables de la radio, mais plutôt avec les finances d’Onuci Fm. C’est mon coup de gueule, parce que ce n’est pas normal et personne ne pourra me dire le contraire qu’un an et quatre mois après une démission qui s’est faite dans les normes, que je me retrouve sans avoir perçu encore la pension à laquelle j’ai droit. J’ai beau relancer les personnes chargées du dossier, on me dit que c’est New- York qui doit décider. C’est New-York qui détient les papiers de la pension et qui doit me payer.
Mais quand est-ce qu’ils vont le faire ?
Moi j’en souffre. Je suis un père de famille. J’ai des besoins pour la santé, pour l’éducation de mes enfants bref je ne ferai pas un récit ici.
Avez-vous pris un avocat dans ce sens pour poursuivre cette affaire?
Jusqu’à présent, je n’ai pas intenté une action judiciaire ou quoique ce soit d’autres. Je leur ai laissé le temps de réagir promptement. J’ai relancé le service du personnel qui m’a laissé entendre qu’il était impuissant pour pouvoir résoudre cette équation. Pourtant, J’ai bien fait partie du staff de cette radio et qui plus est j’ai contribué à son ascension. Je peux le dire Sur la route de la paix » l’émission phare évoque aussi des souvenirs, aussi bien à nos hommes politiques qu’à ceux qui dirigent cette station. Sur cette base, il faut qu’ils aient pitié de quelqu’un qui a travaillé pendant neuf années et qui a jugé bon de partir spontanément.
Aujourd’hui, l’Onuci à un nouveau responsable en la personne de madame Aïchatou Mindaoudou, l’avez-vous rencontrée ?
Je profite de l’opportunité que vous m’offrez pour lancer un appel solennel à la patronne de l’Onuci qui est arrivée après mon départ et que je n’ai pas eu la chance de connaître. Je lui demande de s’informer sur mon dossier. Qu’elle prenne le temps de s’informer sur ma personne et qu’elle sache, ce que j’ai apporté à cette radio. Qu’elle essaie aussi de comprendre les raisons pour lesquelles je ne suis pas encore rentré dans mes droits. Je l’interpelle vivement pour qu’elle puisse user de son autorité et de son pouvoir, afin que le cas Thomas Makaya puisse être réglé le plus vite possible. Je lui en serais très reconnaissant. Ma pension est une ponction prélevée mensuellement sur mon salaire constituant une épargne qui vous est renversée une fois que vous quittez la mission onusienne. C’est mon argent à moi que j’ai épargné dans la caisse commune de l’Onuci. J’espère qu’avec ce retard dans l’obtention de mon dû, il y aura au moins des intérêts qui vont s’ajouter.
Vous êtes en train d’écrire un livre. De quoi parle cet ouvrage ?
C’est un ouvrage auto biographique qui parle de ma formation en tant que journaliste. Il évoque un peu mon passé d’adolescent, de lycéen. Dans cette œuvre, j’évoque l’éclosion de ma passion pour le journalisme et l’amour que j’éprouve pour la radio. Je parle de mon parcours professionnel de Radio Côte d’Ivoire à Onuci Fm en passant par des souvenirs, des anecdotes, des faits inédits par rapport aux coulisses du micro. J’ai rencontré des gens. J’ai connu du monde. J’ai vécu une vie pleine et entière, consacrée à la radio. Et la radio me l’a bien rendu. Enfin, je prodigue des conseils à la jeune génération sur la façon de se cultiver, sur la façon de travailler et de donner le meilleur de soi-même, parce que j’ai le sentiment que certains jeunes se laissent aller hélas, dans ce que j’appelle la facilité. Il y a internet qui est là. On copie. On colle. On ne réfléchit plus. On ne crée plus. On plagie les autres. Non ce n’est pas cela le métier de journaliste. Le métier de journaliste, c’est quelque chose de noble, d’imaginatif, de créatif et de spontané qui doit venir de soi-même. Et c’est cela la force du métier qui m’a toujours animé, parce qu’il faut créer, il faut étonner, il faut surprendre mais en n’ayant pas la grosse tête. On ne devient pas star du jour au lendemain. Ça se travaille. On ne décrète pas qu’on est un grand journaliste, c’est le public qui vous le rend et qui dit à un moment donné : « voilà votre statut ». « Un Bonjour de Légende » est un bouquin assez intéressant à mon sens dont le manuscrit a été apprécié aussi à juste titre par mon éditeur qui n’est autre que Ernest de Saint Sauveur homme de lettres. On espère pouvoir être au salon du livre et que beaucoup de mes amis et de mes admirateurs puissent se le procurer.
Quel sens donnez-vous à votre livre « Un Bonjour de Légende » ?
Je fais référence à mon fameux bonjour. Je rends hommage au passage à Feu Yves Mourousi qui m’a inspiré de cette salutation et qui m’a permis d’être un peu célèbre. Je vous raconte une petite anecdote. Lorsque les policiers m’arrêtent parfois pour des contrôles de routine et qu’ils s’aperçoivent que c’est moi, Thomas Makaya pour me chahuter, ils me disent ceci : « dis-nous ton fameux bonjour ». Et lorsque je le dis, ils éclatent de rire.
Avez-vous un message à l’endroit des Ivoiriens qui vous ont adopté?
La Côte d’Ivoire est un beau et grand pays. Je m’y sens bien. Je n’ai pas reçu tout au long de ma carrière de sanctions professionnelles des menaces particulières, des mises en gardes d’où qu’elles viennent. J’ai exercé ce métier avec passion et conviction. Je remercie tous ceux qui m’ont adopté en l’occurrence Abraham Koné, Ally Coulibaly, Ouattara Gnonzié, Hamed Bakayoko et tous les autres que je n’ai pas pu citer. Mes trente années d’activités professionnelles en Côte d’Ivoire n’ont pas été une page blanche. Je n’ai pas de problème avec qui que ce soit et je n’en veux à personne. Beaucoup de bonjours agrémentés d’éloges et d’encouragements de la part des uns et des autres. Merci beaucoup et surtout ne manquez pas le livre évènement de l’année « Un Bonjour de Légende » signé Thomas Makaya qui paraitra à la mi-octobre 2014.
Réalisée par Dosso Villard