Chérif Ousmane et Losséni Fofana, deux anciens chefs rebelles membres du régime ivoirien font le buzz depuis mardi 7 juillet 2015. Leur chef suprême Alassane Ouattara en a voulu ainsi. Comme un bon prestidigitateur qui sait manier le bâton magique, faisant tantôt sortir de sa poche le petit pigeon blanc tantôt le petit lapin blanc, le tout sous les regards émerveillés de ceux qui l’ont longtemps adoubé et confirmé par un sinistre 11 avril 2011.
Assurément le chef de l’Etat ivoirien voudrait se payer la tête de la procureure de la Cour pénale internationale (Cpi) qu’il n’aurait pas agit autrement. Mme Fatou Bensouda ne perd rien pour attendre. Elle qui s’apprêtait à ce que le pouvoir ivoirien lui « facilite » la tâche dans leur collaboration gagnant-gagnant devra encore revoir ses projets à la saint glinglin. Ouattara fait faux bond. Trahissant le deal : ”Je garde Gbagbo et Blé Goudé mais à ton tour trouves des preuves pour que je les maintienne ici, c’est bon pour toi, c’est bon moi. Et surtout n’hésites pas à me balancer tes propres gars si l’ambiance se gâte”. Manque de pot pour la Gambienne ! C’est désormais l’Ivoirien Alassane Ouattara qui mène la cadence. Les tours il en a beaucoup dans son sac.
Face aux multiples pressions internationales et surtout venant des organisations de défense des droits de l’homme, le ”brave-tchè” du Rdr n’a trouvé d’autre parade que d’enjoindre le procureur militaire Ange Bernard Kessy Kouamé. Illico presto, il faut inculper quelques proches afin de leur éviter le tortueux chemin de La Haye. Trop grosse pour une ruse. Et pas malin pour un ancien DGA du Fmi, ancien fonctionnaire international, un technocrate perdu au milieu d’une piétaille sans avenir certain.
Mais Ouattara se veut intransigeant. Il avait déjà annoncée la couleur. Dans une sorte de baroud d’honneur d’une mère poule face à l’épervier, mi-avril 2015 au cours d’un meeting à Anyama banlieue nord d’Abidjan : « Nous allons continuer à juger ceux qui ont commis des crimes, personne n’ira à la CPI. Nous jugerons toutes les personnes ici en Côte d’Ivoire parce que nous en avons la capacité et (pour) montrer que nous sommes un pays moderne et un pays de droit (…) Tous ceux qui ont commis les atrocités seront jugés et continueront d’être jugés quelles que soient les opinions nationales et internationales (…) J’entends ici et là des bêtises de justice des vainqueurs, est-ce qu’on a besoin d’une justice des vaincus? Si c’était les autres, ils nous auraient tués tous (…) nous sommes un pays de droit ». Réagissait-il, devant des organisations (à lui) de victimes de la crise postélectorale triées sur le volet.
En un mot comme en mille, ce qui s’est passé au tribunal militaire, le mardi 7 juillet 2015, ne peut être que de la poudre aux yeux de ceux qui s’obstinent à voir ce qui se passe en Côte d’Ivoire au temps d’Alassane Ouattara. Un pays qui a vu passer au trépas 3000 de ses filles et fils dont 800 en seule journée, par la faute d’une ambition du pouvoir mal endiguée. Alassane Ouattara voudrait dire à quiconque voudrait l’entendre qu’il n’attend pas baisser la garde qu’il s’y prend bien. N’en déplaise aux dirigeants des Etats unis.
En effet, depuis un certain 17 janvier 2012 date de la visite de l’ancien Secrétaire d’Etat américain, la première d’une haute personnalité américaine depuis 25 ans. Ouattara avait pris des dispositions. Mme Hillary Clinton pouvait jurer la main sur le cœur qu’elle ne partira pas d’Abidjan sans avoir au préalable exprimé le vœu du président Barack Obama aux autorités ivoiriennes. Rien n’y fit. Et pourtant c’était le site internet du confrère parisien Jeune Afrique.com qui a levait le lièvre en révélant ce qui passait pour être un secret d’Alcôve. «Il a été fortement recommandé au chef de l’État ivoirien de former un gouvernement de réconciliation nationale avec, à la clé, le départ de l’actuel Premier ministre. Les États-Unis souhaitent que Guillaume Soro et tous les proches du pouvoir qui auraient pu commettre des crimes et exactions comparaissent devant la Cour pénale internationale, même en qualité de simples témoins. Ce message très clair a été passé au président ivoirien». Révèle Jeune Afriqie.com. Un gros pavé jeté dans le jardin secret du pouvoir ivoirien. Mais que reste-t-il de cette menace vieille de trois ans ?
Personne n’en sait rien sur la question pour l’instant. Tout ce que l’on sait en revanche, c’est que le tribunal militaire d’Abidjan joue bien sa partition. On est bel et bien dans un cas de justice aux ordres où tout autre qualificatif ne serait que brasser le vent. Le 17 mai 2015, le parquet du Tribunal militaire adressait, en effet, des convocations aux éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci). Ce sont le Colonel-major Doumbia Lacina, actuel patron des Forces spéciales et ancien Commandant du 1er bataillon d’infanterie d’Akouédo, le colonel Kokou Sako, officier de cavalerie, ancien commandant du Cciat (Centre de commandement d’Inter-armée tactique), le lieutenant-colonel Touré Hervé dit « Vétcho », le lieutenant-colonel Koné Zakaridja dit Koné Zacharia, le lieutenant-colonel Mourou Ouattara, le commandant Koné Seydou appelé aussi « Oustaze », le lieutenant Kpi Patrick et le lieutenant Duran dit « Ali ». Tous ne sont pas forcément des anciens rebelles car il y en a parmi eux des éléments des ex-Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire (Fds-CI). D’une pierre, Ouattara fait deux coups. Il introduit parmi les inculpés, expressément des anciens Fds dont un certain Guai Bi Poin ancien patron du Cecos et ancien patron de l’école de gendarmerie sous le régime Laurent Gbagbo, et le tour est joué. Ange Kessy le procureur militaire peut alors annoncer triomphateur: « On dit que nous pratiquons la justice des vainqueurs, mais cela n’est pas vrai… » Le procureur militaire vient de fait, d’auditionner ces têtes fortes tout en sauvant une situation qui devenait intenable.
Objectif, enlever tout prétexte juridique à la Cpi qui a compétence de suppléance ou de complémentarité lorsque l’Etat parti au Traité de Rome se trouve dans l’incapacité de juger ses propres affaires criminelles. Or la preuve serait faite que la Côte d’Ivoire a bel et bien organisés des procès. Peu en importe leur contenu et le qualificatif que leur accordent les organisations de défense des droits de l’homme. C’est du moins le message que tente d’envoyer le pouvoir d’Abidjan à ceux qui le harcèlent. Le cas Simone Gbagbo réclamée par la justice internationale et maintenue en Côte d’Ivoire où elle a été jugée et condamnée aux assises à 20 ans de prison dont 10 de privation de ses droits civiques, est là pour illustrer la roublardise du régime ivoirien. A quand la fin du poker menteur ? Repassez plus tard !
Simplice Allard