06032023Headline:

La Cour suprême américaine donne raison aux géants de la tech face à des victimes d’attentats

La décision avait le potentiel de changer la face d’internet, rapporte notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin. Sans doute un peu consciente de la révolution qu’elle aurait pu déclencher, la Cour suprême a préféré botter en touche. À l’unanimité, elle a rejeté les plaintes de deux familles de victimes d’attentats de l’organisation État islamique.

La première : les parents d’une jeune Américaine tuée dans les attentats de novembre 2015 à Paris. Ils ont porté plainte contre Google à qui ils reprochaient d’avoir soutenu la croissance du groupe terroriste en suggérant ses vidéos à certains usagers. L’autre concerne un attentat contre une discothèque d’Istanbul. Les proches d’une victime estimaient que Facebook, Twitter et Google pouvaient être considérés « complices » de l’attaque, car leurs efforts pour retirer les contenus du groupe État islamique n’avaient pas été suffisamment « vigoureux ».

« Le fait que des mauvais acteurs profitent de ces plateformes ne suffit pas à assurer que les accusés ont consciemment apporté une aide substantielle » aux jihadistes, écrit le juge Clarence Thomas dans l’arrêt unanime de la Cour. Il estime que « les allégations des plaignants sont insuffisantes pour établir que les accusés ont aidé l’EI à réaliser son attentat ».

« Un aspect central du droit de l’internet »
La retenue des juges a satisfait le secteur technologique et les défenseurs de la liberté d’expression. « La Cour a reconnu à juste titre la portée limitée de ces dossiers et a refusé de réécrire un aspect central du droit de l’internet, protégeant la liberté d’expression en ligne et une économie numérique fleurissante », a dit à l’AFP Matt Schruers, président de l’association professionnelle CCIA. « Grâce à cet arrêt, la liberté d’expression en ligne survit et va pouvoir affronter ses nouvelles batailles », a ajouté dans un communiqué Patrick Toomey, de la puissante organisation de défense des droits civiques ACLU.

Les professionnels de la tech se sont également réjouis de voir que la haute juridiction « décline » l’invitation à se pencher sur la « section 230 ». Cette loi, datant de 1996, confère une immunité judiciaire aux entreprises numériques pour les contenus mis en ligne sur leurs plateformes. Une immunité défendue corps et âmes par les grandes entreprises de la Silicon Valley qui estime que c’est leur statut d’hébergeurs – et non d’éditeurs – qui a permis l’essor d’internet.

Si la section 230 doit être modifiée, elle ne le sera pas par la Cour, mais devra l’être par la loi. Tout le monde la trouve inadaptée et la dénonce. Les démocrates estiment qu’elle permet la diffusion de fausses informations et les républicains, qu’elle exonère les plateformes de répondre de leurs choix de suppression de comptes et favorise, selon eux, la censure. C’est ce qui explique que personne n’a été capable de se mettre d’accord sur une réforme jusqu’à présent.

 

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