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La CPI expliquée /Crimes allégués de Gbagbo : qu’entend-on par « plan commun » ?

Depuis l’arrivée de Laurent Gbagbo à La Haye, la Cour pénale internationale (CPI) accuse l’ancien président de la Côte d’Ivoire d’avoir fomenté un « plan commun » pour s’accrocher au pouvoir. Pour la procureure Fatou Bensouda, les crimes commis par les forces pro-Gbagbo trouvent leur origine dans cet objectif de maintien au pouvoir à tout prix.

Dans la courte histoire du droit pénal international, le lien entre plan commun et crimes contre l’humanité a été plusieurs fois mis en avant. Les bases de la jurisprudence en la matière reposent en grande partie sur le Statut de Nuremberg, un document édicté lors du procès du même nom pour juger les criminels nazis à la sortie de la seconde guerre mondiale.

Un concept pénal historique…

Dans son article 6, le Statut de Nuremberg offre une définition de la responsabilité pénale en matière de plan commun : « Les dirigeants, organisateurs, instigateurs et les complices participant à la formulation ou à l’exécution d’un plan concerté ou complot en vue de commettre l’un des crimes ci-dessus sont responsables de tous les actes accomplis par toute personne dans l’exécution d’un tel plan ».

Cette base juridique, qui permettra aux juges du procès de Nuremberg de condamner les accusés en prenant en compte la notion de plan commun, met en lumière la responsabilité pénale des individus accusés d’avoir participé à un complot ayant pour objectif ou pour conséquence de cet objectif, la commission de crimes. En ce qui concerne l’affaire Gbagbo-Blé Goudé, ces crimes concernent le meurtre, la torture, le viol et d’autres actes de barbarie.

… mais sujet à controverse

Entre le procès de Nuremberg et le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, la notion de plan commun fut utilisée aussi bien pour juger les Khmers rouges au Cambodge que les instigateurs du génocide rwandais. Cependant, la jurisprudence en matière de plan commun montre à quel point ce concept est controversé.

Si l’on prend l’exemple des jugements à l’encontre de responsables Khmers rouges, certains d’entre eux ont été directement remis en cause par la Cour suprême du pays en raison du flou et des nuances qui entourent cette notion. C’est d’ailleurs le point de vue des équipes de défense de MM. Gbagbo et Blé Goudé pour qui la notion de plan commun n’a pas de fondement.

Le document contenant les charges contre Blé Goudé spécifie lui ce qu’entend l’accusation par « plan commun » : un plan afin de « maintenir Gbagbo à la présidence par tous les moyens, y compris par le recours à la force létale ». Il est aussi spécifié que ce plan « a évolué jusqu’à inclure (…) une politique d’État ou organisationnelle qui (…) avait pour but une attaque généralisée et systématique contre les civils considérés comme des partisans de leur opposant politique Alassane Ouattara ».

Pas plus tard qu’en mars 2017, la CPI a utilisé la notion de plan commun lors d’un jugement. Jean-Pierre Bemba, l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) déjà condamné à 18 ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre en 2016, a été condamné à un an de prison supplémentaire pour « atteinte à l’administration de la justice » dans le cadre d’une subornation de témoins lors de son premier procès.

Dans son jugement, la Cour a affirmé qu’un « plan commun », élaboré par l’accusé et son avocat, était bien à l’origine du délit. Reste à savoir si les juges du procès Gbagbo-Blé Goudé attesteront, eux, la thèse d’un plan commun à l’origine des crimes commis par les forces pro-Gbagbo.

 

Ivoire Justice

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