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La Grande enquête de Jeune Afrique/ Côte d’Ivoire: La vice-présidence, une coquille vide, Par Anna Sylvestre Treiner

Mi-janvier, Daniel Kablan Duncan quittait la primature pour la vice-présidence, un poste aux contours flous. A-t-il accepté, en fidèle compagnon d’Alassane Ouattara, une retraite dorée aux pouvoirs limités? Ou compte-t-il, en fin stratège, peser au sommet de l’État, voire en prendre un jour la tête?

L ’ aile est du palais présidentiel abidjanais est encore en chantier. À la hâte, il faut faire déménager certains collaborateurs, hisser des murs. Dans ces couloirs au cœur du pouvoir, tout est à remodeler. C ’est là, au premier étage et à seulement quelques mètres du bureau du président Alassane Dramane Ouattara (ADO) que doit s ’installer Daniel Kablan Duncan (DKD). Deux mois après sa nomination au poste de vice-président, rien n’est encore prêt… Mais lui est déjà au travail. « On squatte! » lance l’un de ses collaborateurs. Un autre s’excuse d’accueillir les visiteurs au milieu des cartons et des montagnes de dossiers. Depuis son départ de la primature, l’équipe qui entoure DKD est restreinte, mais ses fidèles, comme Théophile Ahoua N’Doli, son direc – teur de cabinet, ou Ephrem Enoh, l’indispensable secrétaire particulier, l’ont suivi dans cet inconnu qu’est la vice-présidence ivoirienne. « En attendant la fin des travaux, il a d’abord été envisagé qu’il reste dans ses bureaux à la primature et qu’Amadou Gon Coulibaly [le nouveau chef du gouvernement] patiente temporairement. Mais c’est l’inverse qui s’est produit: ce dernier s’est installé, et Duncan a dû bouger », raconte un proche du pouvoir. Pour l’instant, le deuxième homme de la Côte d’Ivoire se serre donc avec son équipe dans une annexe exiguë. « Il accepte toujours tout », soupire l’un de ses anciens ministres. MAZARIN. « Humble », « simple », « effacé »… DKD est décrit comme un homme discret qui fuit la lumière. « Il a passé sa vie dans l’ombre, et sans doute aime-t-il ça », raconte un homme du sérail. Insaisissable, ce Mazarin ivoirien n’aime pas beaucoup qu’on s’intéresse à lui. Pourtant, ce 16 janvier 2017, c’est bien en son honneur que le tapis rouge a été déroulé. Il est au centre des regards lorsque, la main levée, il prête serment. Devant les juges du Conseil constitutionnel, à 73 ans, il devient le premier vice-président de l’histoire du pays. Sous les lustres et les dorures, il remercie sa famille – presque une excentricité pour ce grand pudique –, la voix un peu tremblante. « Il était ému et un peu inquiet. C’est une charge importante », raconte l’un de ses amis, l’ancien ministre Ezan Akélé. Sa nomination était un secret de polichinelle. Au côté du président ADO, originaire du nord du pays et musulman, DKD, membre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), homme du Sud et chrétien, était le candidat parfait. « Lorsque je l’ai vu, il semblait ne pas en revenir. C’est une place qu’il ne convoitait pas. Il n’a jamais voulu le pouvoir pour le pouvoir », assure Ezan Akélé. Pourtant, à tout moment, « en cas de décès, de démission ou d’empêchement absolu du président », il est désormais susceptible de prendre sa place. VIDE. À une marche seulement du sommet de l’État… Mais sans véritable pouvoir. « C’est un poste vide, estime un politique. Il s’agit d’attendre que le président meure, c’est quelque peu morbide… » La nouvelle Constitution ivoirienne se contente d’indiquer que le « vice-président agit sur délégation du président de la République » et le « supplée lorsque celui-ci est hors du territoire national ». Une fonction inédite, qui tend à déboussoler. Ainsi, à la veille des commémorations de l’attentat de Grand-Bassam, alors qu’ADO s’est envolé pour Paris, nul ne sait qui présidera la cérémonie du lendemain. Ce sera DKD. Si l’heure est encore aux tâtonnements, le pouvoir promet que personne ne marchera sur les pieds du voisin. « C’est bien Amadou Gon Coulibaly qui gouverne, chacun a son couloir », confie-t-on en coulisses…

Lire la suite dans Jeune Afrique N0 2934 • DU 2 AU 8 AVRIL 2017

Une enquête exclusive de ANNA SYLVESTRE-TREINER, à Abidjan

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