À Berlin, Greenpeace organise toute la journée un rassemblement au centre ville. Au pied de la porte de Brandebourg, un dinosaure est sur le dos. Sur son ventre on peut lire « le nucléaire allemand terrassé le 15 avril 2023 ». Sur le bouclier de Saint-Georges dressé sur le monstre le fameux slogan « Atom Nein danke », « Nucléaire non merci ».
Greenpeace prévoit sur ce site symbolique différentes prises de parole notamment celle de l’écologiste Jürgen Trittin, ministre de l’Environnement à partir de 1998, et qui a négocié l’abandon du nucléaire. Ce samedi, la foule des grands soirs n’est pas au rendez-vous. Il est vrai que la messe est dite et que météo est grisâtre. Mais « on est content que ce soit fini, nous explique Paul-Marie Manière de Greenpeace Allemagne. Maintenant il faut pousser vers le 100% renouvelable ! En 2030, 80% c’est faisable et c’est important que l’Allemagne montre que c’est faisable, que c’est moins cher et que ça rend plus indépendant… »
Les inquiétudes des Allemands face à la crise énergétique font que beaucoup s’interrogent. Six personnes sur dix estiment qu’on aurait pu laisser les derniers réacteurs fonctionner un peu plus longtemps. D’ailleurs de l’autre côté de la porte de Brandebourg, des partisans du nucléaire, y compris venus d’autres pays européens, manifestent. Même si pour l’Allemagne la bataille semble belle et bien perdue, « pour moi, ce n’est pas la fin ! assure Andreas Fischner, membre de l’organisation Nuklearia. On est dans une crise énergétique énorme, en France, en Allemagne et la seule solution, c’est le nucléaire ! »
D’autres manifestations ont lieu ce samedi sur les sites des trois derniers réacteurs qui cesseront de fonctionner dans la journée. Les opposants aux nucléaires veulent sur place célébrer leur victoire.
Mobilisation à Lingen sur le site de Framatome
A Lingen, où se trouve l’une des centrales qui ferment, les opposants au nucléaire continuent leur combat cette fois contre l’usine ANF qui appartient au groupe français Framatome et qui produit des barres de combustibles pour les centrales. Les écologistes n’en veulent plus et ils dénoncent une coopération avec le Russe Rosatom : pour les anti-nucléaires, il est impensable de produire du combustible radioactif en Allemagne après la fermeture des dernières centrales. Le ministre de l’Environnement de Basse-Saxe où se trouve Lingen en appelle à son camarade de parti, le ministre fédéral de l’Economie Robert Habeck et demande que l’usine de Framatome soit fermée. Une décision qui déboucherait sans doute sur de longs démêlés juridiques et des indemnisations.
Les livraisons d’uranium russe à Lingen constituent une autre pomme de discorde comme le projet de Framatome en commun avec le Russe Rosatom de produire du combustible pour des centrales de modèle soviétique en Europe de l’Est. Le militant russe Vladimir Sliwyak, fondateur de l’ONG Ecodefense, qui a reçu le prix Nobel alternatif en 2021 et vit désormais en exil en Allemagne, enfonce le clou : « Toutes les livraisons d’uranium russe à Lingen doivent être arrêtées immédiatement car tout l’argent récupéré par Moscou sera utilisé pour la guerre contre l’Ukraine. J’espère que l’Allemagne prendra une telle décision ! »
Le ministre régional de l’Environnement, qui doit ou non autoriser ce projet, le rejette : « Il ne faut pas faire des affaires avec Poutine, cela vaut pour le nucléaire », estime Christian Meyer qui salue les récentes déclarations de Robert Habeck en faveur de sanctions européennes contre les livraisons d’uranium russe.