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Le Conseil d’État valide l’usage de drones par les forces de l’ordre

Face à la polémique autour de l’emploi des drones par les forces de l’ordre, le Conseil d’État a rendu sa décision. Le juge des référés de la plus haute juridiction administrative a validé, ce mercredi 24 mai 2023, l’usage de drones équipés de caméras par les forces de l’ordre, estimant dans son ordonnance qu’il « n’existe pas de doute sérieux sur la légalité » du décret publié en avril dernier permettant leur utilisation.

Le Conseil d’État avait été saisi d’un référé de l’Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) lui demandant de suspendre en urgence ce décret, en vertu duquel des préfets avaient notamment autorisé le survol des cortèges du 1er-Mai.

« Il n’existe pas de doute sérieux sur la légalité de ce décret, compte tenu des garanties que le cadre juridique défini par la loi et le décret offre quant au respect des exigences de protection de la vie privée et des données personnelles issues du droit français et européen », a tranché le Conseil d’État dans son ordonnance. C’est une « très bonne nouvelle pour la sécurité de nos concitoyens », a tweeté Gérald Darmanin. « Ces drones ont déjà prouvé leur utilité pour prévenir les troubles à l’ordre public », a ajouté le ministre de l’Intérieur.

Le juge des référés était appelé à se prononcer sur un décret du 19 avril permettant l’utilisation de ces petits aéronefs télécommandés. L’Adelico et les organisations intervenantes – la Ligue des droits de l’Homme, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, l’Union syndicale Solidaires et l’association La Quadrature du Net – avaient dénoncé lors d’une audience de près de trois heures au Conseil d’État un dispositif « excessif ».

Il rend possible selon elles une « surveillance » et une « collecte de données sensibles » de masse, et porte des « atteintes considérables » au droit au respect de la vie privée, au droit à la protection des données personnelles, à la liberté d’aller et de venir et à la liberté de manifestation.

Le juge des référés du Conseil d’État a rappelé que l’utilisation des drones « reste soumise au contrôle du juge administratif, qui peut être saisi y compris en urgence ». « La loi et le décret imposent l’information du public en cas d’emploi de tels dispositifs, ce qui inclut nécessairement celle des personnes susceptibles d’être filmées », a-t-il souligné.

Dans une interview accordée au « Point », publiée ce mercredi 24 mai, Amandine Vole, spécialiste du droit lié aux drones, donne des précisions sur la manière dont cet usage est encadré par l’État. L’experte rappelle qu’il y a eu la loi sécurité globale en 2021 qui, « en théorie, est venue encadrer cela. Mais cette utilisation de la loi sécurité globale a été censurée par le Conseil constitutionnel, notamment sur l’usage des drones, car imprécise ». Puis, la loi relative à la responsabilité pénale et la sécurité intérieure de 2022 « a repris des éléments et précisé un certain nombre de dispositions de la loi sécurité globale, notamment des finalités dans lesquelles les drones pourraient être utilisés par les services de l’État, lesquels et dans quelles conditions », indique Amandine Vole.

Dans ce contexte, « leur usage est aujourd’hui soumis à une autorisation préfectorale et les données sont conservées cinq jours, hors action en justice. En revanche, on peut très bien conserver la liste des personnes présentes si on arrive à les identifier. Ou un certain nombre de données personnelles sur les personnes qui étaient présentes », précise la spécialiste, auprès de nos confrères. Toutefois, « il est spécifiquement interdit d’utiliser des logiciels de reconnaissance faciale sur des images qui auraient été captées par drone ». Elle ajoute : « Je ne peux pas dire exactement à quel moment les forces de l’ordre peuvent utiliser des drones dans la mesure où les deux lois et le décret d’application lié sont très vagues sur les finalités. »

SÉCURITÉ DES RASSEMBLEMENTS, PRÉVENTION D’ACTES DE TERRORISME…
Tout en rejetant la demande de suspension en urgence, le Conseil d’État a rappelé qu’il se prononcerait « au fond » sur la légalité du décret « dans les prochains mois ». Le décret contesté est issu de la loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure. Votée il y a plus d’un an, elle avait réintroduit plusieurs mesures controversées de la loi Sécurité globale retoquées par le Conseil constitutionnel en 2021.

Le décret autorise les policiers, gendarmes, douaniers et militaires dans certains cas à utiliser les drones pour « la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés » ou pour « la sécurité des rassemblements » sur la voie publique. Les forces de l’ordre peuvent aussi employer ces petits aéronefs télécommandés pour « la prévention d’actes de terrorisme », « la régulation des flux de transport », « la surveillance des frontières en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier » et « le secours aux personnes ».

« Le Conseil d’État recadre en partie, mais il renvoie la balle aux tribunaux en considérant que les garanties existent (…). Si le cadre fixé ne tient pas le test du réel, il sera rapidement nécessaire de revenir à nouveau devant le Conseil d’État », a réagi Me Jean-Baptiste Soufron, pour l’Adelico.

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