06022023Headline:

L’impossible réintégration des escrimeurs russes et biélorusses en Europe

Dans la salle d’armes de l’INSEP, des escrimeuses arborent sur leurs masques le jaune et bleu des couleurs nationales. Jusqu’au 4 mai, l’équipe de fleuret dames d’Ukraine est invitée par la Fédération française d’escrime au centre de l’élite du sport à Paris.

« On sollicite d’autres pays pour nous accueillir, explique l’entraîneuse Olga Leleiko venue spécialement d’Ukraine pour ce stage dans lequel ses fleurettistes pourront notamment se mesurer à leurs homologues françaises. À Kiev, on peut encore s’entraîner, mais les conditions sont difficiles », indique-t-elle en russe, évoquant les sirènes anti-aériennes et les coupures d’électricité. « Depuis le début de la guerre, la moitié des filles sont parties à l’étranger », déplore-t-elle.

« Rester compétitive en Ukraine était devenu trop compliqué »
Si la numéro une nationale et médaillée de bronze en février au Grand Prix de Turin, Alina Poloziuk, présente à Paris s’entraîne toujours en Ukraine, Dariia Myroniuk -fleurettiste de 21 ans- a fait le choix des États-Unis. « J’ai candidaté à plusieurs bourses à l’étranger dès le début de la guerre, j’ai finalement été acceptée à l’Université Ohio State (Colombus) où je peux étudier et m’entraîner. Rester compétitive en Ukraine était devenu trop compliqué ».

En dépit des difficultés, l’Ukraine reste déterminée à envoyer son équipe de fleuret aux Jeux Olympiques dans moins d’un an et demi. Un scénario envisageable au vu de leur septième place au classement européen – seules les quatre premières équipes du continent obtiennent un ticket direct pour les Jeux -, mais sur la route de Paris 2024, les Ukrainiennes pourraient croiser les Russes ou les Biélorusses lors des épreuves qualificatives.

« Notre peuple meurt pour sa liberté, les soldats, les civils. D’un point de vue moral, il m’est impossible de les affronter, impossible de leur serrer la main », estime Olha Sopit 20 ans. L’un des espoirs du fleuret ukrainien s’entraîne et vit en France depuis six mois dans le club de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine) avec sa sœur, elle aussi, escrimeuse.

« Avant la guerre, poursuit-elle, j’avais des amies chez les sportives russes et biélorusses, mais quand tout a commencé, on a échangé, je leur demandais : qu’est-ce que vous venez faire en Ukraine, sur notre territoire ? Ils répondaient “c’est de la politique”, ça leur paraissait normal. On a donc cessé de leur parler, ils ne nous soutiennent pas », regrette-t-elle, précisant que son gouvernement lui interdit désormais de participer à toute compétition dans laquelle des escrimeurs russes ou biélorusses seraient engagés.

Dans leur combat, les Ukrainiens peuvent compter sur le soutien des fédérations européennes. Les premiers grands rendez-vous de la saison d’escrime en Pologne, en Allemagne ou en France ont été soit annulés, soit reportés. Après plusieurs semaines d’incertitude, les fleurettistes ukrainiennes participeront ce vendredi 5 mai à la Coupe du monde à Plovdiv (Bulgarie) après que les Russes et Biélorusses ont renoncé à s’inscrire.

Des critères de réintégration « excessifs et discriminatoires » selon la Russie
Contactée de Paris par RFI, la Fédération russe d’escrime se refuse à « tout commentaire ». Le comité olympique russe, sollicité également de Paris, n’a pas non plus donné suite à nos demandes d’interview. Dans un communiqué publié le 30 avril, l’instance juge cependant les critères de réintégration des athlètes « excessifs et discriminatoires ». Pour participer à des compétitions internationales, leurs sportifs doivent accepter de concourir à titre individuel, sous bannière neutre et ne pas être liés à des organes appartenant à l’armée ou d’autres forces de sécurité.

« Nous avons effectivement des sportifs qui ont des contrats avec des clubs de l’armée et qui paient leur salaire, concède le président de la Fédération biélorusse d’escrime Vitali Sokolovski. Mais je tiens à le préciser, ces gens-là n’ont jamais tenu une arme », affirme-t-il. « Nous ne faisons que du sport, poursuit-il, mélanger l’escrime avec la politique ou avec le militaire, c’est non seulement contraire à la charte olympique, mais aussi contraire au bon sens ».

À défaut de pouvoir concourir en Europe, les escrimeurs biélorusses participent depuis le début de la guerre à des compétitions en Russie. « On met tout en œuvre pour que cet isolement international n’affecte pas nos athlètes », précise Vitali Sokolovski toujours déterminé à envoyer ses escrimeurs aux Jeux Olympiques. « Est-ce qu’on nous donnera cette opportunité ? Voilà la principale question. »

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