Inquiétudes des journalistes en Inde alors que le pouvoir durcit son contrôle sur l’information. De nouvelles règles sur les technologies prévoient de lancer une cellule de vérification des articles et contenus qui concernent le gouvernement, dirigé par le Premier ministre Narendra Modi. Si l’intention affichée est de lutter contre les fake news, ces nouvelles lois provoquent beaucoup de craintes car ses termes sont vagues.
Ces nouvelles lois inquiètent car l’intention de lutter contre les fausses informations est définie dans des termes très vagues. Ce n’est pas toujours clair ce qu’est un vrai ou faux contenu, surtout quand on parle de politique. Certains articles peuvent relever de l’opinion et ne pas rentrer dans ces cases binaires. Il y aussi les contenus satiriques, qui sont souvent faux si on les interprète au premier degré mais indispensables dans une démocratie.
Le pouvoir précise qu’il s’agit de contrôler seulement les contenus qui le concernent et pas toute l’information. Mais même ce point demanderait à être précisé. Par extension, une grande partie de l’information politique est in fine liée au gouvernement en place. On ne sait rien de comment cette cellule de vérification des contenus fonctionnera ni de ses critères de décision.
Tout dépendra donc de l’appréciation de la loi. Et c’est là que le bât blesse, car le gouvernement Indien a un passif autoritaire en la matière. L’exemple a été donné en février, avec le raid fiscal contre la BBC qui avait publié un documentaire critique du Premier ministre Narendra Modi. Ou l’année dernière avec l’arrestation du directeur d’Alt News, un site qui faisait justement… de la surveillance des fake news. Les défenseurs de la liberté de l’information craignent donc que cette loi soit utilisée de manière biaisée et sélective pour censurer les critiques.
Des poursuites judiciaires prévues, pression sur les hébergeurs
L’encore c’est assez flou mais une chose est sûre : il y aura des poursuites judiciaires contre les auteurs jugés coupables de fausses informations contre le gouvernement. La loi prévoit aussi de mettre la pression sur les plateformes qui hébergent les contenus. Cela va accroître encore la pression du gouvernement sur les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, s’inquiète Prateek Waghre, de l’ONG Internet Freedom Foundation :
« En 2021, la loi a été modifiée pour exiger qu’un responsable des contenus des plateformes soit présent en Inde et puisse être poursuivi. En 2022, le gouvernement a demandé aux réseaux sociaux d’inciter activement leurs utilisateurs à ne pas poster de contenus qui lui déplaisent. Désormais il va falloir composer avec cette cellule de vérification de l’information. À chaque fois, le contrôle des plateformes par le gouvernement monte d’un cran. »
L’association des éditeurs Indiens a fait part de son inquiétude devant les perspectives ouvertes par ces lois. Le comédien Kunal Kama, connu pour son humour critique du gouvernement, a déposé une pétition pour la contester devant la Haute Cour de Bombay.