04192024Headline:

Lutte contre le Coronavirus en Côte d’Ivoire : voici l’intégralité du discours de Soro Guillaume

Adresse à la Nation de M. Guillaume Kigbafori SORO relative à la « crise du coronavirus »

Mes chers compatriotes,
C’est avec gravité que je m’adresse à vous ce jour !
L’humanité affronte un nouvel ennemi, il est invisible, rapide, déterminé et progresse inexorablement, malgré nos lignes de défense hermétiques. Frappant indistinctement les jeunes, les adultes et les seniors, il menace les fondements de nos sociétés et sape les bases de nos économies. Cet ennemi invisible, apparu dans le mois de décembre en Chine, se propage dans le monde et cause de profonds ravages. Cet ennemi dis-je, est un virus, un nouveau type de coronavirus transmissible entre humains et est à l’origine d’une maladie appelée le Covid-19.
Mes chers compatriotes,
A l’heure où je vous parle, ce mardi 31 mars 2020, le Covid-19 a contaminé 799.998 personnes et a fait au total 48.758 morts dans le monde, selon l’OMS. La Côte d’Ivoire enregistre 168 cas dont 1 décès et 6 personnes guéries. D’après les experts, si rien n’est fait, 40 à 70% de la population mondiale seront infectés avant la fin de la pandémie, dont le taux de mortalité aujourd’hui, est monté, hélas, à 4,8%.
Partout dans le monde, les nations se replient sur elles-mêmes, les Etats ferment leurs frontières, les peuples ressentent une

profonde angoisse, la science est convoquée et le divin est même questionné, imploré et supplié.
Plus de 3 milliards 400 millions de personnes – soit près de la moitié des habitants de la planète – sont confinées dans le monde, pour tenter d’endiguer l’avancée de la pandémie. Plus de 300 millions de personnes ont été mises sous couvre-feux. Des villes entières sont placées en isolement.
La crise du Covid-19 plonge le monde à la fois, dans une crise sanitaire, une crise économique et financière et une crise sociale et culturelle, dont les effets ne sont toujours pas entièrement évalués. Mais une chose est certaine : l’économie mondiale est déjà entrée en récession, et certains analystes prévoient un recul de la croissance mondiale d’environ 7 points !
Déjà, des pans entiers de l’économie sont entrés en hibernation totale. Il s’agit notamment du commerce international, du tourisme, des transports, des sports, du monde du spectacle et des arts vivants et même de l’agro- alimentaire. Je vous le dis, le monde entier est brutalement mis à l’arrêt.
Ce n’est donc ni le lieu, ni le moment de marteler nos différends et querelles politiques relatifs à l’élection présidentielle d’Octobre 2020, notamment en ce qui concerne la mise en place d’une nouvelle Commission Electorale Indépendante (CEI), le refus du tripatouillage de la Constitution, le refus de la révision non consensuelle du Code électoral, l’audit et la révision de la liste électorale, la confection des Cartes Nationales d’Identité. Faut-il le signaler,

sur ces questions cruciales, toute l’opposition unie est en total désaccord avec le Gouvernement, et l’a fait savoir dans une déclaration que j’endosse et dont je suis signataire. Je me permets, au demeurant, de signaler que ces questions sont des conditions sine qua non à des élections apaisées et à la sauvegarde de notre Nation. Pour l’heure, ce qui doit mobiliser notre attention et nos intelligences, c’est le sort de la Nation ivoirienne qui est menacée d’un véritable effondrement.
Chers compatriotes,
Cet ennemi est dans nos murs. Il nous faut faire face courageusement.
Le Gouvernement et les professionnels de la Santé ont indiqué les gestes barrières et les mesures de distanciation sociale à observer. Faute de vaccin ou de traitement scientifiquement expérimenté à l’heure actuelle, pour en venir à bout, je vous exhorte au respect strict de ces mesures.
Personnellement et depuis l’exil forcé et injuste qui m’est imposé, je ne pouvais vous abandonner dans cette épreuve. Ainsi, promptement, dès l’annonce du premier cas en Côte d’Ivoire, j’ai demandé à la délégation de GPS-Côte d’Ivoire, de procéder à la distribution gratuite de gels hydro-alcooliques et de masques, sur toute l’étendue du territoire, pour venir en aide à nos compatriotes les plus défavorisées, sans discrimination. Ainsi qu’aux prisonniers, dont la situation carcérale faite de promiscuité, d’insalubrité et de délabrement, les rends particulièrement vulnérables à la contamination par le Covid-19 et à la mort, si rien n’est fait.

J’ai une pensée forte pour tous les prisonniers politiques, civils et militaires sans exclusion, détenus en raison de leur engagement en politique ou, simplement, pour avoir servi la République.
Face à cette terrible pandémie, la solution, à mon avis ne réside pas dans la création de couloirs humanitaires pour personnes privilégiées, ici ou ailleurs. Il s’agit ensemble de faire front. La solution réside dans L’UNION SACREE de TOUTES les forces vives de la Nation pour contenir le danger qui menace notre pays et notre peuple. Je prends au mot le Chef de l’Etat sur la nécessité de cette Union sacrée.
J’en appelle à la responsabilité du Chef de l’Etat face au danger qui menace notre pays. Je lui demande de créer, justement, les conditions d’un dialogue national, les conditions véritables de l’union sacrée entre toutes les filles et tous les fils de la Côte d’Ivoire. Je souhaite que la gestion de la crise se fasse dans la transparence et non dans l’à-peu-près, dans la cohésion nationale et non dans la division, dans la conjugaison des efforts de tous. Cette crise est trop grave et sérieuse pour être l’affaire du seul gouvernement.
Cela requiert que le président de la République appelle autour de lui les anciens chefs d’Etats et anciens présidents d’institution, les leaders politiques, les experts et chercheurs de la santé, les experts du monde de la Finance, les responsables des confédérations syndicales et les acteurs sociaux, comme cela se fait ailleurs. Les bouleversements multiformes que cette crise provoque, nécessitent des concertations à tous les niveaux et l’engagement de chacun, dans la sauvegarde de notre tissu économique et industriel, la

préservation de nos valeurs sociales, culturelles, la sauvegarde de nos libertés et la protection de la santé de nos compatriotes.
J’en appelle à un Pacte National contre le Covid-19 dans le cadre de l’Union sacrée. L’heure n’est plus aux stratégies partisanes, claniques, à la vision court-termiste qui privilégie les intérêts électoraux particuliers aux intérêts généraux.
La Côte d’Ivoire vous regarde, Monsieur le Président de la République, et l’Histoire sera, je vous le dis, impitoyable envers ceux qui n’auront pas su ranger leurs ambitions intéressées et leurs intérêts personnels, pour privilégier l’intérêt collectif et général. Cette pandémie doit être l’occasion de réconcilier les Ivoiriens entre eux, afin de les amener à gommer leurs différences pour se tenir, en tant que Peuple uni, face à l’adversité.
Dans ce cadre, de manière urgente, il faut que le gouvernement se penche dès maintenant sur la situation des entreprises qui, immanquablement, seront frappées de plein fouet par la crise économique et financière. De manière urgente, l’Etat doit prendre des mesures d’encadrement des prix pour éviter une augmentation de l’inflation. Si rien n’est fait, le taux d’inflation de 2,6% en mars 2020, pourrait atteindre les 4,1% voire 6% en fin d’année, selon des projections tout à fait raisonnables. Réduisant de fait, le pouvoir d’achat des ménages.
Les cessations d’activités ou la baisse considérable du volume d’activité dans certains secteurs, fait peser des risques

importants de mise en chômage technique, voire de licenciements massifs.
Pour combler les pertes actuelles des entreprises et éviter les faillites à la chaîne, je propose que pendant au moins 03 mois, l’État se substitue au marché et prenne en charge directement les pertes de revenus des entreprises et des ménages ivoiriens. Les ressources pour soutenir cette intervention de l’Etat, afin de sauver nos entreprises, peuvent être trouvées, notamment auprès du FMI qui, la semaine dernière, a annoncé 50 milliards de dollars de disponibilité, dont 10 milliards pouvant être prêtés à taux zéro aux pays pauvres et en développement frappés par le coronavirus. Je l’ai souvent dit et je le répète encore aujourd’hui : nos Etats ne doivent pas avoir peur de se donner les moyens d’intervenir massivement pour soutenir leur économie.
D’autres solutions existent et sont mises en œuvre ailleurs, en Afrique et dans d’autres pays du monde, qui comme nous, ont des économies fragiles et ont besoin de soutien pour ne pas s’écrouler. Je voudrais en citer quelques-unes :
− Suspension du paiement des charges sociales des PME et des très petites entreprises pendant 3 mois ;
− Mise en place d’un moratoire pour le remboursement des crédits bancaires au profit des entreprises ;
− Suspension pour 3 mois du paiement des loyers, des factures d’eau et d’électricité afférents aux locaux professionnels ;
− Renonciation aux pénalités financières et aux suspensions de services en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des très petites entreprises ;

− Report à 3 mois des factures échues pour les entreprises en difficulté ;
− Négociation avec les syndicats pour obtenir un accord dérogatoire sur le droit du travail pour les entreprises en difficulté réelle, afin d’éviter les mises en chômage et maintenir un niveau de rémunération, même en cas de non activité ;
− Exonération de droits et taxes sur tous les produits qui entrent dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 (masques, gels hydro-alcooliques, gants, médicaments etc.) ;
− Report de la date de paiement de la vignette pour les véhicules de transport interurbains ;
− Suspension des impôts et taxes pendant trois (3) mois pour les agences de voyage, les bars et débits de boisson, les salles de spectacle et de concert, les centres de sports et loisirs…
Bien entendu, ces mesures peuvent être complétées par un ensemble de dispositifs complémentaires respectant la réglementation communautaire, au niveau de l’UEMOA.
Tout ceci est faisable, dans le cadre de l’Union sacrée.
Sur le plan sanitaire,
Je propose que les modalités d’un possible confinement qui s’est avéré efficace, ailleurs soient minutieusement étudiées en concertation avec les experts de la santé, pour en évaluer les implications dans le cas particulier de notre pays. Cette stratégie si elle était adoptée devrait être couplée à des tests systématiques effectués sur toute personne se présentant dans

les services d’urgences médicales. Chacun a pu constater l’impréparation de nos hôpitaux et de nos structures sanitaires à une vague épidémique de cette ampleur. Trop de personnes sont en première ligne dans cette guerre sans aucune protection. Je veux parler des professionnels de la santé, des agents des Forces de défense et de sécurité, des caissières dans les supermarchés et centres commerciaux, des agents des pompes funèbres, des éboueurs et des agents d’assainissement, à qui je rends hommage et que nous ne devons pas laisser seuls face à la mort.
Il est temps de nous retrousser les manches et de prendre le taureau par les cornes. Il faut, ici et maintenant, anticiper la vague qui se prépare et qui pourrait se traduire par un afflux massif de malades dans les structures hospitalières.
A l’instar du dispositif rigoureux que mon gouvernement, en 2008, avait mis en place pour faire face à la grave crise financière et alimentaire mondiale dont on se souvient encore, il faut dès maintenant, accentuer la coordination des moyens de secours, civils et militaires, pour prendre en charge les malades. Il faudra mettre en place un dispositif de mobilisation maximale de toutes les capacités d’hospitalisation, aussi bien publics que privés. Les moyens humains, matériels et scientifiques des cliniques privées et des hôpitaux publics doivent être sollicités pour affronter la maladie. Les Préfets doivent être engagés dans l’organisation et l’encadrement de ces mesures, avec les directeurs régionaux et départementaux de la santé, dans le cadre de cellules régionales de crise. Ces cellules régionales de crise seront chargées du suivi des procédures édictées par le gouvernement et de la remontée en temps réel des informations sur la progression du virus et

de ses effets, afin d’adapter la riposte. Ces cellules de crise pourraient également, mais non limitativement :
− Rechercher activement tous les cas suspects ;
− Renforcer la prise en charge précoce en créant ou en aménageant des centres de tests dans chaque chef-lieu
de région ;
− Augmenter les capacités de confinement en créant des
centres régionaux de quarantaine pour tous les cas
suspects ;
− Augmenter les capacités d’hospitalisation et de
réanimation par la mise en commun des disponibilités
régionales ou en sollicitant le gouvernement ;
− Renforcer la protection du personnel de santé en particulier et de la population en général par des
campagnes de communication de proximité ;
− Procéder à la distribution rationnelle des moyens de lutte mis à leur disposition par le Gouvernement ou les
collectivités territoriales ;
− Réquisitionner au besoin tout personnel ou tout moyen
nécessaire à la lutte contre cette maladie. Je vous l’assure ces mesures avaient été efficaces et avaient permis de contenir la crise et prémunir notre nation.
En ces heures difficiles, mes pensées vont vers nos compatriotes les plus fragiles, ceux qui sont en situation de détresse sociale. C’est pourquoi je m’insurge contre cette façon discriminatoire et partisane de faire la politique, de certaines personnalités publiques opportunistes et démagogues, qui se lancent dans une course aux dons intéressés et politisés aux populations comme si l’on devait

présenter la carte d’un parti politique avant de bénéficier d’une aide humanitaire.
Quant à moi je propose au Président de la République et aux ministres, en signe d’exemplarité, à renoncer à un mois de salaire en solidarité avec les ménages frappés par les mesures, au profit d’un fonds national de solidarité pour les victimes du Covid-19. Bien qu’en exil, j’y consens moi-même volontiers.
Ce fonds, dont le montant pourra être déterminé en accord avec le Parlement, doit pouvoir dégager une enveloppe significative pour apporter un secours en vivres et en produits de première nécessité aux ménages les plus démunis. Toujours en accord avec le Parlement, ledit Fonds pourrait être alimenté par les ressources provenant des ponctions opérées sur le Budget de fonctionnement des Institutions de la République et des Ministères, exceptés ceux de la Santé, de la Défense et de la Sécurité. Ce fonds, au nom de la transparence, devra être placé sous la supervision d’un organisme indépendant, regroupant les représentants du Parlement, de l’Inspection Générale d’Etat, des forces politiques, religieuses et sociales. Dans la même veine, l’Etat pourrait prendre en charge les prochaines factures d’eau et d’électricité des ménages situées dans la tranche dite sociale.
Mais aussi et surtout, un geste d’humanité est attendu de vous, M. le Président de la République, en ces moments où la terrible pandémie est entrée dans notre pays et menace des milliers de vie. Libérez les prisonniers politiques et tous ceux qui sont enfermés pour des délits mineurs, comme le recommande les Nations Unies ! Remettez en liberté tous ces pères de famille, dont vous connaissez personnellement

certains, et qui n’ont commis pour seul crime que de militer contre vos choix. M. le Président de la République, je vous conjure, faites un geste de réconciliation à l’endroit de l’ancien président Laurent Gbagbo et de M. Charles Blé Goudé. Cela vous grandira et le peuple vous le revaudra. La Côte d’Ivoire attend cela de vous. Je ne demande rien pour moi-même mais c’est ainsi que vous favoriserez et créerez la nécessaire union sacrée.
Je voudrais terminer mon propos en rendant un hommage appuyé et sincère à tous les professionnels de la Santé qui, depuis que la pandémie s’est déclarée à l’intérieur de nos frontières, sont sur le front au péril de leurs vies. Gloire et honneur à vous.
A nos membres des Forces de Défense et de Sécurité, je comprends fort bien la dangerosité de la mission qui vous est confiée. Je connais votre abnégation qui confine au sacerdoce. Cependant, je vous exhorte, lors des patrouilles pour faire respecter le couvre-feu, à éviter d’infliger des traitements inhumains et dégradants aux contrevenants. Ce sont vos frères, ce sont vos sœurs, qui ont besoin de votre aide, de votre protection et non de votre colère et de vos bastonnades.
Aux familles qui ont l’un des leurs malade du Covid-19, je dis : prompt rétablissement. A cette dame qui a malheureusement perdu la vie, toutes mes condoléances à ses proches.
Ivoiriennes, Ivoiriens,

Notre pays est menacé et le plus important en ce moment c’est ce que chacun de nous peut apporter pour donner une réponse imparable au danger qui s’est dressé devant nous. Les défis de la mondialisation sont tels qu’ils nous mettent brutalement face à des périls que nous croyions si loin de nous. C’est la capacité de réaction et d’anticipation des Etats qui est mise à rude épreuve dans des situations inattendues et aux conséquences dévastatrices. Cela est possible si nous sommes unis.
C’est notre vision de ce que devrait être la Côte d’Ivoire en de telles circonstances, que nous voulons partager avec vous.
La vision d’une chaîne de générations solidaires se tenant spontanément débout, au-delà des différences politiques, prêtes à faire front individuellement ou collectivement !
Oui cela est possible si nous travaillons à enraciner l’Etat de droit et la démocratie dans notre pays par le respect du droit à la différence.
Que cette épreuve qui nous est imposée renforce nos liens et nous fasse surgir en tant que nation réconciliée avec elle- même, plus forte, plus unie.
Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire !
JE VOUS REMERCIE.

Soro Guillaume Kigbafori

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