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Mont péko: Un an après son arrestation, voici ce que deviennent Amadé, ses hommes, ses femmes

amade

Redoutable chef de guerre, jadis régnant en maître absolu dans la forêt du Mont Péko, à quelques encablures de Duekoué, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, Amadé Ouérémi aura marqué la crise ivoirienne, particulièrement la période postélectorale de 2011. Ses hauts faits de guerre sont à l’aune de des supposés pouvoirs mystiques que tout le monde s’accorde à lui attribuer. Lui et ses hommes ont constitué la bête noire des forces loyalistes et autres miliciens de l’époque dans cette région. Mis aux arrêts le 18 mai 2013 et déporté dans la capitale ivoirienne, il a laissé sur place de nombreux hommes, reconvertis pour la plupart au travail de la terre. Il a aussi laissé derrière lui des femmes et des enfants. Leur quotidien n’est pas des plus reluisants. Reportage dans l’antre du guerrier aux mille mystères.

Le 18 mai 2013 marquait la fin d’un long parcours pour Amadé Ouérémi. Celui qui a régenté la forêt du Mont Péko et défié l’armée loyaliste et autres miliciens dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, près d’une décennie durant. Personnage énigmatique, il est tantôt présenté sous la tunique du diable, du monstre tueur, du génocidaire,… tantôt ange gardien, protecteur, combattant infatigable de l’injustice et de l’oppression. Selon le camp où l’on se situe, Amadé revêt un visage bien précis. Dans les rangs des membres de sa propre communauté, il est vu comme le sauveur. Celui grâce à qui des milliers d’hommes et femmes d’origines étrangère, surtout burkinabés doivent leur survie. A en croire les témoignages, il a consacré toute son existence, durant la période de crise traversée par la Côte d’Ivoire, à défendre et à protéger les plus faibles, les opprimés, les laissés-pour-compte, pris entre deux feux depuis le déclanchement de la crise. Installé le plus naturellement qui soit, il y a de cela plusieurs années dans le village Bagouho, comme tout autre ressortissant étranger s’investissant dans l’agriculture, rien ne le prédestinait au départ à un tel avenir. Bagouho est un village limitrophe du parce national du Mont Péko. Durant tout ce temps, Amadé Ouérémi n’avait jamais mis pied le parc. Son ardeur au travail lui avait permis de s’adjuger de vastes plantations qui lui procuraient de grosses fortunes. Lorsque la crise éclate au début des années 2000, raconte un de ses ex-lieutenants ayant été très proche de lui, il faisait partie de ces « étrangers fortunés» à abattre. C’est à partir de ce moment, poursuit-il, qu’il a franchi les limites du parc, avec lui, d’autres compatriotes aussi confrontés aux affres de l’insécurité. Refugiés en ces lieux ils arrivaient à repousser sans grand dommages les intempestifs assauts lancés contre eux. Le parc devient un lieu sûr pour se soustraire des agressions des ennemis.

Combattants par la force des choses

Très vite sa réputation retentit aux quatre coins de la grande région ouest ivoirienne où de très nombreux burkinabé vivant jusque-là de l’agriculture dans la quiétude sont en péril. De tout part, les fuyards affluent, convaincus qu’une fois en ces lieux leur sécurité serait garantie. C’est ainsi que ce serait fait le peuplement du parc du Mont Péko. Agriculteurs à la base, ces hommes disent être devenus des combattants par la force des choses. « Il fallait que nous nous défendions et nous n’avons fait que nous défendre contre les agresseurs qui venaient chaque fois nous agresser. Au début, nous n’avions même d’armes. Nous n’avions que des machettes et des gourdins. C’est avec le temps que nous avons pu nous procurer des armes en dépossédant ceux qui venaient nous agresser et que nous arrivions à vaincre… ». Racontre N K, un autre lieutenant de Ouérémi. Selon lui, jamais leur leader n’a accepté qu’un des siens aille attaquer quelqu’un. En retour il n’acceptait qu’on fasse impunément du mal à un de ces compatriotes dans la zone. Il avait une sainte horreur de l’injustice. On parle de colonnes entières de véhicules de l’armée loyaliste et de miliciens que Ouérémi et ses hommes auraient neutralisées avec des armes de fortune. « Il nous disait toujours que celui qui va attaquer quelqu’un, il n’est plus avec moi. Mais si quelqu’un vous attaque, même si vous n’êtes pas à mesure de riposter, faites-moi appel ». Ajoute N K. Lorsque la crise est terminée, Amadé Ouérémi et ses hommes auraient volontairement demandé à se désarmer. Ce qui a été fait, se rappelle N K, sous le regard vigilant de l’ONUCI. Chacun d’eux est venu déposer son arme et a reçu en retour une carte de désarment. Des cartes que chacun d’entre exhibent aujourd’hui avec fierté. Pour l’ensemble de ces ex-combattants, aujourd’hui résolument tournés vers leur activité de tous les temps, à savoir l’agriculture, la guerre est désormais derrière eux. C’est du reste ce message que prêchait depuis lors leur leader. D’où la grosse surprise des uns et des autres face aux accusations ayant prévalu à son arrestation en mai 2013. « C’est une véritable cabale qui a été menée contre Ouérémi. On l’accusait de posséder toujours des armes et de constituer une menace pour sécurité dans la région. Il n’en est rien.

Retour à la terre

Ouérémi ne possédait plus rien comme arme. C’est en toute sincérité qu’il a consenti au désarmement et retourner à sa vrai occupation qui est le travail de la terre d’où il tirait sa fortune bien avant la guerre. Pour preuve, après son arrestation, aucune arme n’a été retrouvée dans ses campements… ». Soutient quelque peu désappointé un autre ancien combattant. Tous disent n’être aujourd’hui que de simples planteurs, ne demandant qu’à vivre du fruit de leur labeur. Pour cela ils ne demandent que la quiétude et la paix pour cultiver leurs champs. Ils disent regretter que beaucoup de personnes croient toujours qu’ils ont des armes. On parle souvent de caches d’armes en leur sein. Ce qui est archi faux. Insistent-ils. « Nous nous sommes dit qu’il y a un temps pour la guerre et un temps pour la paix. Aujourd’hui c’est le temps de la paix. C’est pourquoi nous avons accepté le désarmement volontaire, sans que personne ne nous y oblige. Pourquoi aurions-nous toujours des caches d’armes. Aujourd’hui, nous ne sommes plus des combattants mais des planteurs. Qu’on ne vienne plus nous provoquer au prétexte que nous avons des armes… ». Insiste NK. Courant décembre 2013, se souvient-on encore, certains responsables militaire locaux, dont un chef FRCI, un certain lieutenant Modeste, ont instrumentalisé la profanation de la tombe d’une ressortissante burkinabé, une certaine Mamounata Pafadnam, décédée il y a des décennies et enterrée dans le cimetière du village de Bagouho. Selon les auteurs de cet acte, cette tombe serait une cache d’armes des ressortissants burkinabé. La tombe aurait été ouverte en présence d’autorités locales mais contre toute attente, aucune arme n’y était. Seuls les ossements de la pauvre défunte y ont été retrouvés. Suite à cette rocambolesque affaire qui a choqué plus d’un burkinabé dans la zone, le chef militaire en question aurait quitté la localité sans même prendre la peine de refermer la tombe. Pourtant, à a ce qu’on dit, il avait été enjoint de refermer la tombe pour avoir été le principale instigateur de sa profanation. La tombe serait ainsi restée ouverte pendant de longs mois. Ce n’est que le nouveau sous-préfet qui, à son arrivée a fait refermer la tombe.

Ouérémi, homme de paix !

Pour une grande partie des occupants du parc ayant vécu sous la protection de Ouérémi, celui-ci ne mérite pas le traitement qu’on lui réserve aujourd’hui. Contrairement à l’image négatif qu’on lui colle, il est pour ces milliers de personnes, un homme de paix. Il a beaucoup contribué au retour de la paix en Côte d’Ivoire. Pensent plus d’un de ce côté-la. Ils sont nombreux à regretter son absence. Tout ce qu’ils vivent aujourd’hui comme rackets, vols, violences physiques et autres (Cf. Le Reporter 148) sont rendus possibles du fait de cette absence de leur protecteur. Du temps où il était encore parmi eux, se rappelle-t-on, jamais un agent de sécurité n’a osé s’en prendre à un des leurs. Aujourd’hui qu’il est absent, ils sont l’objet de toutes sortes d’exactions. C’est pourquoi certains ont préféré rentrer au pays, abandonnant champs et autres biens, suite à l’arrestation de Ouérémi. Ceux-ci auraient soutenu que tant que ce dernier ne sera pas libéré, ils ne mettront pas les pieds dans la contrée où, auraient-ils dit, leur sécurité n’est plus garantie.

Mais les autochtones de la région ne voient pas Ouérémi et ses hommes sous ce jour-là. D’ailleurs beaucoup ne cachent pas leur peur vis-à-vis des ex-combattants toujours présents sur place. Ils sont vus comme des tueurs. « On les a vus tuer des gendarmes, désarmer des militaires avec des machettes. On ne sait pas de quoi ils seront capables demain si on les accepte dans notre village… ». Soutient un habitant de Pona Vahi, un autre village voisin au parc. Ouérémi était aussi un homme très débonnaire. Dit-on. Même certains autochtones lui reconnaissent cela. Il ne manquait pas de faire des présents à ses hôtes du village de Bagouho à chaque fin d’année. Il leur offrait, apprend-on, des bœufs pour leurs cérémonies coutumières. Aussi l’autre solution consistant à déclasser une partie de la forêt pour contenter les occupants n’est pas vue d’un bon œil au sein des communautés autochtones riveraines. Cette forêt était jadis des champs de leurs grands-parents. Soutient-on. Si ceux-ci ont consenti le sacrifice de céder leurs champs pour en faire un bien commun, ce n’est pas à des étrangers qu’on peut accepter de céder cette forêt. Autant la restituer aux propriétaires qui en ont aussi besoin. Pensent plus d’un autochtone.

Des épouses inconsolables

Amadé Ouérémi n’a pas laissé que des hommes derrière lui. Polygame confirmé, il a au totale six épouses et près d’une vingtaine d’enfants. Regroupées avec leurs enfants chez un parent de leur époux dans un village voisin, après l’arrestation, ce sont des épouses à la fois mélancoliques et inconsolables qu’il est donné de voir sur place. Stress, angoisse de l’attente et peur du lendemain sont leur lot quotidien. Toutes ont perdu de leur embonpoint d’antan. Apprend-on. Awa, l’ainée, dit avoir perdu tout appétit et n’arrive pas à s’alimenter par moment. Elles décrivent des conditions de vie très difficiles depuis le départ de leur époux. Même le repas quotidien est devenu par moment problématique. Elles ne vivent plus que la sollicitude de parents et amis de leur époux. Elles sont sans ressources véritables. Parfois, elles peuvent se retrouvées en rupture totale de vivres. Elles disent avoir tout perdu lors de l’arrestation de leur époux où tous leurs biens ont été soumis à un pillage systématique. Toutes leurs maisons ont été vidées par les pillards. Meubles, effets d’habillements, ustensiles de cuisine, moyens de déplacement, tout a été emporté. De sorte qu’aujourd’hui, elles se retrouvent dans le dénuement total. En cas de maladie d’un enfant, c’est très difficilement qu’elles arrivent à lui procurer des soins. Elles vivent dans la promiscuité, regroupées dans une maison d’une seule pièce où elles dorment à même le sol sur des nattes avec leurs enfants dont certains en très bas-âge. Les enfants ne vont pas à l’école, faute de moyens dit-on. Elles n’ont qu’un seul mot aux lèvres. « Sollicitude » vis-à-vis de leur mari. C’est ce qu’elles demandent aux autorités ivoiriennes. Leur époux, soutiennent-elles n’est pas ce qu’on dit de lui. Il n’a jamais fait du mal pour le mal. Tous les compatriotes le savent. Soutiennent les infortunées épouses. En tout cas, elles disent ne pas désespérer leur époux leur reviendra un jour sain et sauf. En attendant, Ouérémi, apprend-on de sources sécuritaires ivoiriennes, est gardé en lieu sûr dans une prison spécialement aménagée pour lui dans une ville de l’intérieur du pays. Il aurait droit à une visite mensuelle de sa famille.

Source: Le Reporter du Burkina-Faso

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