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Mouvements de grève dans les universités d’Abidjan: la vérité qu’on cache aux Ivoiriens

Reprise des mouvements de grève dans les universités d’Abidjan: la vérité qu’on a toujours cachée aux Ivoiriens

Plus de deux ans après l’ouverture des universités d’Abidjan qui avaient été fermées pour travaux de réhabilitation, des mouvements de grève reprennent de plus belle au sein de ces institutions.

Au nombre des revendications, les conditions de travail des enseignants et des étudiants, ainsi que le paiement des arriérés de salaire. Le malaise chaque jour s’accentue un peu plus. Etat des lieux.Les enseignants réunis au sein de la Coordination nationale des enseignants chercheurs de Côte d’Ivoire (Cnec) ont entamé une grève illimitée le 5 janvier. Objectif, amener le gouvernement à faire face à leurs revendications.

Notamment l’amélioration des conditions de travail et des conditions de vie des enseignants. L’on se souvient qu’à l’ouverture des universités en 2012, le gouvernement avait annoncé un nouveau départ. Un départ qui devait se caractériser par un enseignement de qualité.

Ce qui implique tout naturellement la disponibilité du matériel nécessaire à la bonne formation de l’élite de demain. Deux ans après, ce sont les enseignants qui entrent en grève pour dénoncer des conditions de travail inappropriées, eu égard aux résultats attendus.

Ceux-ci estiment qu’ils sont fatigués de travailler avec les moyens de bord, de faire des sacrifices pour lesquels l’on ne leur manifeste aucune reconnaissance, si ce ne sont des menaces de suspension de salaire quand ils décident de crier leur ras-le-bol. Mais cette fois, ils sont déterminés à aller jusqu’au bout.

DES MENSONGES MIS AU GRAND JOUR
S’agissant des conditions dans lesquelles les enseignants des universités publiques de Côte d’Ivoire dispensent le savoir, le minimum pour garantir un enseignement de qualité aux étudiants n’existe pas. En dehors des bâtiments peints qui donnent une allure de nouveauté, le matériel didactique n’existe pas. C’est d’ailleurs l’une des conditions préalables à la levée du mot d’ordre de grève qui est entré dans sa phase active lundi.

En effet, pour les enseignants de l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, il aurait fallu équiper les salles de cours en matériels plutôt que de dépenser des milliards à peindre les murs des bâtiments. « Nous remercions le gouvernement d’avoir changé l’image de nos universités.

De loin, elles ressemblent aux universités d’Europe et d’Amérique. Mais il faut s’y approcher pour voir que c’est un désastre », regrette Dr Jonhson Kouassi, porte-parole de la Cnec. Pour lui, les salles de cours manquent de tables bancs, de matériels de travail… Chose plus grave dans les facultés de Sciences où la pratique est un élément primordial dans la formation de l’étudiant.

« Depuis plus de deux ans, les enseignants forment les étudiants sur une base théorique. Nous n’avons sans cesse de réclamer les matériels, mais jusque-là, on ne voit rien venir. Et on nous fait croire que le matériel est route.
Combien de temps devons-nous attendre encore alors que les étudiants continuent de se faire délivrer leurs diplômes bien qu’ils n’aient pas fait de séances pratiques.
En faculté de médecine par exemple, vous imaginez ce que des personnes qui n’ont jamais vu un cadavre pourraient représenter pour la population ? Et après on viendra nous accuser d’avoir formé des assassins ? On a suffisamment menti aux parents d’élèves. Nous enseignants, refusons d’être complices de ce mensonge. Il faut mettre fin à tout cela maintenant », a clamé le porte-parole de la Cnec de l’université de Cocody.

Jonhson Kouassi a pointé du doigt le problème de l’accès au wifi. « Il n’y a même pas de wifi alors qu’on nous fait croire, pour la belle publicité de ces universités, qu’il y a le wifi partout et qu’on pourrait même partager des informations en intranet entre les universités de Côte d’Ivoire. Le seul endroit où les étudiants arrivent à se connecter, c’est dans le hall de la présidence de l’université », a-t-il clarifié.

Quant aux équipements livrés à l’université Fhb, ils sont pour la plupart stockés dans les salles de TP ou les bureaux. Renseignements pris, les installations électriques disponibles ne supporteraient pas ces appareils. Les vidéoprojecteurs installés dans l’amphithéatre Lorougnon Guédé, n’ont jamais fonctionné.

Là encore, il existe des zones d’ombre dans le contrat passé avec les opérateurs chargés de leur mise en service. Notre investigation a révélé que la bibliothèque numérique, qui a été annoncée en grande pompe, n’existe en réalité que de nom.

Celle, physique, semble cependant bien équipée en chaises et tables. L’essentiel, c’est-à-dire les ouvrages didactiques datent, selon l’expression d’un bibliothécaire rencontré sur place, « de l’antiquité » ou encore « de la France d’Outre-mer ». Du coup, les étudiants qui visitent la bibliothèque, y vont non pas pour consulter la documentation sur place, mais pour réviser leurs cours.

EFFECTIFS PLETHORIQUES, UNE BOMBE A RETARDEMENT
En dehors de quelques nouveaux bâtiments offerts par le District autonome d’Abidjan, l’université FHB de Cocody n’a pas véritablement connu un grand changement en termes de construction de nouveaux édifices. Les salles de TD et de TP sont insuffisantes eu égard aux effectifs plutôt pléthoriques des universités.

« En principe, les TD doivent se tenir sur une journée (de 7 h à 18 h). Mais avec le nombre d’étudiants qu’on doit encadrer, si on doit respecter ce taux horaire, c’est sûr qu’on terminera l’année que la moitié des étudiants n’aura pas fait de TD », explique Dr Yao Patrick.

Une situation qui risque de faire invalider l’année académique qui s’achève, nous confie-t-il. Il préconise qu’au lieu d’entasser quelques bâtiments dans un même espace, il faut plutôt songer à construire de nouvelles universités à Abidjan pour désengorger un tant soit peu celles déjà existantes. A ce sujet, il est bon de rappeler que le président de la République, Alassane Ouattara, avait promis, lors des campagnes présidentielles de 2010, de construire cinq universités en cinq ans d’exercice du pouvoir.

Son premier mandat arrive à terme et pas une seule nouvelle université n’a vu le jour. Lors de son adresse à la nation à l’occasion du nouvel an (2015), Alassane Ouattara est revenu sur ses promesses : « De plus, les infrastructures des universités de Korhogo et Daloa seront renforcées au cours de cette année 2015, en même temps que débuteront les travaux de construction de l’université de Man. Les universités de San Pedro, de Bondoukou et d’Abengourou suivront ». Espérons que ces promesses se réalisent enfin.

LES PROBLEMES D’ARGENT, ENCORE EN SUSPENS

Cette grève a aussi une motivation financière. En effet, les enseignants réclament l’amélioration de leurs conditions de vie par le paiement de leurs arriérés de salaire. Ils revendiquent aussi la revalorisation des taux horaires, ainsi que la revalorisation et la trimestrialisation (les primes leur sont versées semestriellement) de leurs primes de recherche.

Consécutivement à la revalorisation des salaires, les enseignements ont précisé que l’Etat leur doit des arriérés de salaire conformément au décret de 2007 censé prendre effet en janvier 2009.

« L’application du décret se fait graduellement. De sorte qu’on n’a pas ajouté automatiquement à notre salaire initial ce qui avait été arrêté par le décret. Ce qui a engendré naturellement des arriérés. Ce n’est donc pas une augmentation de salaire que nous revendiquons mais plutôt la réparation d’une injustice », a précisé Jonhson Kouassi. La revalorisation des taux horaires que réclament les enseignants chercheurs est un combat qui date de l’ère Bacongo.

Les enseignants ont obtenu de l’ex-ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, la signature d’un document faisant passer les taux horaires d’environ 5.500 F à 17.000 F pour les TD et 24.000 F pour les CM (cours magistraux). « Il se trouve que ce papier reste introuvable », nous apprend le syndicaliste.

Avant de taper du poing sur la table : « Mais nous disons que cette année, l’Etat va retrouver ce papier ! Cela fait partie de nos préalables pour reprendre les cours ». Pour ce qui est des primes semestrielles, les syndicalistes soutiennent que comparativement à d’autres pays d’Afrique, les enseignants ivoiriens sont mal payés. Ils prennent en exemple le Cameroun où un Assistant perçoit 542.000 Fcfa le trimestre. Pendant qu’un Ivoirien lui, se retrouve avec 400.000 Fcfa le semestre.

« Et pour que cette prime soit payée, il faut que nous-mêmes, enseignants, allions nous battre au Trésor. Au moment où je vous parle, la dernière tranche de notre prime de 2014 n’est pas encore payée, chose qui était censée être faite depuis le 1er décembre », regrette Dr Yao Patrick, un membre de la Cnec. Cet arrêt de travail est donc pour les enseignants une manière de démontrer qu’ils ne peuvent plus continuer de travailler dans des conditions inadaptées.

ELYSEE LATH

Le Sursaut

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