Nouvelle Constitution/Yao Séraphin Kouamé, maire de Brobo, crache ses vérités: «On veut 3 mandats? Pourquoi ne pas décréter le mandat à vie en même temps?»
Après 3 années passées à la tête de la mairie de Brobo, une commune située à 25km de la ville de Bouaké, dans la région du Gbêkê, au centre de la Côte d’Ivoire, le maire Yao Séraphin Kouamé, membre du BP du PDCI-RDA, parle de sa commune, de l’Uvicoci et se prononce sur l’actualité du moment dans son pays. Surtout la question de la nouvelle Constitution en vue. Entretien au micro de .africanewsquick.nt va Brobo, après 3 années que vous dirigez cette comme de la région du Gbêkê?
Je voudrais vous remercier et avec vous votre journal en ligne.africanewsquick. avant tout propos pour cette opportunité, cette belle occasion que vous me donnez. Merci pour votre amitié, votre sollicitude. Cela fait effectivement 3 ans que la population de Brobo nous a fait confiance. Nous lui sommes très reconnaissants. C’est une vision qui nous a conduits à demander les suffrages des électeurs de Brobo. Cette vision, nous y tenons. Cela demande un travail très important au quotidien. C’est ce que nous essayons de mener tant bien que mal. Et nous sommes heureux que les choses se déroulent bien depuis le début.
Quelle est donc cette vision?
La vision, au départ, c’est de transformer Brobo, dans le sillage de la modernité, du développement et de l’émergence de la Côte d’Ivoire, afin que Brobo soit une ville moderne. Et cette vision était d’inscrire Brobo comme première ville touristique au niveau du Grand Centre. Cela demande bien sur des infrastructures, cela demande des activités, cela demande des actions, cela demande des opérations que nous sommes appelés à mener. Dès le départ, vous savez, c’est une petite localité du point de vue économique. Donc cela demande des acquis de départ. Et ces acquis nécessitent, justement, que nous ayons un certain nombre de moyens, un certain nombre d’organisation, un certain nombre d’activités que nous avons organisé dans un plan précis. Les choses se passent globalement comme nous le souhaitons véritablement. Sur le plan infrastructurel, des choses importantes sont faites au niveau de la route, au niveau de l’école, au niveau de la santé, au niveau de l’électricité que nous essayons d’étendre, en attendant que l’Etat réalise son projet d’électrifier tous les villages. Au niveau de l’eau, aujourd’hui la quasi-totalité des villages, hameaux et quartiers arrivent à boire de l’eau potable. Et ça, c’est très important. Mais il y a d’autres actions qui demandent des partenariats avec, par exemple, le secteur privé pour implanter des entreprises, implanter des activités. Et là-dessus, nous sommes également en des bonnes voies. Donc depuis le début et sur ces 3 ans, nous sommes plus ou moins satisfaits, compte tenu des moyens dont nous disposons.
Cependant, quand vous sollicitiez la direction de la mairie, sur quoi comptiez-vous pour réaliser votre vision et développer la commune de Brobo?
Mais bien sur que nous savions sur quoi compter. Le plus important, c’est de compter sur Brobo, sur l’ensemble des forces vives, comme on les appelle, l’ensemble des filles et fils de Brobo. Il s’agit d’assumer un leadership, d’agréger les populations autour d’une vision partagée et de faire en sorte que chacun se sente dans la mission de développement. Donc c’est sur Brobo que je comptais véritablement, et c’est toujours sur Brobo que je compte. Maintenant, dans la pratique, il y a les moyens qu’il faut mettre en œuvre. Il y a par exemple la sempiternelle question du financement. Et à ce niveau-là, il est clair qu’avec le budget d’investissement de la ville qui tourne autour de 50 millions FCFA, ces 2 dernières années, il est difficile que toutes les actions dont j’ai parlé tantôt sont quasiment délicates à mener. Mais en matière de développement, il faut surtout savoir utiliser le peu qu’on a. C’est en l’utilisant correctement qu’on met en place un certain nombre d’acquis et que ces acquis peuvent générer d’autres sources de revenus. Si les activités que nous menons pour attirer le secteur privé à s’installer, si les activités d’organisation que nous menons pour créer d’autres magasins, les activités que nous menons pour encourager les artisans à s’organiser, ces activités peuvent nous permettent d’élargir notre base fiscale, notre assiette fiscale, et espérer un peu plus en matière de ressources propres. En complément de cela, nous espérons que l’Etat va essayer de comprendre que la question de la décentralisation n’est pas qu’une simple question d’autonomie juridique, mais aussi une question d’autonomie financière qui est très importantes qui va permettre aux collectivités d’être véritablement viables. Et à ce niveau, nous ne sommes pas seuls. Il y a également l’ensemble des petites communes de Côte d’Ivoire, les communes qui ont très peu de moyens doivent s’y impliquées pour que nous arrivions à un résultat.
Est-ce donc la défense des petites communes sans moyens qui vous avait poussé à postuler pour la présidence de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci) ?
Bien sur. L’Uvicoci, c’est l’ensemble de toutes les communes grandes ou petites. Donc pour la vision, c’était diriger l’ensemble de toutes les communes de façon équitable. Les vrais problèmes, aujourd’hui, concernent les petites communes. Il ne faut pas se les cacher. Les questions du niveau du budget d’investissement touchent surtout Brobo, Doropo, Madinani etc. et non pas les grandes communes d’Abidjan, Yamoussoukro ou Bouaké. En réalité, la vraie question, c’est de faire en sorte que toutes les communes puissent bénéficier d’un statut de moyens qui permettent de travailler consciencieusement et d’arriver à soutenir véritablement le développement et l’émergence de la Côte d’Ivoire. En plus, au-delà des communes, il y a aussi le statut des maires qui est tout aussi préoccupant et qui est l’un des chantiers qui m’ont poussé à briguer la présidence de l’Uvicoci. Mais, avec les réglages à l’intérieur de mon parti, le PDCI-RDA, avec les interventions, nous avons décidé de soutenir l’aîné (Ndlr : Gilbert Kafana Koné, maire de Yopougon) qui est là et nous nous reconnaissons en ce qu’il fait et nous l’encourageons à faire en sorte que par l’Uvicoci, les communes trouvent les moyens pour leur véritable autonomie et se développer au profit des populations. Nous n’avons pas encore les résultats de la gestion de l’actuelle Uvicoci que nous attendons, mais nous espérons que les choses vont changer et évoluer le plus rapidement possible.
Il vous reste 2 ans encore à la tête de la commune de Brobo. Quels sont vos chantiers à venir ?
Le plus important actuellement, le plus imminent, c’est de doter la ville du minimum possible d’infrastructures. A ce niveau, nous sommes bien avancés avec les routes, l’assainissement, les infrastructures scolaires et sanitaires, et bien d’autres éléments qui arrivent avec des travaux et chantiers d’envergure. Nous allons amorcer véritablement la réalisation des grands projets avec lesquels, nous négocierons le second mandat.
Les législatives s’annoncent pour cette fin d’année. Quel regard sur ces élections de novembre 2016?
Ces législatives sont très importantes. Nous sortons d’une période difficile, quoi qu’on dise. Les 2 ou 3 grands chantiers concernant la sécurité après la guerre qu’il y a eu, la sécurité s’est améliorée, même si de temps en temps, nous avons quelques sons discordants avec le phénomène des microbes et l’attentat de Grand-Bassam. Sur le chantier économie, le chantier développement, nous sommes satisfaits d’un point de vue macroéconomique, parce qu’à ce niveau, le PIB démontre visiblement avec les infrastructures que nous voyons. Cela démontre une certaine santé financière du point de vue macroéconomique. Cependant, nous avons encore du travail à faire. Parce que du point de vue microéconomique, du point de vue sociale, il y a que les Ivoiriens attendent encore beaucoup du gouvernement. Il y a aussi la question de l’emploi qui reste aussi préoccupante. L’autre chantier, le chantier de la réconciliation nationale piétine. Il est vrai que quand il y a eu deux camps qui se sont affrontés dans une guerre fratricide, la réconciliation ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a un certain nombre de situations qui restent pendantes devant la Justice. Et donc, ça risque de prendre un peu de temps. Mais, je crois que petit à petit, les cœurs commencent à s’apaiser. Les gens arrivent à se parler, à déjeuner ensemble. C’est très important. Nous espérons que les questions judiciaires vont être traitées de la meilleure manière possible pour que nous puissions nous en sortir. Donc à partir de là, le pays retrouve un nouvel élan. Et il est bien que les institutions puissent fonctionner assez correctement. Le renouvellement des institutions est très important avec la participation de tous. Les dernières législatives n’avaient pas vu la participation du bloc FPI. Donc ces élections qui arrivent sont l’occasion d’amener les uns et les autres à participer à la réalisation de l’Etat à travers leurs participations dans les institutions. A ce titre-là, je trouve que c’est une très bonne chose que tous y participent.
L’actualité, aujourd’hui, c’est le renouvellement de la Constitution. Qu’est-ce que vous en pensez et que proposez-vous?
Mais, nous n’avons pas le choix. Le renouvellement de la Constitution s’impose à nous. Et il y a plusieurs raisons qui expliquent cela. Cependant, la question primaire, sinon primordiale, c’est qu’est-ce que nous recherchons avec le renouvellement de la Constitution? Nous voulons un Etat moderne ? Nous voulons un Etat fort ? Nous voulons un Etat futuriste, j’allais dire. Alors nous avons besoin d’une Constitution qui s’adapte à cela. Mais le vrai problème, c’est l’instant, l’opportunité de la révision. Parce que, comme je l’ai dit plus haut, la réconciliation n’est pas encore acquise. Si nous mettons en marche le projet, est-ce que demain nous n’allons pas retourner en arrière pour refaire la Constitution? Sur cette base-là, la question primaire, c’est qu’est-ce que nous voulons? Est-ce une simple révision ou l’élaboration d’une nouvelle Constitution? Les Ivoiriens doivent réfléchir longuement et largement sur la question. Si nous faisons une nouvelle Constitution, cela veut dire que nous changeons de République. Lorsque nous changeons de République, est-ce seulement avec une frange de la population ou avec l’ensemble de la population? Si c’est une nouvelle Constitution que nous voulons, alors il faudrait que le consensus soit assez large. Il est important que tous les partis politiques, tous les acteurs de la vie, la chefferie traditionnelle, les religieux, les Ong, la Société civile etc. essayent de participer. Il serait intéressant que le Président de la République essaie de les associer à ce projet de nouvelle Constitution. Il ne faut pas oublier que le camp FPI est divisé. Il faut faire en sorte que d’une manière ou d’une autre, toutes les parties finissent par participer à ce projet. Si nous avons acquis la participation de tous et que nous savons si c’est une révision ou une nouvelle Constitution. Il reste à aborder les questions cruciales. Quelles sont les dispositions que nous voulons changer ? Quelles sont les nouvelles dispositions que nous voulons amener ? Si par exemple, nous voulons régler la question de l’article 35 qui pose les conditions de l’éligibilité, est-ce que nous décidons de continuer à raisonner comme si l’Etat n’était qu’une simple réalité sociologique et en omettant l’aspect juridique de l’Etat? Parce qu’en réalité, l’Etat est une entité juridique. Et sur cette base-là, la question de la nationalité prime sur la question des origines. On ne peut pas continuer à demander aux gens d’exhiber leurs origines pour être candidat. Il faut en finir avec. Nous devons faire en sorte que la seule nationalité suffise à être la condition à prendre en compte. Mais lorsque nous prenons en compte la nationalité, d’autres questions subsistent. Est-ce qu’une personne qui obtient la nationalité à 20 ans a le même degré de patriotisme, la même loyauté qu’un Ivoirien qui a la nationalité à la naissance? Il faut regarder. Il faut, pour ma part, considérer la nationalité de naissance ou alors la nationalité acquise à un bas âge, environ à 10 ans. Une autre question, toujours au niveau de l’article 35, c’est, est-ce que nous gardons la limitation de mandant à deux mandats ? Ou bien, nous ouvrons la possibilité d’un 3ème mandat intermittent, avec un intermède? Je crois qu’il faut réfléchir profondément à cette question-là. Nous ne pouvons être en train de parler d’une Etat moderne, d’un Etat démocratique et reculer sur nos acquis. Aujourd’hui, la référence en matière de démocratie, ce sont les Etats-Unis d’Amérique. Pourquoi ne pas prendre l’exemple sur les meilleurs? Alors, aujourd’hui, les gens vous disent avec un raisonnement plus ou moins naïf, comme on envisage de réduire le minimum de l’âge à 35 ans, il président qui aura été bon et qui se serait faire élire à 35 ans, à 45 ans, il a eu ses deux mandats, il est encore très jeune. Mais s’il a été brillant comme Houphouët-Boigny, ou comme un autre, pourquoi ne pas le reconduire quand il aura 50 ans, voire 60 ans? Ça a l’air très intéressant, mais, c’est très flatteur. On n’a rien compris. Si on pense qu’on peut perdre des génies et pour cela il faut faire un 3ème mandat, mais pourquoi laisser l’intermède? Pourquoi ne pas lui donner 3 mandats successifs, et le 4ème, le 10ème, pendant qu’on y est? Pourquoi ne pas décréter un mandat à vie, pour ceux qui seraient des génies de la gouvernance? C’est vraiment amusant, ce raisonnement, et c’est dangereux. Pourquoi c’est dangereux? Dès lors que vous permettez cela, un président qui se sera enraciné sur les 10 ans, va avoir deux options qui poseront problèmes. Soit, il se serre des tentacules des réseaux qu’il se sera créé pour déstabiliser le prochain président, faire en sorte qu’il soit impopulaire aux yeux de la population sur ses 5 ans. Et la population va faire en sorte que ce président impopulaire parte pour que l’ancien se réinstalle au pouvoir. On aura des situations où le président qui succède ne pourra pas travailler parce que l’autre, son prédécesseur, ne va pas le laisser travailler. Encore plus simple, il met un président fantoche, au moment où il s’en va, à la Poutine-Medvedev, puis revenir 5 ans après. Quand on est dans cette façon de procéder, on n’est pas en démocratie. Nous ne favorisons pas l’alternance véritable. Et je dis que la Côte d’Ivoire a suffisamment de personnes présidentiables pour qu’on puisse raisonner de la sorte. Je dis aussi que quand nous ne sommes plus présidents, nous avons d’autres fonctions toutes aussi honorable. Participer à l’apaisement, aider le nouveau président à réussir sa mission, faire du lobbying pour la Côte d’Ivoire auprès des institutions internationales, par exemple. Ce sont des tâches dignes d’un ancien président. La question d’un 3ème mandat ne doit même pas être abordée, même pas être envisagée. Les Ivoiriens ne peuvent pas et ne doivent pas accepter ça. Ce serait un recul considérable de la démocratie en Côte d’Ivoire. Il y a d’autres questions telles que l’article 48 qui sont des questions majeures. L’article 48 est un article dictatorial. Heureusement que les présidents qui sont passés ne l’ont pas mal manipulé. Si jamais un président se réveille et qu’il veut manipuler cet article, ce serait très dangereux pour la Côte d’Ivoire. Il faut le retravailler ou même le supprimer carrément. On a déjà des dispositions sur l’Etat d’urgence et l’Etat de siège qui compensent largement cet article 48. Au-delà de tout ça, il y a également des questions majeures telles que la création de la vice-présidence. Je crois que c’est une idée intéressante et intelligente. Si nous choisissons de continuer dans un régime présidentiel, il est normal que celui qui succède au président soit un membre de l’Exécutif et non du Législatif. Et il bon d’avoir un dauphin constitutionnel comme aux USA. Si nous choisissons plutôt un régime parlementaire, je comprendrais bien que le jeu change. Ma petite crainte avec cette Constitution que nous voulons faire, j’ai l’impression que les gens veulent qu’on y mette trop chose la dedans. Il ne faudrait pas que ça devienne lourd et banal. C’est une loi fondamentale de l’Etat de Côte d’Ivoire. J’entends les gens dire qu’il faut mettre une institution pour les femmes, une pour les jeunes, une autre pour les chefs traditionnels. Tant qu’on y est, mettons-y des institutions pour les commerçants, des vieillards, pour les bébés etc. On pourrait simplement signifier dans le préambule l’importance des femmes, des jeunes, des chefs traditionnels, sans toutefois créer des Institutions pour chacun. Si on se laisse aller, on risque d’avoir une Constitution qui n’aura vraiment pas le sens de Constitution et nous serons chaque fois obligés de revenir là-dessus pour changer, encore et encore. L’objectif est de faire une Constitution pérenne, une Constitution solide, gage d’une certaine stabilité qui va nous apporter la paix et le développement.
Interview réalisée à Koumassi (Centre Père Mathieu Ray, à Abidjan)
par Guy TRESSIA
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