On avait cru à une crise sans merci qui avait atteint le point de non-retour entre les dirigeants du Pdci-Rda et leurs alliés du Rdr, mais, la réalité politique a donné une démonstration contraire.
En lieu et place des sorties médiatisées qui étalaient de profondes divergences entre ces deux formations principales du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et pour la paix (Rhdp), c’est un nouveau ton que les présidents Bédié et Ouattara ont donné à leur alliance au pouvoir. Les deux leaders, dont les orientations avaient aiguillonné les positions de leurs lieutenants, ont fait un revirement spectaculaire pour donner aux Ivoiriens l’image de complices qui ne s’étaient jamais querellés. Pourtant, il y avait bel et bien crise.
Et le président du Pdci-Rda, Henri Konan Bédié, ne s’en cache pas. Il l’a bien reconnu du haut de la tribune de la célébration, dimanche dernier, de l’an 3 de l’appel de Daoukro. «Je tiens à rappeler que dans un couple ou dans une alliance, il y a toujours des hauts et des bas.Une anecdote bien de chez nous apprend que la langue et les dents se trouvent dans une même cavité, la bouche ; il arrive aux dents, de temps à autre, de mordre la langue, qui ne sort pas pour autant de cette cavité ». Par cette image, le président Bédié, par ailleurs président du praesidium du Rhdp, venait de camper l’ambiance qui prévalait au sein de l’Alliance des Houphouëtistes.
Réunification du Fpi, un danger imminent
Mais, son cadet Alassane Ouattara et lui semblent avoir surmonté ces moments difficiles pour ré-emboucher la trompette de l’apaisement et de l’unité. « Je voudrais dire à tous ceux qui se font des illusions : Bédié et moi, nous sommes ensemble. (…). Nous savons que les incompréhensions que nous avons eues ont eu des résultats catastrophiques pour notre pays. Donc, il n’y aura pas de problèmes entre le président Henri Konan Bédié et moi », révélait le chef de l’Etat, depuis le congrès du Rdr où il a été fait président d’honneur de son parti.
C’est clair, entre le Pdci-Rda et le Rdr, il n’y a plus de nuage. Du moins c’est ce que laissent croire les leaders de ces deux partis politiques. Ce changement presque soudain, qui achève d’étonner certains observateurs, n’est pas fortuit. En effet, le retour au calme qui prévaut en face de la coalition au pouvoir ne pouvait qu’aboutir à cette volte-face. Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié ont très vite compris que leurs querelles politiques ne pouvaient profiter qu’à leurs adversaires.
Le Front populaire ivoirien (Fpi), qui refait son unité après une profonde crise entre ses dirigeants (Affi N’guessan et Abou Drahamane Sangaré), se présente comme un danger imminent tant pour le Pdci que pour le Rdr. A trois ans des prochaines échéances présidentielles, le parti de Laurent Gbagbo a déjà affiché son ambition de reconquérir le pouvoir dont il a été déchu à l’issue de la crise post-électorale de 2010 – 2011.
Des émissaires pour le dégel
Ce projet suffit déjà pour réconcilier les leaders du Rhdp qui ont dû unir leurs forces depuis 2005 pour venir à bout – et même difficilement – de l’ex-régime. Henri Konan Bédié, dont le parti s’est fixé pour objectif de reconquérir le pouvoir en 2020, lève un coin du voile sur les non-dits du resserrement des liens entre le Pdci et le Rdr, son allié. « Chacun sait qu’il est désormais impossible à une seule formation politique, si puissante soit-elle, de gérer notre pays. C’est la raison pour laquelle nous devons, au niveau de notre alliance, nous accepter les uns les autres et trouver entre nous, les moyens de gérer ensemble la Côte d’Ivoire », dixit Konan Bédié, qui n’a plus évoquer ouvertement la question de l’alternance au Pdci-Rda. Ce sujet qui fâche ses alliés, même si tacitement il y tient.
Pour en arriver à ce discours-réponse à Alassane Ouattara, qui avait planté le décor, il y a eu plusieurs mouvements entre les deux principaux leaders du Rhdp. Selon des sources proches de cette coalition au pouvoir, le président de la République avait déjà soldé son contentieux avec son aîné Bédié bien avant la tenu du congrès du Rdr, où il a pris la parole. Le chef de l’Etat aurait envoyé discrètement un émissaire à Daoukro pour dégeler les relations quelque peu tendues entre son aîné du Pdci-Rda et lui.
Pour montrer qu’il était dans de bonnes dispositions pour la paix au sein de l’alliance qu’il préside, c’est Henri Konan Bédié, lui-même, qui aurait recommandé que la célébration de l’an 3 de l’appel de Daoukro soit placée sous le parrainage d’un dignitaire du Rdr. Le choix du ministre d’Etat, ministre de la Défense, fidèle membre du carré du président Ouattara, augure de cette décrispation au sommet. Sans compter la haute représentation du parti au pouvoir avec sa toute nouvelle présidente, Henriette Diabaté, qui a fait le déplacement de Daoukro. Toutes les conditions étaient réunies pour un discours d’apaisement et de nouveau départ du Rhdp. L’alliance au pouvoir étant plus que jamais remise en selle pour les batailles à venir qui rappellent les blocs d’avant 2010. Pourvu que, cette fois, les choses se passent dans le calme et l’apaisement.
Félix D.BONY
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