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Prao Seraphin: “Après 2020 de Ouattara, la Côte d’Ivoire sera un pays en faillite”-les raisons

Après avoir été éligible à l’Initiative pays pauvres très endettés (IPPTE), en 1998, la Côte d’Ivoire a atteint le point d’achèvement en juin 2012. Pour rappel, le stock de la dette publique totale, à la fin de l’année 2011, s’élevait à 8377,1 milliards de F CFA, soit un ratio de 69,9% du PIB, quasiment égal à la norme de 70% fixée dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance de l’UEMOA. Ce stock comprenait 75% de dette extérieure 25% de dette intérieure. La réduction du stock de la dette extérieure a eu pour effet de faire chuter considérablement le stock de la dette publique au 31 décembre 2012, à 4 679,6milliards de F CFA (non compris l’encours C2D), soit 33,9% du PIB correspondant à 63% de dette extérieure et 27% de dette intérieure. Toutefois, en raison de l’intensification des investissements publics, le stock de la dette publique totale a atteint le niveau de 5257,2 milliards de F CFA (34,0% du PIB) en 2013. Poursuivant la même dynamique, le stock est ressorti à 6438,6 milliards de FCFA en 2014 avec un ratio dette totale sur PIB égal à 38,0%. Mais ce niveau d’endettement public n’inclut cependant pas l’endettement de nombreuses entreprises publiques qui pourrait être substantiel. Dans les lignes qui suivent, il s’agit de revenir sur la propension du régime Ouattara à endetter la Côte d’Ivoire et les risques encourus.

Un gouvernement prompt à endetter le pays sans fondement

Après l’atteinte du point d’achèvement de l’IPPTE, le pays retrouvé de nouvelles marges de manœuvre pour le financement des investissements publics. En termes de structure, la dette est répartie, à fin 2014, de manière quasi égale entre dette en monnaie locale et dette en devises. Avec le retour du pays sur les marchés internationaux, la part de la dette en devises est amenée à progresser, d’autant qu’en raison de l’étroitesse du marché intérieur, les opportunités d’accroissement de la dette en monnaie locale sont limitées. En 2015, le stock de la dette a retrouvé pratiquement son niveau de 2011. En clair, le gouvernement actuel nous ramène à la situation de surendettement qui a conduit les institutions financières internationales à alléger le fardeau de la dette. Et pourtant le potentiel du pays pourrait permettre de mobiliser les ressources nationales pour financer le développement. L’épargne domestique brute (% du PIB) est passée de 21,19 en 2011 à 20,50 en 2016. Globalement, l’épargne domestique brute représente la différence entre le PIB et les dépenses de consommation finale (l’ensemble de la consommation dans un pays pendant une période donnée). La situation ivoirienne est semblable à celle de l’Afrique subsaharienne. Les banques traditionnelles n’ont pour clients que 20 % des Africains. Si elles parviennent à mieux exploiter les vastes ressources financières qui leur échappent, de plus larges sommes d’argent seront disponibles pour les investissements. Quoique forte, la croissance ne parvient pas à doper l’investissement à cause de la faiblesse de l’épargne, faiblesse elle-même conséquence de la fuite des capitaux. L’Afrique subsaharienne a toujours connu un taux d’épargne inférieur à 20 %, contre 35 % en Asie ou 26 % en Afrique du Nord. Or le taux minimal à partir duquel cette épargne peut jouer un rôle dans l’économie est de 30 %. Seuls cinq pays le dépassent: Algérie, Botswana, Congo-Brazza, Gabon, Nigeria. Cette insuffisance de l’épargne provient, entre autres, de la fuite des capitaux. Outre les placements privés à l’étranger, les mécanismes de fuite dans les relations économiques sont multiples. Le gouvernement ivoirien n’a engagé aucune réforme sérieuse pour accroître le taux d’épargne du pays. Bien au contraire, la seule solution du gouvernement reste le recours à l’endettement pour financer son économie.

Un recours systématique à l’épargne étrangère malgré des bases économiques fragiles

A la fin de l’année 2016, la Côte d’Ivoire était classée deuxième après le Cameroun au nombre des pays de la zone franc, les plus endettés. Le Cameroun enregistrait 5722 milliards FCFA comme dette publique et 5433 milliards pour la Côte d’Ivoire. Il faut signaler que l’économie ivoirienne a bénéficié d’un environnement extérieur favorable : la hausse jusqu’en août 2016 des cours du cacao, conjuguée à la baisse des cours du pétrole et la dépréciation du franc CFA par rapport au dollar (devise dans laquelle sont libellés les principaux produits exportés) s’est traduite par une amélioration de 30% des termes de l’échange. Le désendettement obtenu grâce à l’initiative PPTE a également permis à la Côte d’Ivoire de retrouver des marges de manœuvre financière pour mettre en œuvre son programme d’investissements publics grâce à un recours aux marchés financiers régional (bons et obligations du Trésor) et international (eurobond). Selon le Trésor français, la dette publique a atteint 48,3% du PIB (17,3 Mds USD) fin 2016. Malgré la forte croissance du PIB depuis 2012 et l’allègement progressif de la dette publique généré par le C2D, le ratio dette publique sur PIB s’est accru, passant de 45% (34% hors C2D) en 2012 à 48,3 fin 2016 (43,2% hors C2D). Soyons très précis sur ces chiffres. Là où le gouvernement actuel parle de 42,6%, le Trésor français avance le chiffre de 43,2%. En effet, après leur endettement sur les marchés internationaux, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly déclarait : « le taux d’endettement de la Côte d’Ivoire qui a levé environ 1,5 milliard d’euros sur les marchés financiers (Eurobond) en juin, va passer de 42,1% à 42,6% du PIB, un profil d’endettement satisfaisant ». Notons qu’à la fin de l’année 2016, les pays africains dont les taux d’endettement sont les plus faibles sont le Nigéria (seulement 13%), le Botswana (16%), la RD Congo et le Swaziland (20%), la Guinée Equatoriale (25%) et les Comores (29.2%). Quant à la Namibie son ratio d’endettement en 2016 est de 31%. Tous ces pays faisaient mieux que la Côte d’Ivoire. Avec son potentiel économique supérieur à la Côte d’Ivoire, le taux d’endettement du Nigeria est plus faible que celui de notre pays. Le pays ne compte que sur le binôme café-cacao, des produits dont les prix sont fixés sur les marchés internationaux. Il en résulte que cette faible diversification des bases de l’économie n’autorise pas le pays à un endettement hasardeux.

Un endettement international qui expose le pays au risque de change

Les autorités ivoiriennes n’arrêtent pas de vanter les prouesses macroéconomiques du pays. Elles affectionnent les comparaisons statistiques avec les autres pays du monde comme si les réalités économiques étaient les mêmes. Il est vrai que le taux d’endettement moyen des pays d’Afrique subsaharienne en 2016 reste relativement faible puisqu’il s’établit à 52% contre plus de 92% en moyenne dans la zone euro. Mais peut-on comparer les économiques africaines aux bases fragiles aux économies européennes ? La réponse est simplement non. La Côte d’Ivoire a effectué deux emprunts internationaux respectivement de 1,25 milliard de dollars (890 millions d’euros) à 16 ans à 6,25% et de 625 millions d’euros à 5,125% à 8 ans. Le pays avait déjà effectué deux emprunts du même type, on se souvient. Le tout n’est pas de dire que la Côte d’Ivoire est le premier pays d’Afrique subsaharienne, hormis l’Afrique du Sud, à émettre un eurobond en euro. Il faudra payer un jour cette dette abyssale. Le Président Ouattara endette le pays en promettant de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020. En réalité, il expose le pays à un surendettement. Les risques sont d’ailleurs très nombreux.

En premier lieu, le gouvernement endette le pays pour payer sa dette envers les ex-rebelles. Le gouvernement utilise ces fonds pour satisfaire les caprices de ses anciens soutiens militaires. Le Président a offert le montant de 12 millions de francs CFA (18.000 euros) à chacun des 8.400 mutins.

En second lieu, le gouvernement s’endette pour compenser l’effondrement des cours du cacao (principale ressource du pays), la hausse du prix du baril (de pétrole) et les dépenses supplémentaires liés aux problèmes sociaux. La chute de plus de 35% des cours mondiaux du cacao a diminué les revenus d’exportation et les recettes budgétaires. La remontée des cours du pétrole a réduit la base taxable sur les carburants. Finalement, le budget 2017 a enregistré une perte de 400 milliards Fcfa due, à ce problème conjoncturel. Du coup, le pays se tourne vers le Fonds monétaire international et l’épargne étrangère.
En troisième lieu, les pays s’endettant en devises présentent des risques de non-remboursement plus importants qu’en monnaie nationale. En effet, en plus des crises de solvabilité, une crise de change grave peut rendre le remboursement en devises très difficile car la dévaluation renchérit le service de la dette. Au moins à court terme, la dette en monnaie locale s’avère plus facile à rembourser en cas de crise, en faisant appel à la création monétaire ou à l’impôt. De plus, pour des raisons politiques évidentes, les gouvernements ont tendance à privilégier le remboursement de leurs propres ressortissants par rapport à celui des préteurs internationaux. Comme une bonne part de la dette ivoirienne est en devise, le risque de change est grand.

En définissant la viabilité de la dette comme la capacité d’un pays à honorer ses obligations sans requérir d’allègement de la dette ni accumuler d’arriérés, il en découle que la dette ivoirienne ne sera pas viable dans quelques années. Si on s’en tient aux chiffres de la COFACE, le ratio dette publique rapporté au PIB était de 48,9 % en 2015 et avec une prévision de 48,3 % en 2017. Or, ces chiffres sont très proches de la norme de 49% établie par le Cadre de Viabilité de la Dette (CVD) du FMI. Le Trésor français appelait d’ailleurs à un renforcement de la gestion financière de la dette en raison du pic de remboursement prévu en 2024 et du risque de change. En définitive, le recours excessif à l’épargne étrangère est une solution coûteuse, surtout pour des pays à l’équilibre budgétaire fragile. En Afrique, les faibles taux des années 1970 n’ont pas empêché le déclenchement de crises souveraines au cours des années 1980. Avec une telle addiction à l’assistance financière, le régime Ouattara conduira certainement la Côte d’Ivoire vers la faillite.

Prao Seraphin

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