Le candidat déclaré à l’élection présidentielle prochaine, Charles Konan Banny, se prépare pour la campagne électorale. Dans son cabinet, on peaufine la meilleure stratégie pour combattre le pouvoir en place.
On sait cependant qu’il serait difficile d’attaquer le régime du président Alassane Ouattara sur certains plans, notamment celui de la macroéconomie. Mais l’ex-président de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr) a une botte secrète. Charles Konan Banny compte axer sa campagne, apprend-on, sur la nécessité de rendre justice à toutes les victimes. Il se convainc que la question de la justice suscite beaucoup d’intérêt tant au niveau national qu’international, surtout dans une Côte d’Ivoire qui a connu une guerre. Une corde sensible sur laquelle l’ancien patron de la réconciliation ivoirienne entend jouer pour faire basculer un nombre important d’électeurs dans son escarcelle. Il indiquait récemment, et à juste titre d’ailleurs, que loin d’être un piège, sa nomination à la Cdvr a été une opportunité pour lui.
En effet, selon des confidences d’un de ses proches collaborateurs, les dernières auditions des victimes des différentes crises que la Côte d’Ivoire a vécues, constituent une arme secrète que Banny garderait jalousement. Une bombe qu’il va lâcher en temps opportuns contre son principal adversaire à l’élection présidentielle. « Nous avons eu des témoignages émouvants. Des personnes ont été citées et le patron a une idée de ce que sera la campagne. Nous avons en notre possession autant d’éléments pour couler nos adversaires », a indiqué ce proche collaborateur de Charles Konan Banny. D’ailleurs, explique-t-il, si le pouvoir a refusé de diffuser ces témoignages, c’est parce qu’il sait que ça pourrait lui causer du tort à l’approche de la présidentielle. L’ancien président de la Cdvr compte donc utiliser des pans de ces témoignages, dont certains ont été consignés dans des documents confidentiels que seul son cabinet détient.
Sa sortie depuis Londres, le week-end dernier, ne serait donc pas un fait du hasard. En réclamant des enquêtes sur les pillages des agences de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao), l’ancien gouverneur de cette institution jette une grosse pierre dans le jardin de l’ex-rébellion dirigée à l’époque par Guillaume Soro, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale. Banny n’a donc pas visé au hasard le chef du parlement ivoirien. Dans son entourage, il se sursurre qu’il dispose de secrets jamais révélés sur les crimes commis par l’ex-rébellion et des soldats pro-Ouattara pendant la crise post-électorale. « Ce sont des secrets importants. Nous avons mis du temps à les transcrire pour en faire un dossier », indique ce collaborateur de Banny, qui a évoqué, au cours de nos échanges, l’assassinat des gendarmes de Bouaké et des danseuses d’Adjanou de Sakassou. « Pendant la crise post-électorale, il y a eu des choses inimaginables », révèle-t-il. Banny lui-même s’est attaqué au verdict rendu par les juges dans l’affaire des 83 pro-Gbagbo devant les Assises. Non seulement, il a dénoncé ce verdict qui, à ses yeux n’est pas rassurant, mais en plus il a qualifié l’appareil judiciaire de ”justice aux ordres”. « (…) un verdict doit rassurer. Quand vous condamnez la dame qui s’appelle Mme Gbagbo, mais le président du Fpi (Front populaire ivoirien, ndlr) s’appelle Affi N’guessan ! Vous avez les peines, vous pouvez les comparer. Ça ne rassure pas les Ivoiriens sur le caractère équitable de la justice. (…) Le terme le plus correct pour les Ivoiriens, ce serait de dire justice aux ordres », rappelait M. Banny dans un entretien qu’il a accordé à la radio Bbc et dont la presse s’est fait l’écho le lundi 16 mars dernier.
Le camp Soro se déchaîne
Comme pour anticiper sur les intentions de Charles Konan Banny, l’une des plumes au service du chef du parlement ivoirien, en l’occurrence Franklin Nyamsi, a fait une contribution dans ce sens. Il a tenté de jeter le discrédit sur le rapport de la Cdvr. « Mais peut-être est-ce plutôt parce que Banny croit pouvoir damer le pion au régime Ouattara sur les plans de la justice politique et des enjeux de la réconciliation nationale. L’homme prétend donc retourner à l’envoyeur ce qu’il considère lui-même comme sa nomination « piège » par le président Ouattara à la tête de la Cdvr. Quels sont donc les arguments de Banny pour croire que les conclusions de la Cdvr plaident pour l’habiliter à diriger le pays à l’issue des élections 2015 ? Ils sont globalement au nombre de trois : 1) La culpabilité collective supposée établie des camps Ouattara et Gbagbo par le rapport de la Cdvr ; 2) L’absence d’une justice équitable pour tous sous le régime Alassane Ouattara ; 3) La légitimité absolue du Pdci, et en son sein de ses « irréductibles » qui n’ont trempé avec aucun des camps en conflit », indiquait l’hagiographe de Guillaume Soro. « Rétrospectivement, on ne pourrait dès lors, que suggérer au président Ouattara de se méfier pleinement du rapport de la Commission-Banny, eu égard aux intentions actuellement révélées par ce commissionnaire au double langage. La Cdvr décidément, est morte-née des ambitions démesurées de Charles Konan Banny. Et dire que 16 milliards de Fcfa se sont ainsi envolés ! », relève-t-il.
La deuxième stratégie de Banny, c’est de se présenter comme un homme propre n’ayant trempé dans aucune crise. Il ne manque pas de le dire chaque fois qu’il en a l’occasion. C’est clair, la guerre est désormais déclarée entre le pouvoir en place et l’ancien patron de la Cdvr. Le second n’entend plus croiser les bras et veut briser toutes les étiquettes, notamment celle qui consiste à le faire passer pour un ” peureux ” sur la scène politique ivoirienne. De son côté, le pouvoir dit disposer, lui aussi, de certains dossiers gênants contre l’ex-gouverneur de la Bceao. La campagne électorale s’annonce donc riche en révélations.
L’inter