Dans le quartier de Kasimpasar à Istanbul, trois amis prennent un thé au café après avoir voté. Mais l’ambiance n’est pas à la fête pour ces Turcs issus de la minorité kurde qui disent se sentir « discriminés » en Turquie. Tous ont voté pour Kiliçdaroglu, sans conviction, pour dire non à Recep Tayyip Erdogan, rapporte notre envoyée spéciale sur place, Aurore Lartigue. « C’est très déprimant, on a senti un rétrécissement de nos libertés qui a été aggravé par la crise économique. On a du mal à se nourrir, à acheter des médicaments… On n’a plus de perspectives ». Ils sont professeurs dans le secondaire et ils disent gagner autour de 15 000 lires turques alors que leur loyer varie entre 8 et 10 000 lires turques.
11h43 : Recep Tayyip Erdogan a voté à Istanbul
Le président sortant, Recep Tayyip Erdogan a pour sa part voté à Istanbul ce matin accompagné de sa femme. Il a estimé que le vote « sera conclu rapidement ».
Kemal Kiliçdaroglu, candidat de l’opposition, vient de voter à Ankara, à l’école primaire argentine. Parmi la foule qui l’attend, une retraitée est venue lui apporter un poème que sa mère lui a écrit, rapporte notre envoyée spéciale sur place, Céline Pierre-Magnani.
À la sortie du bureau de vote, le candidat a appelé ses « concitoyens à voter pour se débarrasser d’un régime autoritaire ».
Le candidat de l’opposition Kemal Kiliçdaroglu arrive au bureau de vote pour voter à Ankara le 28 mai 2023.
Le candidat de l’opposition Kemal Kiliçdaroglu arrive au bureau de vote pour voter à
11h10 : Depuis sa prison, l’ex-dirigeant du HDP, le principal parti de la gauche pro-kurde en Turquie, appelle à aller voter
Ex-candidat à la présidentielle de 2016 où il avait recueilli un peu plus de 8% des voix, Selahattin Demirtas a appelé les Turcs à faire usage de leur droit de vote ce dimanche en postant sur Twitter une photo d’archive le montrant en train de voter. Il est emprisonné depuis 2016 après avoir été reconnu coupable de « terrorisme ».
10h45 : Une crise économique qui ne fait pas forcément le bonheur de l’opposition
À l’heure de l’élection, quel bilan économique peut-on tirer de la présidence d’Erdogan? Alors que le pays fait face à une crise économique sans précédents, la situation n’est pas forcement bénéfique pour à Kemal Kiliçdaroglu, selon la spécialiste de la Turquie Deniz Ünal, économiste au CEPII, le Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations internationale :
« Selon les chiffres officiels, l’inflation sur un an est de 50%. Au cours de l’année dernière, c’est allé jusqu’à 80 %, explique la spécialiste. Ça ne veut pas dire que le niveau des prix a baissé depuis. Seulement, le rythme de croissance a légèrement ralenti. Tout ça, c’est selon les chiffres officiels. Mais d’autres autorités que l’Institut national turc mesurent une inflation proche de 100%, ce qui se traduit par un effritement des revenus des agents publics. Et par rapport à cette situation, qui a été créée en Turquie pratiquement de toutes pièces par une gouvernance chaotique et qui est indépendant de la situation internationale où l’inflation est très élevée aussi : le gouvernement a agi par des mesures qu’on appelle “orthodoxes”. »
« Mais en réalité, ce sont des mesures vraiment pour juste sauver l’instant présent, sans cohérence, en utilisant beaucoup d’intervention sur le marché. Et le marché a perdu toute cohérence dans une économie qui était jadis libérale. Et là, c’est très difficile, vraiment, de réguler cette économie. »
Alors normalement, ce mauvais ou ce faible bilan économique d’Erdogan pourrait profiter à son rival. Normalement, ça devrait parce qu’évidemment, on est dans une société extrêmement polarisée, dans un langage guerrier vis-à-vis de l’autre, et c’est une société désormais très fatiguée. Mais d’un autre côté, les gens savent ce qu’ils vont faire, mais ils ne savent pas exactement ce qu’ils vont gagner avec Kemal Kiliçdaroglu. N’oublions pas qu’on est dans une autocratie et les élections dans une autocratie font prévaloir une forme de démocratie, une démocratie électorale. Mais en réalité, c’est loin d’être démocratique. Et Kiliçdaroglu est complètement défavorisé dans ces élections autocratiques. Parce qu’il y a la propagande qui est donc menée dans l’ensemble des médias du pays, à grande échelle, le montrant avec des terroristes et en ne faisant pas du tout ressortir des problèmes économiques [liés à la gestion d’Erdogan]. Erdogan a très bien habilement évité tout ce qui pouvait tourner autour de l’économie, tandis que Kiliçdaroglu a essayé d’en parler, il a essayé d’expliquer que l’économie doit [dépendre] d’institutions indépendantes, doit être régulée comme ça l’avait été dans la première décennie de pouvoir d’Erdogan. Donc il veut qu’on y revienne. Il veut aussi qu’on revienne au système parlementaire. Pour les gens qui n’attendent pas de discours compliqués, c’est assez difficile à digérer.
Ce n’est «pas sûr que Kiliçdaroglu tire profit du mauvais bilan éco d’Erdogan», selon la chercheuse Deniz Ünal
Accueillis à bras ouverts par la Turquie au début de la guerre, les Syriens se sont retrouvés au centre des surenchères politiques de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, sur fond de nationalisme exacerbé et de montée d’un sentiment antimigrants. Reportage par notre envoyée spéciale à Istanbul, Aurore Lartigue.
Dans un bureau de vote, Eran explique que « je ne peux pas vous dire pour qui je vote mais je veux du changement, dit le jeune électeur de 29 ans en souriant. Ce n’est pas parce qu’il a réussi à garder le pouvoir pendant toutes ces années qu’il n’a pas commis d’erreur. Maintenant je veux passer à autre chose. »
Pareil pour Sinem. L’employée du secteur hôtelier à Istanbul âgée de 38 ans, « a l’espoir de retrouver la démocratie et que la situation économique va s’améliorer. Elle refuse néanmoins de dire pour qui elle vote. Elle a peur de dire le nom du candidat d’opposition.
9h25 : À Istanbul, dans le quartier de Besiktas, les électeurs aspirent au changement
Depuis que je suis né, c’est le même homme qui dirige… On est vraiment une génération malchanceuse ! Notre pays ne cesse de s’éloigner de la démocratie et s’il gagne, ça continuera dans ce sens-là.
8h50 : Dans le camp Erdogan, la victoire ne fait aucun doute
Dans le camp de Reccep Tayyip Erdogan, on est sûr ce matin de la victoire, sûr que le président turc pourra obtenir ce nouveau mandat de cinq ans et entamer une troisième décennie au pouvoir, rapporte notre envoyé spécial à Istanbul, Daniel Vallot. Une incroyable longévité pour ce dirigeant dont on avait dit à tort qu’il était en perte de vitesse, finalement arrivé en tête avec 49% des voix. Il peut compter sur le soutien inconditionnel de sa base électorale – qui va voter pour lui massivement malgré la crise économique. Un peuple conservateur, attaché aux valeurs traditionnelles et à l’Islam – attaché également et c’est très important à la stabilité, au refus du changement que veut incarner le candidat de l’opposition Kemal Kiliiçdaroglu.
La plupart des électeurs de l’opposition à qui RFI a pu parler se montre très pessimistes, assommés par ce premier tour alors qu’il croyait à une victoire, assommés également par les résultats des législatives, tout aussi défavorables pour le camp de l’opposition. La question est bien sûr de savoir si le virage à droite opéré par Kiliçdaroglu entre les deux tours peut fonctionner, avec notamment cet appel à expulser tous les réfugiés syriens. Le candidat de l’opposition veut capter le vote nationaliste mais c’est une stratégie risquée qui divise parmi les électeurs de l’opposition – certains se disent choqués par ce virage à droite – d’autre saluent au contraire une attitude plus ferme susceptible à leurs yeux de convaincre les électeurs nationalistes qui rejettent erdogan, et aussi les quelques millions de personnes qui ne sont pas allées voter il y a deux semaines.
8h15 : À Istanbul, les électeurs arrivent au compte-gouttes
Dans le bureau de vote du collège Tarhan, dans le quartier de Beyoglu, les électeurs arrivent au compte-gouttes. Une petite table est installée pour permettre aux votants de boire un thé avant de repartir et de manger une pâtisserie avant de repartir, rapporte notre envoyée spéciale à Istanbul, Aurore Lartigue.
Irem ilayda Zoodsma fait partie des observateurs pour le compte du parti TYP. Elle explique que les effectifs ont été renforcés depuis le premier tour. « Il y a beaucoup de craintes concernant des fraudes électorales, d’éventuels trucages des urnes », explique-t-elle. Si un problème est signalé ou qu’elle constate un manquement aux règles, elle peut faire une déclaration. « Nous sommes là pour résister et défendre la démocratie », assure-t-elle.
Hurrem est avocate. « Bien sûr, l’ambiance n’est pas la même qu’au premier tour, dit-elle, où nous avions beaucoup d’espoir ». Mais pour elle, le point essentiel de cette élection, c’est que le processus électoral se déroule dans un climat apaisé et dans le respect de règles démocratiques.
La cour du collège Tahran à Istanbul qui fait office de bureau de vote pour le second tour de la présidentielle turque.
7h55 : Kiliçdaroglu veut convaincre les abstentionnistes
Recep Tayyip Erdogan est arrivé en tête lors du premier tour et il semble bien placé pour l’emporter ce dimanche. Mais l’opposition espère malgré tout mobiliser ses électeurs, et tous ceux qui se sont abstenu il y a deux semaines. Ils sont près de 8 millions de Turcs à ne pas avoir voté lors du premier tour et leur mobilisation pourrait faire la différence.
Ce n’est pas un vote idéologique, mais un vote pour sauver notre économie qui est en train de couler… Depuis 2017, il n’y a plus de classe moyenne en Turquie, seulement des riches et des pauvres.
La grande question pour ces élections sera la mobilisation, après les résultats inattendus lors du premier tour, puisque beaucoup de sondages donnaient Kemal Kiliçdaroglu en avance, mais c’est finalement Recep tayyip Erdogan qui en est arrivé devant. Les thématiques nationalistes ont dominé le débat pour ce second tour, rapporte notre correspondante à Ankara, Céline Pierre-Magnani.
Afin de convaincre l’électorat du candidat nationaliste Sinan Oğan, arrivé troisième avec 5 % des suffrages, Kemal Kiliçdaroglu a procédé à un virage à droite. Il a notamment insisté sur deux grands thèmes chers à la droite : le renvoi de près de 4 millions de réfugiés syriens dans leur pays et la lutte contre le terrorisme. Si Sinan Oğan a finalement appelé à voter Recept Tayyip Erdogan, un de ses alliés de la petite coalition très anti-migrants a lui appelé à soutenir Kemal Kiliçdaroglu. Le parti pro-kurde a également renouvelé sa confiance en faveur du candidat de l’opposition.
Le président sortant part avec une avancée et n’a pas hésité à muscler son discours, se rendant notamment à la tombe de l’ancien président islamo-conservateur Adnan Menderes, jugé et exécuté par des militaires lors d’un coup d’État en 1960. Il a également fait allusion à une fausse vidéo qui accusait son opposant de connivence avec le PKK, organisation kurde considérée comme « terroriste ».
7h : Les bureaux de vote ont ouvert
Les premiers électeurs ont pu déposer leur bulletin dans l’urne et faire leur choix entre le président sortant Recep Tayyip Erdogan et son opposant Kemal Kiliçdaroglu. Le président sortant avait obtenu 49,5 % des voix lors du premier tour contre 45% pour Kiliçdaroglu. Le report des voix du candidat nationaliste Sinan Oğan, arrivé troisième avec 5 % des suffrages, vont peser lourd dans la balance lors de ce second tour.