Quarante-trois ans après l’attentat à la bombe contre la synagogue de la rue Copernic à Paris, qui a fait quatre morts et des dizaines de blessés en octobre 1980, l’unique accusé, Hassan Diab, a été condamné ce vendredi 21 avril en son absence à la réclusion criminelle à perpétuité.
« L’accusé est-il coupable ? ». « Oui », a répondu la cour d’assises spéciale, qui a condamné Hassan Diab à la peine maximale et décerné un mandat d’arrêt à son encontre. Après trois semaines de débats et près de huit heures de délibéré, la cour d’assises spéciale de Paris a tranché entre les deux seules options possibles dans ce procès si singulier.
À la sortie de l’audience, Carole Ancona a salué « une belle victoire ». Le 3 octobre 1980, elle faisait partie des 320 personnes présentes dans la synagogue de la rue Copernic lorsque la bombe a explosé, faisant quatre morts et des dizaines de blessés. « C’est vrai que c’est un peu tard, mais il est toujours temps de faire les choses comme il le faut, donc nous sommes très heureux, toutes les parties civiles, de cette décision de la cour », a-t-elle confié au micro de Laura Martel,« Mission impossible »
« La preuve est faite que dans les plus grands dossiers d’attentat, même avec des éléments à charge discutables et contradictoires, et même avec une ordonnance de non-lieu de deux juges d’instruction parmi les plus expérimentés de France, obtenir l’acquittement dans ce pays est devenu mission impossible », a réagi de son côté Me William Boudron, l’un des avocats d’Hassan Diab.
L’accusation avait requis cette peine de perpétuité, la seule « envisageable » pour l’universitaire libano-canadien de 69 ans, qui est selon elle, « sans aucun doute possible », l’auteur de cet attentat antisémite il y a près de 43 ans, et le seul mis en cause dans ce dossier, l’un des plus longs de l’antiterrorisme français. Sans surprise non plus, tant l’audience a été marquée par deux thèses antagonistes, la défense avait plaidé l’acquittement, demandant aux cinq magistrats professionnels d’« éviter une erreur judiciaire ».
Le dossier s’appuie essentiellement sur des renseignements, qui ont attribué dès les années 1980 l’attentat – qui n’a pas été revendiqué – au Front populaire de libération de la Palestine-Opérations spéciales (FPLP-OS), un groupe dissident du FPLP. Après une longue mise en sommeil de l’instruction, de nouveaux renseignements désignaient en 1999 les membres présumés du commando, dont Hassan Diab comme celui qui aurait confectionné la bombe avant de l’abandonner devant la synagogue.
De cet accusé, dont la chaise est demeurée vide dans le prétoire, la cour n’aura vu que des photos en noir et blanc à divers âges de sa vie, les confrontant avec les portraits-robots de l’homme qui avait acheté la moto utilisée pour l’attentat, dessinés par des témoins en 1980. Défense et accusation auront surtout bataillé autour d’une autre photographie, celle de piètre qualité du passeport d’Hassan Diab, au cœur de l’accusation. Ce passeport comportant, à des dates entourant l’attentat, des tampons d’entrée et de sortie d’Espagne, pays d’où serait parti le commando selon les renseignements, avait été saisi en 1981 à Rome sur un membre présumé du FPLP-OS. Son existence n’avait été révélée que 18 ans après les faits.
La cour a considéré que cette « pièce centrale » prouvait l’appartenance de Hassan Diab à cette organisation et que « des éléments matériels accréditent le renseignement » le désignant comme le poseur de la bombe. Elle a par conséquent écarté les « alibis » présentés par le Libano-Canadien, qui a toujours assuré qu’il ne pouvait être en France au moment des faits puisqu’il passait ses examens à l’université de Beyrouth. Les explications « variables » et « peu crédibles » de Hassan Diab sur ce passeport « prétendument perdu » n’ont pas emporté la conviction de la cour, a souligné son président, Christophe Petiteau. La défense avait rétorqué, en vain, qu’« aucun élément matériel, aucune preuve » ne permettait d’attester de la présence de l’ancien étudiant de sociologie à Paris lors de l’attentat.
Hassan Diab avait dans un premier temps bénéficié d’un non-lieu en janvier 2018. Remis en liberté, il était reparti au Canada. Ce non-lieu avait été infirmé trois ans plus tard par la cour d’appel, qui avait ordonné la tenue de ce procès pour assassinats, tentatives d’assassinats et destructions aggravées en relation avec une entreprise terroriste.
« Les voies de recours ne pourront être effectives que le jour où le mandat (d’arrêt) sera notifié » à Hassan Diab, qui pourra « acquiescer » la décision ou y « faire opposition », a précisé le président Petiteau. L’issue d’une éventuelle nouvelle procédure d’extradition est incertaine, la première, qui avait abouti au bout de six ans, ayant tendu les relations diplomatiques entre la France et le Canada.