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Procès des pro-Gbagbo: Des Assises à la sauce de la précipitation!

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Le procès pour «Atteinte à la sûreté de l’Etat», charge retenue contre Simone Gbagbo et plusieurs partisans de l’ex-chef d’Etat, Laurent Gbagbo, suspendu le 30 décembre 2014, troisième jour après son démarrage, reprend ce mardi 6 janvier 2015 dans la salle de la cour d’Appel du palais de justice d’Abidjan-plateau avec l’audition de 6 accusés. Mais ce procès pénal historique lié à la crise postélectorale, après celui des militaires, semble avoir été mal peaufiné…

Et pourtant pour le chef de l’Etat…

« (…) Après une période difficile, qui nous a conduit parfois à recourir à la justice internationale, notre système judiciaire est désormais sur les rails grâce aux réformes engagées par le Gouvernement et à l’amélioration des conditions de travail des magistrats. Aujourd’hui, notre pays est capable de garantir à tous une justice équitable et de respecter les exigences de la justice internationale en matière de procédures judiciaires et de jugement», a déclaré, Alassane Ouattara, le chef de l’Etat, à l’occasion de la présentation de ses vœux de nouvel an à ses concitoyens. Et ben, à cette allure, les Ivoiriens peuvent déjà rêver d’une justice émergente (le mot ressassé dans tous les grands discours en ce moment) en 2020. Bravo à sa Majesté Ouattara 1er et à son dynamique gouvernement! Cependant, entre ces propos assez laudateurs du premier magistrat du pays à l’endroit de l’appareil judiciaire, et les réalités du terrain auxquelles sont confrontées, au quotidien, les justiciables dans les couloirs des palais de justice, dans les bureaux des juges, dans les salles d’audience et hors des palais de justice, c’est-à-dire dans les lieux de détention légaux et clandestins, un grand fossé semble exister. Les dysfonctionnements graves constatés depuis le 26 décembre 2014, date de démarrage du procès, devant la Cour d’Assises, de l’ex-Première dame, Simone Gbagbo et 82 autres partisans de Laurent Gbagbo le démontrent bien.

Un procès loin d’être équitable

Un procès équitable. C’est l’assurance donnée par le président de la cour d’Assises, Tahirou Dembelé, aux accusés et à leurs avocats dès l’ouverture de ce procès. Mais à regarder de plus près la précipitation avec laquelle cette audience criminelle se déroule, il est difficile d’avancer que l’équité sera de mise. Manque de célérité du parquet dans la communication des pièces du dossier d’accusation à la défense, accès difficile des avocats auprès de certains accusés, détenus dans des lieux de détention non réglementaires, voilà quelques prouesses du parquet général qui ont été portées à la connaissance du président de cette juridiction, par les avocats. C’était le mardi dernier, 30 décembre 2014, le jour prévu pour l’audition de cinq accusés. «On ne souhaite pas que nos clients soient condamnés parce qu’on a manqué de travailler avec eux», a déploré Me Dadjé Rodrigue. A sa suite, Me Mathurin Dirabou a ajouté : «Nos clients sont considérés comme des criminels spéciaux qu’on doit vraiment voir avec la bénédiction du parquet et non le droit.» Cela constitue une violation du droit de la défense, a dénoncé le collectif des avocats des accusés. Le président de la cour d’Assises a, pour sa part, face aux griefs soulevés par ces derniers, rappelé à l’avocat général, Siméon Yabo Odi, que le droit de la défense ne doit pas être une faveur mais un droit auquel il doit satisfaire. Il a, par conséquent, suspendu et renvoyé l’audience pour ce mardi, afin de permettre aux conseils des accusés d’accéder aux pièces du dossier d’accusation et à leurs clients.

La pression de la Cpi, à la base de cette précipitation?

Prévue pour démarrer le mercredi 22 octobre 2014, le procès devant la cour d’Assises de l’ex-Première dame et des 82 personnalités proches de Laurent Gbagbo avait été reporté à une date ultérieure. Mais suite à l’injonction faite le jeudi 11 décembre dernier par la Cour pénale internationale aux autorités ivoiriennes pour le transfèrement de Simone Gbagbo, la justice a, miraculeusement, retrouvé ses marques au point d’entamer le jugement de ces 83 personnes, gardées en détention préventive pour les unes et en liberté provisoire, pour les autres. Cela, deux semaines seulement après cette injonction. Mais pourquoi, après tout ce temps mis, la justice ivoirienne se sent enfin prête et capable pour juger ces personnes? Est-ce parce qu’elle «est désormais sur les rails grâce aux réformes engagées par le Gouvernement et à l’amélioration des conditions de travail des magistrats», comme l’affirme le président de la République? En réalité non! C’est plutôt le refus des autorités en place de livrer Simone Gbagbo à La Haye qui est à la base de la précipitation de ce jugement. Le manque de moyens financiers et matériels évoqué par l’avocat général le 30 décembre dernier, lors de l’audience du jour, le prouve bien. Mais la crédibilité de la justice ivoirienne est une nouvelle fois engagée dans ce deuxième procès lié à la crise postélectorale. Car en même temps qu’elle cherche à prouver à la Cpi qu’elle a les mêmes capacités que cette juridiction pour juger madame Gbagbo et les autres accusés, autant elle se doit aussi de prouver à ses concitoyens qu’elle est une justice indépendante et équitable. Vous avez dit indépendance?

NOËL KONAN (In «L’Eléphant déchaîné» N°313 du mardi 6 au jeudi 8 janvier 2015

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