Cinq des 83 pro-Gbagbo poursuivis devant la Cour d’assises ont comparu, mercredi 18 février 2015, devant les juges. Il s’agit de Michel Gbagbo, fils de l’ex-président ivoirien, de Sangaré Abou Drahamane, de Lourougnon Kuyo Maurice, de l’ex-gouverneur de la Bceao Philippe Dacoury Tabley.
Dans leur audition, les noms du ministre Hamed Bakayoko, de Youssouf Bakayoko de la Commission électorale indépendante et de Paul Yao N’dré ont été cités. L’audience de ce mercredi avait ceci de différent.
Contrairement au procès des pontes du Front populaire ivoirien qui s’achevait autour de 15h, le procès d’hier a duré dix heures d’horloge (9h30-19h30) et a enregistré six témoins. Ces témoins ont indexé une seule et unique personne : Michel Gbagbo qui « a encouragé et galvanisé ses hommes à nous faire du mal », ont-ils dit. Les faits se déroulent au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2010.
Représentants du Rassemblement des houphouetistes pour la paix et la démocratie (Rhdp) dans les bureaux de vote, les témoins ont affirmé que Michel Gbagbo a sillonné les bureaux de vote à Yopougon Ananeraie, Banco, Zone industrielle, Lokoua, Lycée technique, accompagné de sa femme et de miliciens, pour tenter d’emporter les urnes.
Mais face à leur résistance, le fils de l’ex-président a promis de le leur faire payer cher, ont-ils accusé. Les six témoins ont ainsi indiqué que juste après le départ de Michel Gbagbo des lieux de vote, des éléments du Cecos, selon certains témoins, des miliciens, selon d’autres, les ont visités.
« Ils nous ont frappés comme on ne le ferait pas, même avec un chien », a témoigné Doukouré Losséni qui s’est montré très furieux à la barre. Exhibant les séquelles des blessures que lui ont causées ses bourreaux. Avant lui, Kéita Djiba qui est commerçant a fait pareil. « Michel Gbagbo m’a fait du mal », a-t-il dit parce qu’il a refusé la demande du mis en cause de se mettre au service du camp Gbagbo.
Seulement dans leur description des faits, les témoins ont montré quelques incohérences sur la manière dont était vêtu l’accusé ce jour et aussi le nombre de personnes avec lesquelles il s’est présenté. Tout comme sur son attitude sur les lieux indiqués.
Rappelé à la barre pour répondre de ces accusations, Michel Gbagbo les a toutes rejetées, relevant qu’il n’a été à Yopougon où il a été recensé que pour voter. Pas plus. Mais il a dit savoir d’où venaient ces accusations. « C’est Hamed Bakayoko », a-t-il cité.
« Monsieur le président, mon avocat a déposé en France une plainte contre Soro Guillaume. Hamed Bakayoko m’a cordialement invité chez lui et m’a demandé de retirer la plainte. Je lui ai que je ne peux pas parce que c’est mon avocat qui l’a déposée. Alors il m’a dit qu’il a les moyens de fabriquer des preuves que je distribuais des armes à des miliciens à Yopougon. Voilà comment je comprends les accusations de ces témoins », a révélé Michel Gbagbo. Car dira- t-il, lors de l’instruction judiciaire, « jamais on ne m’a posé des questions relatives à ces actes. Je n’ai jamais été confronté à ces personnes ».
Au cours de son audition à cette audience, Sangaré Abou Drahamane a été invité par le parquet à se prononcer sur les circonstances de la proclamation des résultats du second tour des élections.
La défense a vivement réagi à cette attitude, indiquant au président de la Cour, Dembelé Tahirou, que sur cette question le parquet doit appeler à la barre « les sachants que sont Youssouf Bakayoko, président de la Cei et Paul Yao N’dré du Conseil constitutionnel pour s’expliquer ». « Ce n’est pas aux accusés de répondre à ces questions », a protesté Me Dadjé Rodrigue.
Dans son mot de fin, Sangaré Abou Drahamne a demandé à la Cour deux choses « importantes ». « Je vous demande de tout faire pour dire qui a gagné les élections de 2010. C’est important pour la Côte d’Ivoire. Nous en avons besoin pour les générations futures », a-t-il voulu dans un premier temps.
Deuxièmement, il a demandé que la Cour œuvre à la libération de Laurent Gbagbo et à son retour en Côte d’Ivoire. « Laurent Gbagbo est un chaînon manquant de la réconciliation. Sans Gbagbo, il n’y a pas de réconciliation. Qu’il vienne s’expliquer devant son peuple », a sollicité Sangaré.
Quant à l’ex-gouverneur de la Bceao, il a relevé que sa présence au procès est comme « un cheveu sur la soupe ». Il a estimé qu’en tant que banquier, ayant servi hors de la Côte d’Ivoire où il n’est rentré que le 25 mars 2011, il n’y avait de raison qu’il soit poursuivi et emprisonné. D’autant plus que sur sa gestion de la Bceao, ni le conseil des ministres, ni la conférence des présidents de l’Uemoa ne l’ont blâmé, a-t-il affirmé.
Sur la question de savoir pourquoi il ne s’est pas soumis à la décision des chefs d’État qui ont reconnu la signature de Ouattara à la Bceao et non celle de Laurent Gbagbo, Dacoury s’est réfugié sous le parapluie du secret professionnel et de son immunité diplomatique pour ne pas répondre. Cela a valu pour d’autres questions relatives à sa gouvernance à la Banque durant la crise post-électorale.
César DJEDJE MEL
linfodrome.com