Que se passe-t-il si à la fin des débats, les députés n’ont pas voté la loi ? Un passage au Sénat sans vote, explique le constitutionnaliste Dominique Rousseau.
L’horloge tourne pour les députés. Ce vendredi 17 février à minuit, les débats sur la réforme des retraites prendront fin… que le texte ait été étudié en entier ou pas. C’est la procédure voulue par le gouvernement, qui a choisi de faire passer sa réforme majeure par un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et d’utiliser l’article 47.1 de la Constitution pour contraindre le travail des parlementaires. De la Nupes au RN, beaucoup de députés s’inquiètent de ne pas avoir pu voter avant la date butoir. Alors que se passera-t-il à minuit ? Éclairage.
L’article 47.1 fixe un délai de 50 jours pour voter les projets de loi de financement de la sécurité sociale. L’Assemblée nationale dispose, en première lecture, de 20 jours. Le texte étant arrivé le 30 janvier en commission, il doit être examiné avant ce samedi – un délai ramené à vendredi, l’Assemblée ne siégeant pas le week-end. Une course contre la montre difficile à mener avec les milliers d’amendements à discuter. Les députés n’ont examiné qu’une poignée d’articles et ne sont même pas arrivés au 7e, le plus symbolique, qui repousse l’âge de départ à 64 ans.
Passage au Sénat sans vote
Ce vendredi à minuit, « le débat s’arrête et le texte passe automatiquement au Sénat », explique Dominique Rousseau, professeur de droit public à l’université Paris-I. Et ce, sans aucun vote : le texte est transmis en l’état aux sénateurs, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée et soulagé des articles éventuellement supprimés par les députés, comme l’article 2 sur l’index séniors pour les entreprises. Vu la tournure des événements, le constitutionnaliste estime qu’il est « très probable que la loi ne soit pas votée par l’Assemblée ».
Passage au Sénat sans vote
Ce vendredi à minuit, « le débat s’arrête et le texte passe automatiquement au Sénat », explique Dominique Rousseau, professeur de droit public à l’université Paris-1. Et ce, sans aucun vote : le texte est transmis en l’état aux sénateurs, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée et soulagé des articles éventuellement supprimés par les députés, comme l’article 2 sur l’index séniors pour les entreprises. Vu la tournure des événements, le constitutionnaliste estime qu’il est « très probable que la loi ne soit pas votée par l’Assemblée ».
Le Sénat n’a alors que quinze jours pour débattre du texte, qu’ils reprennent à l’article 1. Les élus peuvent alors l’amender à leur tour ou annuler des amendements adoptés par les députés. Le gouvernement, lui, « peut très bien réintroduire l’article 2 supprimé » ou modifier encore le texte, assure Dominique Rousseau.
À l’issue des 15 jours, que le Sénat ait adopté un texte final ou non, direction la commission mixte paritaire. Composée de sept députés et sept sénateurs, elle doit trouver un terrain d’entente pour aboutir à un texte commun qui doit ensuite retourner devant chacun des hémicycles. Si les députés, qui ont le dernier mot, l’adoptent tel quel, la réforme passe. Sinon, ils peuvent à nouveau en débattre, « et le gouvernement pourra alors user du 49.3 » pour faire adopter la loi sans vote.
Si, à l’issue du temps réglementaire de 50 jours la loi n’a pas été votée – donc ni adoptée ni rejetée – par le Parlement, « les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance » par l’exécutif, indique la Constitution. Une manœuvre juridiquement prévue par les textes, mais politiquement très risquée.
La réforme censurée par le Conseil constitutionnel ?
Pour Dominique Rousseau, la procédure choisie par le gouvernement est très discutable, et pourrait être retoquée par le Conseil constitutionnel. « L’article 47 peut être utilisé pour une loi de financement de la sécurité sociale : les délais sont compréhensibles, car le budget doit être adopté avant le 31 décembre. Or, là, il n’y a aucune obligation que la réforme soit votée en mars plutôt qu’en juin ou plus tard… » Les Sages pourraient ainsi censurer l’intégralité du texte pour « détournement de procédure », sans se prononcer sur le fond. « Mon analyse, c’est qu’il y a un risque sérieux d’inconstitutionnalité, car l’utilisation du 47.1 dans ce cas porte atteinte à la sincérité du débat. » Tout est une question d’interprétation des textes.
Si le gouvernement choisit de procéder par ordonnance à l’issue du délai de 50 jours, le Conseil constitutionnel ne pourra, en revanche, pas se prononcer sur la réforme. Il faudra alors se tourner vers le Conseil d’État, qui devrait se pencher sur le bien-fondé du choix de cette procédure.