La cinquième journée de mobilisation contre le projet de réforme des retraites prévue ce jeudi 16 février en France s’annonce moins suivie que précédemment, les syndicats préférant se concentrer sur une prochaine échéance.
Après une journée de samedi qui a mobilisé 963 000 manifestants selon les autorités, plus de 2,5 millions selon les syndicats, l’affluence devrait être moindre ce jeudi. Au plan national, une source policière citée par l’Agence France-Presse dit attendre entre 450 et 650 000 personnes, dont 40 à 70 000 personnes à Paris. En parallèle de ce défilé dans la capitale, les numéros un de l’intersyndicale manifesteront à Albi (sud-ouest), symbole d’une France des petites villes très mobilisées contre la réforme.
Les perturbations s’annoncent limitées dans les transports, avec quatre trains à grande vitesse (TGV) sur cinq en circulation et un trafic normal dans le métro parisien. Seul un train régional sur deux circulera dans les régions et à Paris. Le service sera partiellement perturbé sur certains trains de banlieue. De même, 30% des vols à Paris-Orly seront annulés et des aéroports en région affectés.
Je serais pour que ça continue, mais j’ai l’impression qu’on n’est pas écoutés par le gouvernement.
Dès mercredi après-midi, de nombreuses centrales hydroélectriques se sont mises en grève, notamment la plus puissante de France, à Grand’Maison (sud-est), rendant indisponibles pour le réseau l’équivalent de quelque 3 000 MW.
Fermeture de sites universitaires
Plusieurs sites universitaires ont également été fermés ce mercredi en raison de blocages par des étudiants ou de possibles occupations dans le cadre de la mobilisation contre le projet de réforme des retraites. À Rennes, la présidence de l’université de Rennes 2 a annoncé dans un communiqué avoir décidé la fermeture administrative de l’établissement mercredi et jeudi en raison d’informations sur une possible occupation dans le cadre de la mobilisation contre le projet de réforme des retraites. Fer de lance traditionnel de la contestation étudiante, Rennes 2 avait déjà été fermée pendant trois jours la semaine dernière, à la suite d’un blocage étudiant.
À l’université de Nantes, plusieurs bâtiments ont été fermés par la présidence « pour la journée du mercredi », dont la faculté de langues ainsi que celle de droit et sciences politiques. Cette mesure a été prise « compte tenu des incertitudes sur l’évolution de la situation », a fait savoir l’institution sur Instagram. À Paris, le site de Tolbiac de l’université de Paris 1 a été fermé mercredi après-midi suite à un blocage par des étudiants commencé le matin, suivi par une assemblée générale à la mi-journée rassemblant plusieurs centaines d’étudiants. Ceux-ci ont voté l’occupation immédiate des locaux. Une assemblée générale était appelée à 20h pour décider de la suite de la situation avant un nouveau blocage jeudi, ont précisé des étudiants à l’AFP.
Un million de signatures contre la réforme
Le front intersyndical contre ce projet veut mettre toutes ses forces dans la journée du 7 mars, lors de laquelle il menace de mettre le pays « à l’arrêt » si le gouvernement ne renonce pas à reporter l’âge de la retraite à 64 ans, contre 62 aujourd’hui. L’intersyndicale de l’éducation, qui réunit les sept principaux syndicats enseignants, a ainsi appelé à « fermer totalement les écoles, collèges, lycées et services » ce jour-là si le gouvernement et le Parlement « restent sourds » à la mobilisation. Les éboueurs sont eux aussi appelés par leur fédération CGT à se mettre en grève reconductible à partir du 7 mars.
Lancée en janvier, une pétition des huit syndicats unis contre une réforme jugée « injuste et brutale » a atteint mercredi le cap symbolique d’un million de signatures, selon la plateforme change.org.
À l’Assemblée nationale, où des débats houleux sont engagés sur ce projet, le gouvernement qui ne dispose que d’une majorité relative a essuyé un premier revers majeur mardi soir. Les députés ont rejeté un des articles du texte en raison du vote hostile d’une partie des élus des Républicains, la droite traditionnelle sur laquelle l’exécutif compte pour faire passer la réforme. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a toutefois assuré mercredi que « sur ce texte comme les autres, nous croyons dans la possibilité de cette majorité ».
La cheffe de l’extrême droite Marine Le Pen a annoncé mercredi soir le dépôt d’une motion de censure « afin que les députés opposés » à la réforme des retraites « puissent exprimer leur rejet de ce texte », évoquant un « référendum parlementaire ». Cette motion devra être débattue et soumise au vote dans un délai compris entre 48 heures après son dépôt – soit vendredi, 17h55 – et trois jours de séance – soit le mercredi 1er mars, puisque l’Assemblée suspend ses travaux la semaine prochaine. Les autres groupes ont aussitôt exclu de voter cette motion.
Les débats à l’Assemblée doivent prendre fin vendredi à minuit. Or mercredi, vers 16h, près de 14 000 amendements restaient à examiner.
Des caisses de grève déterminantes
Alors que la mobilisation est appelée à durer, certains syndicats ont activé leurs caisses de grève pour soutenir financièrement les grévistes. Mais aussi pour leur apporter un soutien moral et élargir la mobilisation, en permettant notamment à des personnels précaires ou en temps partiels de participer à une ou deux journées de grève. « Quasiment aucune caisse de grève n’arrive à remplacer totalement la perte de salaire – ce sont même parfois des versements assez symboliques –, mais l’idée qu’une collecte puisse rassembler des millions d’euros grâce à des dizaines de milliers donateurs peut avoir un impact politique important qui participe à la détermination des grévistes », relève l’ex-cheminot Gabriel Rosenman, doctorant en sciences politiques sur l’histoire des caisses de grèves.