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Révision de la liste électorale: Un ancien-Vice-président de la Cei fait de grave révélation…

Soungbè Siaka Bamba, l’ancien Vice-président de la Commission électorale indépendante (Cei), a animé une conférence, le vendredi 15 juin 2018, à Abidjan, sur le thème : « Révision de la liste électorale : quels enjeux pour des élections apaisées en Côte d’Ivoire ». Nous vous proposons des pans de son propos.

Introduction

Notons d’entrée de jeu que l’expression révision de la liste électorale renferme des notions essentielles. Dans un premier temps, nous allons définir ces notions et souligner leur importance afin de mieux comprendre l’opération de révision de la liste électorale.

Nous allons, dans un deuxième temps, traiter la révision électorale elle-même et déterminer les enjeux pour des élections apaisées.

I- Définitions et importance de ces notions

(…)

II- La Révision de la liste électorale

Le code électoral en son article 6 qualifie la liste électorale de document permanent. Ce document est permanent, parce qu’il constitue la base de données des ivoiriens de 18 ans et plus, admis au vote, lors d’une élection ou d’un référendum.

Le code électoral prescrit que la liste électorale est tenu à jour pour tenir compte des changements intervenus dans le corps électoral. C’est à partir de cette base de données que la révision de la liste électorale s’effectue.

Revoir les données du document permanent ou réviser la liste électorale, est l’occasion de voir le nombre d’électeurs augmenter, autrement dit, de voir le corps électoral prendre de l’importance, en raison de l’inscription des personnes en âge de voter ou des personnes qui ne se sont jamais inscrites sur la liste électorale.

L’importance du corps électoral par rapport au nombre d’habitants dans un pays, diffère selon les pays. Ce rapport est le reflet ou le baromètre de la performance, du dynamisme du système électoral dans le pays.

Nous allons présenter une étude comparative des statistiques de ces deux paramètres (le nombre d’habitants et le corps électoral) dans certains pays dont la Côte d’Ivoire, pour nous rendre compte de l’effort effectué par les structures chargées des élections dans ces pays.

A) Etude comparative
Cette étude porte sur les statistiques de sept (7) pays, quatre (4) dans la même zone géographique et deux (2) en Europe et en Amérique, ce sont les pays suivants :

1- le Bénin

2- le Burkina Faso

3- le Canada

4- la Côte d’Ivoire

5- la France

6- le Ghana

7- le Sénégal

Ce choix a été guidé par le niveau de la performance du système électoral.

L’étude est présentée sous forme de tableau. Les statistiques, tant en ce qui concerne le nombre d’habitants que le corps électoral est de 2015, 2016 ou de 2017, année d’élection, soit présidentielle, soit législative dans ces pays.

Les chiffres sont donnés par les instituts de statistique et les structures chargées des élections.

Examinons ensemble ce tableau et tirons les enseignements qui s’imposent.

(…).

Enseignements :

– Dans les quatre pays africains de la même zone géographique le nombre du corps électoral par rapport au nombre total d’habitants est bas. C’est au Ghana que le pourcentage est le plus élevé et en Côte d’Ivoire le pourcentage est le plus faible.

– Au Canada et en France, le pourcentage est important et supérieur à la moitié du nombre d’habitants du pays.

Explications des différentes performances :

– Dans les pays africains, la procédure de révision de la liste électorale est la même. Elle est effectuée dans une période donnée de l’année et à l’occasion du déroulement d’une consultation. En Côte d’Ivoire, le corps électoral ne représente que 24,9% de la population. Au Ghana le corps électoral représente 57,7% de la population. La performance du système électoral ghanéen est liée :

– à la confiance des électeurs et des partis politiques à la commission électorale qui est suffisamment indépendante et impartiale.

– à la bonne organisation sur tout le territoire national, de l’administration électorale, animée par des agents disponibles et honnêtes.

Pour améliorer davantage ce système, le Ghana a en projet d’instaurer la révision de la liste électorale toute l’année.

– au Canada et en France, la procédure de révision électorale est continue et permanente. La révision électorale s’effectue toute l’année. Ce qui explique l’importance du corps électoral par rapport au nombre d’habitants dans ces pays.

Après les enseignements tirés du tableau, revenons au cas de la Côte d’Ivoire pour savoir ce qui explique la faiblesse du corps électoral par rapport au nombre d’habitants du pays.

B) Les raisons de la faiblesse du corps électoral en Côte d’Ivoire
Trois (3) raisons semblent expliquer cette faiblesse :

– La procédure de révision de la liste électorale

– La raison de nature politique

– La raison du financement

Raison liée à la procédure de la Révision de la liste électorale
Selon les dispositions de l’article 6 du code électoral, la liste électorale est révisée annuellement par la commission électorale. La structure chargée des élections est la seule responsable de cette opération. La loi ne lui impose ni une procédure, ni un temps pour effectuer l’opération de révision.

La commission électorale dans l’exercice de sa compétence doit tenir compte du droit du citoyen qui est de s’inscrire sur une liste électorale. Ce droit, indubitablement, s’étend à l’opération de révision de cette liste électorale.

Comme nous l’avons expliqué tantôt, l’exercice de ce droit, de par sa nature, droit inaliénable, ne peut être restreint dans une période donnée. Le faire, c’est violer ce droit.

Le Canada et la France, pays démocratiques, conscients de la nature de ce droit et pour ne pas le violer, ont institué une révision électorale continue ou permanente.

La faiblesse du corps électoral est liée à la décision de la commission électorale de ne prévoir qu’une semaine, trois mois ou six mois pour la révision de la liste à l’approche des consultations en violation du droit de l’électeur.

Raison liée à la nature politique
Une bonne partie des citoyens, des électeurs ivoiriens et des partis politiques ne s’intéressent pas à l’inscription sur la liste électorale ou à sa révision, parce qu’elle ne fait pas confiance à la structure chargée des élections. Elle juge la commission électorale dépendante et partiale.

Ces citoyens et ses électeurs ont le sentiment que participer à la révision de la liste électorale ne servirait à rien. Ils pensent que les consultations électorales n’ont pas d’enjeu.

Le manque de confiance au système électoral est une des raisons évidentes de la faiblesse du corps électoral.

Raison liée au financement
Nous entendons dire souvent que l’Etat n’a pas d’argent pour financer une élection ou financer la révision de la liste électorale. Financer une élection ou financer la révision de la liste électorale fait partie de l’exercice de la souveraineté d’un Etat.

L’insuffisance de financement crée l’insuffisance de moyen humain, de moyen matériel et entraine la réduction du temps consacré à la révision de la liste électorale.

La réduction du temps consacré à l’opération de révision a pour conséquence la réduction du nombre des lieux d’enrôlement qui sont souvent éloignés du lieu de résidence des citoyens.

L’insuffisance de financement constitue, sans nul doute, un frein à la progression du corps électoral.

C)Propositions de solutions aux problèmes posés.

1) La faiblesse du corps électoral liée à la procédure de révision de la liste électorale ne peut être corrigée qu’en tenant compte du droit de l’électeur. L’exercice de droit ne peut être restreint.

L’exercice de ce droit est légal et légitime toute la durée de l’année.

Cela revient à proposer l’instauration de la révision électorale continue ou permanente comme au Canada ou en France.

Si cela devrait se réaliser, il appartiendrait à la commission électorale de mettre en place les modalités pratiques de l’opération en associant, bien sûr, les partis politiques et la société civile.

2) La correction de la faiblesse du corps électoral liée à la nature politique réside dans la proposition de réforme de l’organe chargé des élections.

Cette réforme, réclamée par les citoyens, les organisations de la société civile et les partis politiques, s’impose aujourd’hui.

Elle va restaurer la confiance des électeurs et renforcer le corps électoral.

3) En ce qui concerne le financement, l’Etat de Côte d’Ivoire doit assumer toute sa responsabilité en tant qu’Etat souverain et abandonner, en la matière, la politique de la main tendue. Plusieurs mécanismes ou de montages financiers internes existent et peuvent apporter la solution à ce problème.

Quant à la Commission Électorale, elle doit établir un calendrier rationnel et rigoureux, prévoyant tous les budgets de ses activités de l’année à l’effet d’être inscrit au Budget Général de l’Etat

Dans ce domaine, rien ne doit s’improviser.

Les budgets sont alloués pour être utilisés pour ce pour lequel ils sont mis en place.

Conclusion

En guise de conclusion, nous allons situer, dans un résumé succinct, les enjeux de la révision de la liste électorale que nous avons relevé tout au long de notre entretien.

– Le premier enjeu est de faire respecter le droit du citoyen à participer à la révision de la liste électorale, sans contrainte de temps.

– Le deuxième enjeu c’est d’assurer une évolution favorable du corps électoral par rapport au nombre total d’habitants du pays.

Le troisième enjeu c’est également d’assurer une participation confortable de ce corps électoral aux différentes consultations afin que les dirigeants issus de ces élections bénéficient d’une légitimité forte et incontestable.

– Le quatrième enjeu c’est de faire en sorte que cette légitimité soit obtenue à la suite d’une élection respectant les normes internationales, c’est-à-dire, une élection transparente, libre et juste, organisée par une structure électorale suffisamment indépendante et impartiale.

Enfin, l’objectif de ces enjeux qui se tiennent parce que découlant l’un de l’autre, est d’instaurer un système électoral performant, enraciner la démocratie et conforter l’Etat de droit, autrement dit, inculquer la mentalité du respect scrupuleux de nos textes législatifs (constitution et lois qui en découlent) que nous nous sommes donnés librement, sans contrainte aucune.

Mesdames, messieurs, les ivoiriens doivent croire à ces enjeux, soutenir leurs réalisations afin d’espérer à des élections apaisés dans notre pays, socle de l’entente et sûrement de la réconciliation et de la paix dans la communauté.

 

 

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